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[Chronique] Guizmo – Dans ma ruche

Le 31 août dernier, quasiment deux ans après son dernier album solo ponctué par le morceau C’est Tout, Guizmo revient sur le devant de la scène avec André. Comme un écho à ce dernier morceau – couplet unique, sept minutes de son – le Guiz’ lâche une bombe sonore, qui a marqué la rédaction, pour annoncer son prochain opus. Quatre mois plus tard, voici Dans Ma Ruche, déjà quatrième album du MC.

Ce projet est d’abord une vraie rupture avec ses trois premiers travaux. On sort de l’époque « un album tous les six mois », où Guizmo avait relevé son défi avec brio. Le rappeur de Villeneuve la Garenne dit avoir utilisé « une autre méthode de travail (…) et beaucoup de recherche » pour cet opus.

Autodestruction

Si ce projet est détachable du trio NormalLa BanquiseC’est Tout, Guizmo reste fidèle à ses thèmes de prédilection. Il évoque un quotidien miné par ses addictions, un entourage nocif et une certaine angoisse quant à la société qui l’abrite. Cette description méthodique de son environnement s’impose comme une caractéristique intrinsèque à chaque album du Guiz’. Dans 10 Ans est un bon exemple de cette autodestruction du MC. Le morceau marque les angoisses futures, liées à un mode de vie défaillant. « Trop zoner ça tue, et une décennie ça passe trop vite/ J’réfléchis, j’ai pas d’logique, dépressif et alcoolique ».

  Les instrus sombres et les textes mélancoliques face à la défonce sont toujours aussi efficaces. Guizmo tient à jour son carnet de bord et relate la vie dans son 92. Dans l’excellent Du R5 au R1, l’accent est à nouveau placé sur cette vie solitaire, irrégulière, violente. On peut presque imaginer un jeu d’ombres et de silhouettes mal-assurées qui déambulent sans but dans les chefs-lieux du Guiz : Valenton, La Caravelle. Considérant que La Vie est un Thème, Guizmo déballe sans pudeur la rage qu’il emmagasine. Une certaine maturité est perceptible dans ses phrases emplies de mal-être, Guizmo dénonçant cet emprisonnement volontaire dans cette vie morose.

Le rappeur du 92 ose un clin d’œil à IAM sur Demain c’est mort, une nouvelle fois une vision noircie du futur. Il joue le chien domestique enragé dans l’innovant Muselière. On retrouve aussi le Guiz’ séducteur sur Bisou et sur une ambiance à l’africaine rafraichissante avec Amadou et Mariam. Des prods moins lancinantes permettent au MC d’explorer d’autres terrains, comme sur le titre Dans Ma Ruche, ou encore sur Ligne 9, avec un éclat un peu moindre.

L’expérience du loup solitaire

Attendu au tournant depuis le mitigé Jamais 203 avec Mokless et Despo Rutti, Guizmo remonte au top dès ses premières phases. Son talent refait surface immédiatement, notamment dans son habile manière d’allier fond et forme. Il critique d’ailleurs cette vague de MC’s accro aux multi syllabiques dans André : « Les rappeurs c’est des bimbos, y’a des formes mais y’a pas le fond ». Son écriture s’est affinée dans cet album. Techniquement, le rappeur de Villeneuve se maintient au haut niveau qu’on lui connaît. Ses punchlines sont bien senties, le verbe est aiguisé. Impulsif, parfois prétentieux, Guizmo rappelle par cette maitrise du côté sombre une vieille école, notamment dans le 9.2.

Avant-hier tête d’affiche de L’Entourage, hier jeune loup aux dents longues ayant tout à prouver, Guizmo a aujourd’hui plus de recul mais toujours autant d’impact dans ses tracks. A bientôt vingt-quatre ans, il dégage une véritable assurance et donne l’impression d’avoir toujours baigné dans ce paysage du rap. Il ne se cache pas pour prendre ses distances avec cette relève, obsession franco-française du move des dix dernières années : « Toujours efficace quand j’arrose j’suis venu pour tous les plier/ Bah ouais j’m’en branle de votre relève, j’suis avec les piliers ». Dont acte.

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