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[Chronique] Harry Fraud – Brooklyn/Paris

Pour chroniquer ce Brooklyn/Paris, nous aurions pu adopter deux angles d’écoutes. Le premier de ces angles aurait consisté à prendre cette compilation comme une sélection « d’espoirs du rap français » associés à un producteur américain confirmé. Le second serait d’écouter cet EP comme le travail d’un producteur sortant de ses habitudes.

 
Logiquement, nous avons choisi de nous concentrer sur la deuxième option. Logiquement, car Harry Fraud est le seul artiste à être présent sur toutes les pistes dont le nom est présent sur la pochette. Il assure la continuité au sein du disque et c’est finalement lui qui a la lourde tâche d’installer une cohérence et de créer un univers dans cet amas d’artistes désigné sous le nom un peu hâtif de compilation.
Producteur au pedigree plus que solide, Harry Fraud est le musicien idoine pour se prêter à ce type d’expérience. Avec un CV allant de Currency à The Weeknd en passant par French Montana, dire que l’ami Harry est éclectique est un euphémisme. Il était dès lors intéressant de voir comment le New-Yorkais allait se prêter à l’exercice forcément « casse gueule » de la compilation.
 
Première indice, on apprend au détour d’une information promotionnelle que le producteur a pris le temps de s’immerger dans la discographie de chacun des rappeurs présents sur le projet. On peut en déduire que les productions seront taillées sur mesure en fonction du ressenti du compositeur. Information capitale qui explique la différence de sonorité qui se crée d’une piste à l’autre au sein de ce Brooklyn/Paris.
 
Réputé pour l’attention toute particulière portée aux drums, on reconnait la signature d’Harry Fraud sur chacune des pistes de cette EP. Que ce soit sur le morceau d’intro Mélange, porté par Triplego et ces kicks aériens, ou sur le boom-bap MPC-esque de Fraud Saus, HF étale la diversité de sa palette de beatmaker. À l’aise dans tous les styles, il fait preuve d’une réelle maîtrise et parvient à créer les ambiances souhaitées avec une relative facilité.
 

 
Cette maîtrise technique s’entend notamment sur le travail mélodique et la texture sonore qui sont assez poussés. Harry Fraud en avait fait une signature et il ne déroge pas à la règle ici. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter Fausses notes et sa mélodie entêtante qui accompagne un Dinos à l’inspiration assez inégale.
 
En effet, Brooklyn/ Paris n’échappe pas à la règle des compilations et malgré toutes les prouesses techniques de HF, le projet met en valeur des rappeurs, certes talentueux, mais à l’état de forme assez variable. Et ainsi, plusieurs collaborations sortent du lot au détriment des autres. Autrement dit, la mayonnaise ne prend pas à tous les morceaux ce qui rend cette compilation assez hétérogène.
 
La piste Quand je me lève et la prestation d’Infinit en est le meilleur exemple. Le rappeur niçois s’adapte parfaitement à la composition du beatmaker américain et s’approprie l’univers proposé. À l’aise, il occupe pleinement le morceau servi par Harry Fraud qui semble avoir pleinement cerné ses capacités.
 

 
À l’inverse, la collaboration entre Harry Fraud et Jok’Air est une légère déception. La production est impeccable et le MC dispose d’un talent évident. On pourrait même considérer que ce morceau est plutôt réussi dans l’absolu. Cependant, il n’atteint jamais les sommets qu’il aurait pu atteindre tant cette collaboration avait de quoi faire saliver sur le papier.
 
Si l’on s’en tient à notre grille de lecture, Harry Fraud réussit son pari et parvient à créer des sonorités adaptées et maîtrisées. Il démontre une nouvelle fois qu’il fait partie des meilleurs et certaines collaborations entrevues sur ce Brooklyn/Paris mériterait d’être travaillé sur le long terme.

À proposZayyad

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