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[Chronique] L’Asile – Oulan Bator

N’en déplaise aux cols blancs des majors, parfois,  la meilleure stratégie marketing ne nécessite pas des sommes astronomiques. Un bon titre d’album entraperçu dans un bac peut faire le job et avoir plus d’impact qu’une semaine de rotation radio. C’est exactement ce qu’il se passe avec Oulan-Bator, le titre du dernier album de l’Asile. Un jeu de mot facile qui a tout de même de quoi faire sourire un esprit fatigué par l’enchaînement douloureux des journées de travail. Et qui crée l’envie de se pencher sur ce groupe pour le moment anonyme qu’est l’Asile. C’est un groupe composé de cinq MC, Belra, Kay, Ledaw, Lucio & Skid.  Ce 5 majeur est complété par le 6ème homme Kreapton qui s’occupe de la majorité des productions d’Oulan-Bator. Cette joyeuse fratrie est un pur produit de la scène rennaise que chacun des membres a écumé pendant de nombreuses années.

En découle un fort sentiment d’appartenance et une fierté évidente de porter les couleurs de Rain City Zoo . C’est donc tout naturellement que l’un des meilleurs morceaux du projet tourne autour du chef-lieu d’Ile et Vilaine. Dans ce titre sobrement intitulé 1°29’50 (toujours ce jeu sur les titres), Belra, Lucio & Kay nous décrivent leur ville tel qu’ils la vivent. Description laconique et mise en place du décor par Belra qui introduit l’excellente prod’ de Kreapton :  » Fou ville cramé, par la tise et tout le reste, c’est ça la iv c’est tout Rennes / On s’esquinte sous les gouttes d’eaux / T’y perds des potes sur des coups de couteaux  »

Lucio embraye pour nous confirmer ce que l’on pensait déjà très fort. Rennes n’est pas la ville la plus funky de France. « Dans ma ville j’entends les sirènes retentirent / Résonnées dans chaque quartier pendant que les bières se remplissent / Avec mes potes rien à faire, Rennes mon pensionnat / A notre stade survie égale long championnat. » Les amateurs de foot auront saisi le double sens de cette dernière phase. Malgré l’apathie décrite par nos rappeurs bretons, aucun d’entre eux ne semblent vouloir quitter l’une des capitales de la Bretagne. » Rain City Zoo, là où les stars ne passent pas, on s’est juré de pas s’barrer bah ouais  » Et c’est tant mieux ! La scène rennaise gagne à être connu tant elle semble fichtrement talentueuse. Ces cinq MC en est sont la preuve.  Tout le challenge pour les membres de l’Asile était de réunir ces talents et de rendre l’association audible. Assembler des rappeurs est un exercice d’équilibriste surtout quand les styles des protagonistes sont aussi divers.

Asylum est le morceau qui illustre le mieux cette recherche d’alchimie. Soliloque halluciné dans lequel chaque membre du groupe joue sa propre partition, ce morceau renvoie l’image de ces fous cohabitant dans une même pièce mais vivant chacun dans un monde qui leur est propre. Pour plonger dans chacun de ces mondes, une instrumentale lente à souhait et une atmosphère dérangeante installée de main de maître. Superposition de couplet et démonstration de style, ce morceau est le meilleur moyen de faire connaissance avec le style de chacun des MC. La cohérence entre les couplets n’est pas optimale mais le morceau vaut le coup d’oreille.

Question cohérence dans le propos, l’Asile s’en sort parfois brillamment  lors de joyeux égo-trip le plus souvent (Oulan-Bator). Parfois, le cheminement est plus chaotique (La Ligne Verte). L’essentiel est ailleurs. Sans faire d’éclat et avec des thématiques classiques, L’Asile apporte un bol d’air frais à un rap qui voue un culte immodéré à la punchline. L’écriture à plusieurs niveaux de lecture et l’humour décalé  viennent briser cette tendance. Planquée dans le couplet de Belra sur Oulan-Bator, une phase résume parfaitement cet état d’esprit : « On a les meilleurs jeux d’mots après les salons de coiffures / Vu la moyenne des rimes du rap, au bas mot j’quadruple. » Rien de révolutionnaire dans ce style d’écriture qui est déjà l’apanage de grandes plumes françaises mais force est de reconnaitre que voir un groupe ne pas se situer dans cette course à la punchline fait du bien.

L’autre point fort d’Oulan-Bator, c’est la cohérence de ces productions. Et l’on parle à nouveau de l’intérêt d’avoir un seul producteur sur un album. En l’occurrence, il s’agit ici de Kreapton qui pour poursuivre notre métaphore basket fait un remarquable boulot de 6ème homme. Vainqueur du BMC, il n’est pas le premier venu et possède un style assez reconnaissable. Que ce soit dans un style décontracté comme sur Sante Fé ou Chill, la construction reste fondamentalement la même. Grosses caisses et mélodies sifflantes dans un esprit boom-bap. Slow qui est sûrement la meilleure prod’ de l’album est l’archétype du style Kreapton sur ce projet .On peut également citer le morceau témoin Luthor qui parvient à transformer un parfum d’Asie en bombe instrumentale hip hop. L’album de l’Asile est donc un excellent premier album qui permet de découvrir un groupe talentueux que l’on vous conseille très fortement.

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