Chroniques

[Chronique] Néfaste – Idées Noires Armes Blanches.

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« Ici, même blessé, par fierté on sourit quand même.»

C’est la chronique d’un monde, son monde. Idées Noires Armes Blanches est le premier EP du dénommé Nefaste, jeune rappeur récemment découvert, qui ne vient pas révolutionner le genre ni renverser l’auditoire mais plutôt suivre avec abnégation et bonne volonté un chemin déjà foulé avant lui. Malgré des textes plutôt amers et un discours parfois victimaire à la première écoute, on appréciera surtout la force, la justesse et surtout la sincérité qui transpire du projet.

Dans cet ensemble de sept morceaux aux mélodies plaintives, le rap de Nefaste est donc avant tout l’expression du doute et de la mélancolie. Dans le dédale des rimes se croisent l’évocation des aléas de la vie, des merdes, des joies, de la galère, de l’infortune. En somme de toutes ces petites choses qui remplissent un quotidien à la fois complexe et hasardeux. Oui, car la chance ne semble pas trop traîner par ici. Le rappeur évoque par exemple que « Bonne nouvelle n’est qu’une station de métro » ou que la « tristesse est un virus », comme une maladie qui s’abat sur tous : « C’est pas le ciel mais les problèmes qui nous tombent sur la tête ». La seule chance étant alors peut-être celle de pouvoir rapper, celle d’avoir les mots pour s’exprimer et la musique pour transmettre quelque chose d’encore plus fort. Oui, c’est l’art d’un gars du genre à rapper pour « s’éloigner de la merde », du genre à rapper par besoin.

En ce sens, l’écriture des mesures paraît travaillée et réfléchie. Au fil des textes, on observe par exemple une minutieuse palette de couleurs qui vient teinter la fresque auditive. Du noir et blanc dans le titre de l’EP et sur la couverture à d’autres formules comme par exemple «j’vois rouge même si le ciel est tout gris», les couleurs prennent en effet une place importante dans les textes et témoignent d’un rap qui se veut la peinture d’un environnement délaissé, voué à la tristesse, à la violence et où le bonheur reste synonyme d’évasion (légale ou pas) : « Soyons réaliste, y a qu’en fumant qu’on touche le ciel ».

Nous noterons aussi les multiples références au rap et à ses acteurs avec « y a pas que Diam’s qui vit dans sa bulle », « j’rappe pour les minos comme les sages po’ » ou encore « on récitait le chant des sirènes avant Orel ‘et sa haine » ; ce qui permet à Nefaste d’affirmer son ancrage dans la culture hip-hop et aussi de se définir par rapport aux autres artistes. Dans cette même perspective le très bon morceau La rue chante, précieuse gorgée de groove, apparaît comme une sorte d’hymne à la rue et ses résidents. Tout l’EP prouve d’ailleurs ce profond attachement du rappeur pour son milieu malgré les remords qui dominent à l’image du saisissant titre final : Vous étiez où.

Premier projet de l’artiste, l’EP est donc un concentré de bon rap où rimes et rythmes sont coloriés consciencieusement sur de bons choix musicaux. Rien d’innovant mais de l’authentique, rien d’extravagant mais du sincère. Un bon moment de musique sans trop de fioritures ni de fantaisies qui mérite le détour de toutes les oreilles avides de rap sobre et mesuré.

Pour ceux et celles qui suivent les bons conseils du site, l’EP Idées Noires Armes Blanches est disponible ici.

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