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[Chronique] Imhotep – Khéper Dub

Imhotep, l’homme de l’ombre, le manipulateur de beats, grattant les cordes musicales d’Iam depuis leurs débuts, celui que l’on doit malheureusement encore présenter à certains, alors qu’il est membre éminent du groupe de rap le plus connu de France. Une forme d’injustice, mais qui sied pourtant à l’intéressé, si l’on en croit ses interventions ça et là dans la presse papier et web. A la fois convaincu et passionné, c’est entre Marseille et le Maroc qu’il enregistre et produit son son, pour lui ou Iam, en toute indépendance (Khéper Dub n’est pour le moment distribué qu’en numérique, faute d’accord pour une distribution CD). Il livre aujourd’hui un album de dub, assez éloigné de la fureur du rap phocéen, mais toujours proche de la perfection.

Quand on regarde la carrière solo d’Imhotep, on comprend vite que, après un Blue Prints and Master Plan (1998) aussi electro que lounge et Khéper (2012), qualifié d’album d’ « ethnotronica » (soit le mélange des musiques électronique et ethnique) par son créateur, on est pas surpris. On attendait même avec impatience cet opus, qui augurait du meilleur et allait faire passer Imhotep du coté dub de la force, qu’il avait côtoyé à ses débuts dans les années 80.

Et on peut dire que l’on est pas déçus. Dans la lignée de Khéper, son petit frère fait la part belle aux sons du monde entier. Véritable odyssée musicale à contre-temps, le disque nous ballade de l’Europe à l’extrême-orient en passant par Israël ou même le continent perdu de l’Atlantide. Ballottés dans une esquif en forme de sound-system, on navigue sur des partitions rythmées, aux lignes de basses efficaces, aux sons variés et choisis, laissant la part belle à l’imaginaire voire à l’introspection, secouant la glande pinéale plus fort qu’une piqûre d’adrénaline en plein cœur et ouvrant de force le troisième œil qui dort en chacun de nous.

Par ailleurs, la relation entre Khéper Dub et son précédent ne sont pas ce que le titre semble indiquer. Seulement trois morceaux de l’album de 2012 ont été repris et remixés pour coller à l’ambiance générale, le reste étant des morceaux originaux. Une ambiance qui en plus relève le défi d’être à la fois variée dans ses différents thèmes et cohérente dans son ensemble. Cela rendu possible par un fil conducteur musical propre à la dub (des lignes de basse mises en avant, un art du contre-temps et du rythme hérité du reggae) et les différents interludes qui séparent les tracks. De courtes séquences ponctuent ainsi les transitions à base de sons naturels. Cris de loup, coassement de grenouille ou pluie estivale ancrent ainsi les différentes étapes du voyage dans un décor vivant et foisonnant, comme si cette musique sortait directement de la nature.

Sentiment renforcé par la facilité avec laquelle les éléments semblent s’imbriquer les uns dans les autres et la qualité de la production. Mise à part quelques bévues (la harpe de Harp Dub ou la track Tropical Dub sont les seuls points noirs), la fluidité et la cohésion des sons employés fait que l’on glisse d’une piste à l’autre comme sur un nuage magique. Et puis bien sûr, la partie post-production est des plus soignée, avec un mastering et des arrangements qui vous décideront d’investir dans un système sonore digne de ce nom, surtout en terme de basse, décidément l’élément central de l’album.

Enfin, ce qui ressort de cette galette, c’est ce sentiment de passion transmise à travers les différentes inspirations. Plus qu’une musique pour bouger, c’est surtout une invitation à la découverte, au voyage et à l’autre que nous propose l’architecte sonore. A l’image du scarabée poussant le disque solaire sans relâche dans le ciel, Imhotep vient nous éclairer, non avec de la lumière, mais avec du son, pour retrouver le chemin du rythme au cœur des couloirs de la pyramide de la vie.

En conclusion, si on peut faire de légers reproches à Khéper Dub (les deux pistes sus-citées ainsi que Atlantide Dub sont les moins entraînantes et inspirées), il reste un album largement abouti et complet, qui ravira les amateurs de dub comme les néophytes, les stoners ou les gens simplement curieux de musiques à la fois rythmées et posées.

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À proposJibé

Amateur de snares qui claquent et de kicks qui portent, j'aime les freestyles à base de kalash et de double-time.

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