L’obsession humaine pour le temps qui passe est une longue histoire ! Égarés dans une époque où gagner de précieuses minutes est devenu source de rentabilité, certains éléments incontrôlables poursuivent pourtant leur chemin sans se soucier de l’heure à laquelle le prochain train passera les prendre.
Ce train-là, JP Manova, la quarantaine approchant, ne s’était jamais résolu à y monter ! Resté sur le quai dans l’ombre de quelques voyageurs bien décidés à trouver une place, ce Parisien là n’éprouvait visiblement aucune envie de se faire contrôler avec tous les autres. Ce n’est pourtant pas le manque de bagages ou de talent qui l’en empêchait, et le regard respectueux et admiratif de certains passagers en disaient long à ce sujet ! Et puis, un soir, le temps semblait finalement venu ! Après dix-sept années passées sans suivre les rails, JP Manova entrepris soudainement d’avancer vers les portes du train… Au milieu d’une foule qu’il connaissait depuis si longtemps, ce visage resté dans l’ombre était désormais prêt à se dévoiler. En rentrant dans le wagon, plusieurs regards enthousiastes le fixaient… l’heure du départ sonnait enfin, le train démarra… il était 19h07 !
« Au lieu d’être rappeur, j’suis un travailleur qui fait du rap ! »
Quelques heures plus tôt, JP Manova avait veillé à ce que tout soit prêt ! Il est vrai que l’intéressé avait pris le temps de réfléchir à son itinéraire musical, depuis « Janis » et ses premières « Liaisons dangereuses » tissées en 1998, sans vraiment songer à mener le train de vie d’un artiste au quotidien. En attendant patiemment son tour, les quelques voyages entrepris avant 19h07 confirmaient néanmoins que sa place n’était pas à prendre. Aux côtés des Doc Gyneco, MC Solaar, Ekoué, Flynt, ou encore Rocé – monté avec lui dans le 19h07 (La Spirale) – JP Manova ne faisait alors que présenter au public une brève esquisse de son savoir-faire.
En passant à présent de l’ombre à une lumière plus soutenue malgré l’horaire tardif, l’esquisse devenait un tableau de onze « poses » musicales marquées par l’identité singulière d’un timbre de voix reconnaissable parmi tous les autres. Et si la patience n’est pas une vertu pour tout le monde, elle ne paraît en tout cas pas être la seule que JP Manova a su entretenir, pour ne pas tomber dans la spirale de l’échec. Alors le temps de ces onze arrêts, entre introspections « freestylées » (Longueur d’onde, Pas d’bol, Capoeira verbale), regards ironiques sur le monde qui l’entoure (Is everything right ??) et ses quelques rares figures intègres qui l’ont fait grandir (Sankara), les horizons visés sont approchés avec la justesse et la sérénité d’un homme qui connait son chemin, pour l’avoir patiemment étudié : « Explorer le rap est plutôt drôle dans le fond, au risque d’être pris pour les clowns qu’en font, s’y croyant pour de vrai en prenant de grands tons, fiers de leurs couplets redoutablement cons » résume Capoeira verbale l’une des pistes inévitables de ce 19h07.
En résumé, peu de bagages inutiles mais beaucoup de matière (grise !) sont rassemblées pour cette première exploration longue durée. Avec « un curriculum pire que Code quantum », Manova parvient à entrecroiser les images d’une vie et les références qui y sont attachées, avec toute la technique et la verve de l’artiste qui s’était confié si peu jusque là…
« »A quel point penses-tu être libre ? » m’a dit ce monsieur ! Entre volonté du système, volonté de Dieu. Rêves de places au Soleil, rêves de Révolution, celui qui rêve n’est, au fond, qu’un irrésolu pion »
Néanmoins, toute prétention de vouloir guider les autres semble condamnée à rester à quai ! La seule vérité emportée par JP Manova tout au long de ce trajet reste la sienne, retenue entre ses ses questionnements, ses certitudes, ses rêveries et une de soif de liberté qu’il tente d’assouvir à l’heure de son premier grand voyage : « J’ai pour volonté d’être libre, c’est la seule idée qui m’obsède, celle de me prendre pour une cible, quelle que soit l’équipe s’annonce dead, Qu’on ne m’impute aucun acte ou motif de culpabilité, qu’aucun pacte ni pression, n’occulte ma dignité » (A quel point (libre)). Le rap, en tant que musique intemporelle, croise ici la route d’un de ses représentants les plus emblématiques. Parce que dix-sept ans dans le secret, c’est plutôt long, surtout quand ce secret mérite d’être entièrement révélé. Le onzième arrêt passé, certains passagers auront peut-être à coeur de recroiser la route de ce voyageur discret qui aura finalement bien choisit son heure pour embarquer.
En attendant, il ne reste plus qu’à apprécier l’écho que laisse échapper ce 19h07 depuis sa sortie de quai et à espérer d’autres prochains « départs » aussi réussis que celui-ci. D’ailleurs, à ce propos, JP… quelle heure est-il… ?
Train, quai, voyageurs, place, bagages, passagers, rails, foule, wagon, contrôler…Mais quel voyage et quelle destination vous nous proposez Monsieur Le Chroniqueur!! je raffole de ce genre d’écrit, vous avez su jongler avec vos propres mots et ceux de l’artiste, faire de cette chronique un moment de détente tout en informant merveilleusement bien. J’ai beaucoup lu sur le parcours de Monsieur Manova et en aucun cas en vous lisant je ne me suis ennuyée. Merci à vous…
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