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[Chronique] Hugo Délire – Grand Delirium

À partir de 2011, à force de freestyles sur YouTube, Hugo se fait un petit nom sur la scène rap, puis transforme l’essai avec son Maxi en Taxi, deux ans plus tard. Alors à l’annonce de la sortie de son premier album Grand Delirium, forcément, l’attente était teintée d’impatience. Montez avec nous dans un voyage au coeur d’un des projets les plus délirants de l’année.

« Ce n’est pas votre capitaine qui parle, il dort actuellement à poings fermés au poste de pilotage, mais c’est Hugo Délire. Ceci est un détournement d’avion ; étant donné qu’il est de plus en plus difficile de capter l’attention des gens de manière durable j’ai décidé de me muer en terroriste du son et de vous emmener de force dans ce vol 1062,4 en provenance de la Terre et en direction du Grand Delirium, espace de création interstellaire et infini de l’immensité spatiale et de la grande, euh… ours, on va dire ça. Je ne réponds pas forcément de la pertinence de toutes les escales que nous allons effectuer, il est possible que l’on s’égare un peu. »

Un disque en guise de carte d’embarquement pour un voyage d’une petite heure dans l’avion délirant, technique, littéraire et multicolore qu’Hugo Délire a bâti à grands renforts de boom bap, chez Kyo Itachi Airline, dont la qualité des créations n’est plus à prouver depuis longtemps. Grand Delirium, c’est d’abord un délice musical, bordé de synthés efficaces et de samples vocaux délicats et raffiné : bien que l’avion soit piloté par un dernier de la classe, on est monté en première. Parce qu’à n’en point douter, à l’école, HD devait être de ceux du dernier rang qui confectionnaient des sarbacanes à boulettes de papier pour pimenter sa vie scolaire et celle de ses malchanceux camarades. Excepté en français, où Hugo devait être particulièrement attentif : la plume est superbe. Multisyllabiques à gogo, jeux de mots constants, décomplexion verbale totale, HD raconte des aventures fantastiques avec aisance, et on écoute le conteur avec attention (particulièrement sur le superbe E&Z, émouvante histoire d’Enzo et Zoé), puis tombe dans un égotrip délirant au track d’après, armé d’une hache et d’un dé (sur HD). Ce style délirant et décomplexé n’en donne que plus de poids à son discours quand, lors d’une escale de notre vol dans un pays gris et pluvieux, Hugo dénonce avec d’un coup beaucoup de sérieux les problèmes d’une génération de jeunes en quête de repères. Hugo ne délire pas tant que ça, quand il veut.

« On ne vise pas le sommet de l’Everest / On tente de faire plus haut, et donc je pencherais plutôt pour qu’on quitte l’atmosphère terrestre // Ne stresse pas / A nous s’ouvrent les portes de l’espace / Y’a bien un morceau d’étoile ou y’a encore de l’espoir » (Grand Delirium)

De ci de là, l’hôte de l’air (c’est comme une hôtesse de l’air, mais avec une paire de… d’AirMax ?) DJ Flakes nous propose une bonne dose de scratchs, histoire qu’on savoure vraiment ce vol en première classe : on le savait doué au volant d’un taxi, mais pour un baptême de l’air, Hugo Délire s’avère être un pilote de haut rang. Grand Delirium est un superbe voyage, que je ne peux que recommander vu la beauté de la destination : le billet coûte le prix d’un CD, et il y a des vols 24 heures sur 24 en direction du Grand Delirium (garanti sans problèmes, c’est pas le RER B).

« Limpide / J’veux un brin d’pluie, de l’eau plein l’puit, et puis j’épuise mon inspi, donc viens vite / Limpide, viens vite prendre un drink, viens vite, je t’invite, chez moi les choses sont limpides » (Limpide)

Comme dit à l’intro, le pilote dort à poing fermé sur le poste de copilotage, c’est HD aux manettes. Tout bon pilote qu’il est, il ne tient quand même pas franchement en place, le garçon : du coup, il a invité ses potes pour prendre le relais le temps d’une escale ou deux ! Certains d’entres eux étaient bourrés d’ailleurs, c’est le thème de C’est pas moi c’est l’autre, avec Ol’ Kameez et Nekfeu.

Sur la petite télé en face du siège (rappelez-vous, on est en première classe), un film d’horreur interactif est diffusé pendant le vol, Même pas peur, avec Hippocampe Fou en tête d’affiche (une sinistre histoire de vampire, rien de bien méchant). Ça parle même sociologie et cordyceps avec Lomepal et Kéroué de Fixpen Sill sur Ah Nan Nan, et puis ça retourne kicker ça proprement, à l’ancienne, avec Yoshi et Gaïden : vous l’attendiez depuis 2013 ? Voici le Freestyle #7 d’Hugo Délire, sagement intégré à l’album plutôt que de voguer sur youtube comme ses six prédécesseurs. Un dernier détour avec Maniak et Nesis, avant d’entamer doucement la redescente vers la terre, et puis arrive l’heure fatidique de l’atterrissage. Enfin, l’atterrissage… on va toucher le sol, quoi ! Et c’est plus brusque que prévu : c’est brusque comme un blanc de deux minutes dans une tracklist. Pour les plus assidus, qui restent jusqu’après le générique, un ultime message est adressé, avec Artik, aux extra-terrestres, avant que la porte ne se referme définitivement sur ce vaisseau spécial, qui est définitivement une belle réussite. C’était le monde merveilleux de la connerie, de la dépravation, et de la chatte à ton père. Over.

 

 

À proposHugo Rivière

Entêté monocellulaire impulsif, sentimental, très humain et complètement dingue

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