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[Chronique] KT Gorique – Tentative de Survie

« La Terre m’a donné la parole, aucune raison que je me taise / Et si je suis fidèle au ciel, aucune raison que je leur plaise »

Chibidicheck ! Championne des End Of The Weak en 2012, la emcee Suisse Kt Gorique avait livré sa première galette, une mixtape nommée Demi Tentative, à l’automne 2015 : frappant de sincérité, puissamment hip-hop, assaisonné de reggae, le projet était aussi riche que réussi (on vous en touchait deux mots ICI). On s’était quitté sur l’idée qu’un premier album était dans le four, et on l’attendait au tournant. Là encore, dès la première minute du premier track de cette Tentative de Survie, le constat est flagrant : avec la rage d’une Keny Arkana – qu’on entend d’ailleurs confirmer au début ce que l’instru semble nous susurrer : Kt Gorique, King-Kong dans un corps de moustique, l’enfant du tonnerre, a appuyé sur l’accélérateur.

« Introduction de fou furieux, comme le veut la tradition / La suite promet de traumatiser tout curieux »

Ce n’est pas seulement le nom du second track : hip hop music est réellement l’essence de ce premier album et second projet de Kt, sur lequel le reggae n’est qu’une lointaine influence parmi d’autres. Bien entourée de beatmakeurs français et suisses, elle a travaillé sur cet album avec Art Aknid, qu’on avait déjà eu le plaisir d’entendre sur la mixtape, mais également Old Monkey, Dj Kamo, Dj Idem, Dr One, Two One et Fred Killah. A eux tous, et à grands renforts de piano, cordes et autres cuivres, tous portés par le même amour du boom bap, ils façonnent à la emcee 50 minutes de prod parfois lumineuses, souvent sombres, saupoudrées de scratching et de samples terribles. Kt Gorique aime le hip hop, le vit, et le rappe avec une détermination flagrante ; l’album dégouline de vibes rétros à souhait et de références à ses augustes prédécesseurs, de Dj Kool Herc à Zoxea, en passant par Keny Arkana ou Matthieu Kassovitz, en vrac. There is nothin’ like hip hop music, et il n’y a rien à changer dans cette éternelle formule, difficilement critiquable tant qu’elle est bien pratiquée, du rap qualifié de « boom bap ». Peace, love, and unity.

L’unité n’est pas ce qui manque à ce projet, hip hop de but en blanc, et qui contient bien sûr sa dose de featurings : plus on est de fous, plus on kicke. On retrouve donc Bombs déjà présent sur le premier projet mais également Miss Terre sur le juste, superbe et touchant Histoire sans faim, ainsi qu’Oracy sur la track Que du love : enfin, la suissesse est allée chercher de quoi faire un grosse connexion à Bruxelles, d’où elle a ramené S-E-N le bête de belge, Senamo, et sa Smala de crew (Colt 45. et Couteau Suisse), et dans le 18ème arrondissement de Paname, d’où elle a ramené le roi des punchlines légendaires, Hugo TSR, sur l’excellent Tous les soirs du monde.  Le hip-hop est un langage, que Kt Gorique manie à merveille pour nous rappeler que « ce qui compte, c’est pas de rester authentique, c’est de rester juste ». Surprenante revendication de la part de la emcee, elle-même si authentique sur cet album : c’en est la première phrase (rappée), « on m’a dit, Kt, reste authentique », et à n’en pas douter, elle l’a fait.

Authentique d’abord dans sa musique , mais également dans ses propos : norme quasiment insurmontable pour un album de cette trempe, si profondément hip hop, c’est sans grande surprise qu’on entend la emcee se dévoiler sans filtre à travers Tentative de Survie. Le premier clip du projet, Gamberge, clôt la tracklist sur une note de tristesse, émotion dominante dans ce second projet de la rappeuse : malgré la pêche que donnent Pas la peine, Hip Hop Music et Dans dix ans, c’est bien la tristesse émanant de Fantôme de moi, Mal du pays, Tous les soirs du monde ou Gamberge qui prend le dessus sur la globalité de la tracklist. En proie aux doutes, à la nostalgie et à la colère, Kt trouve néanmoins la force de nous dire « ma douleur n’est pas reine, parce que l’espoir lui-même a une force suprême / Que j’ai choisie comme totem, avec Liberté pour emblème », une force qu’elle puise dans ses racines jamais oubliées : Jah Rastafari, je rêve de mon Afrique

Tentative de Survie s’impose comme un second succès pour Kt : l’album propose cinquante minutes bien remplies d’un rap sincère, torturé, mais débordant de motivation, sombre mais brillamment mis en place. On en arrive finalement à la même conclusion que pour Demi Tentative, gardez un œil et une oreille sur Kt Gorique ! Le couteau-suisse prend de l’ampleur…

« Aucun regret malgré les chagrins / Dans les jardins de mon âme, je donne de l’importance à chaque grain »

À proposHugo Rivière

Entêté monocellulaire impulsif, sentimental, très humain et complètement dingue

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