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[Chronique] Koriass – Love Suprême

Comme on a coutume de le faire malgré notre nom du Rap en France, on va sortir des frontières hexagonales et se diriger aujourd’hui du côté de Koriass, un rappeur Québécois. Ce nouveau projet Love Suprême est son troisième album : 45 minutes qui alternent entre le français et l’anglais, comme on sait si bien faire au Canada (et pas du tout ici, je recommande l’usage intensif de Rap Genius à l’écoute de l’album), qui reflètent la quête de gloire et d’amour de Koriass, la quête du Love Suprême.

L’album dont le nom rappelle celui du classique de John Coltrane s’ouvre sur une paraphrase de Biggie, signe que Koriass n’a pas peur de viser haut avec ce nouveau projet : sa quête est ardue, il va falloir arriver très fort. Et c’est gagné : le début de l’album est éclatant de rythme, porté par sa volonté de fer de rentrer dans la légende, qu’il accompagne d’égotrips musclés et de flow rythmé et technique, le tout orné de samples instrumentaux et vocaux qui donnent une certaine clarté à la musique. Koriass started from the bottom et revient bien décidé à se faire sa place au détriment de la concurrence : cet état d’esprit conquérant saute aux yeux au début de l’album, à travers des tracks comme Leaders ou Légendaires, et trouve son apogée sur les tracks Zombies et Nulle Part, sur des prods trap aux accents presque électro rock parfois.

C’est cette alternance entre l’agressivité et la douceur qui donne à Koriass sa crédibilité, et sa couleur à Love Suprême, un album qui parle plus d’amour que d’autre chose finalement : celui qu’on donne, sur le terriblement doux Jolies Filles (en feat avec Lary Kidd), celui qu’on a donné, sur l’un des morceaux les plus réussis de l’album, Blacklights, une dédicace à sa meilleure amie décédée d’une overdose. L’album respire avec cinq interludes, les Hate Suprême, de courtes pistes des quelques dizaines de secondes, de sages paroles a capella qui accompagnent la recherche du Love Suprême de Koriass, et en expriment ses erreurs. Les sonorités traps du début de l’album ont laissé place à des tonalités plus douces, des prods plus épurées sur des bases de hip hop plus classiques, mais toujours ornées de finitions ultra modernes. Koriass, c’est aussi un accro de la ride, ce qui amène bien évidemment un track au tempo lent dédié à cette Drive ;  cette veine plus douce, plus hip hop, est également porteuse de l’un des tracks les plus réussis de l’album : comme dans le 18ème, on a Fenêtre sur Rue d’Hugo TSR, Koriass offre à Québec le superbe Ouvre ta fenêtre, description imagée de sa street life à travers ce prisme de la fenêtre, ici coupée à l’espoir et rythmé du flow technique du rappeur. Pour ce qui est de la technique d’ailleurs, la plus grosse performance de l’album est Pardon, immense connexion avec Loud qui a donné naissance a deux couplets ultra techniques et enflammés.

« Fais comme les autres, kid fais la file pour un T-shirt / Va jouer dans l’trafic ou va jouer Justin Bieber / Ta chick sur mes pics pis ta clique sur mon wiener / You can’t break me, j’fais les beats all day pis le shit est HD / J’essaye d’être great comme le late Jay Dee / Tu sais que c’pas du série B, j’ai le grade a  »D » /Y’a des têtes qui vont tomber / Pas d’semaine de relâche, pas de longs congés / Toi, tu brûles la chandelle pis tes comptes sont gelés / Moi, j’te montre mon D pendant que j’compte mon blé »

L’album atteint son point culminant avec le track éponyme, Love Suprême, après le dernier interlude, qui met un point final à cette quête. Enrobé de lourdes basses, que viennent casser la voix de Sabrina Halde au refrain, Koriass rappe alors la fin de l’histoire, faisant le point sur son parcours, et réalise que finalement, brûler sa vie en courant vers la gloire n’est pas la meilleure façon d’atteindre son but ultime, qui doit être le même pour tout le monde : l’amour absolu, le Love Suprême.

« À la recherche du Love Suprême / Quête d’amour et de gloire / J’ai toujours porté les remords comme un tattoo sur le corps / J’ai fait les affaires comme un God / Mais fait un pacte avec le diable / Jamais camouflé mes flaws et toujours avoué mes torts / Y’a des amitiés qui cassent / Les vieux amis prennent le bord / La minute où t’as le crown, tu vois la jalousie qui sort / Toujours battu pour le love, les shots partent de tous les bords / Mais protéger les proches, ce sera à la vie à la mort / J’voulais juste ride avec les buddies, getting high / Faire des folies, living life »

Enfin, la tracklist s’achève avec Rien d’autre, rien d’autre que son parcours, rien d’autre que son combat, rien d’autre que sa vie : Koriass n’a besoin de rien d’autre que du love. Et nous on a besoin de rien d’autre pour valider totalement ce projet, à la production excellente, la musicalité riche et la superbe cohérence du projet, qui ne pouvait trouver meilleure fin que ce crescendo de percussions, bombé d’un soupçon cuivré, et clôt par ces quelques légères notes de piano.

 

À proposHugo Rivière

Entêté monocellulaire impulsif, sentimental, très humain et complètement dingue

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