Novembre 2008, Barack Obama devient le premier président noir des Etats-Unis. Mais la vraie révolution se trouve dans les bacs à disques avec la sortie de 808s & Heartbreaks . Avec son quatrième album, Kanye West éclate les codes du rap en prouvant qu’on pouvait faire un chef d’œuvre du genre en y insufflant de la pop, de l’autotune à tout va et une bonne dose de fragilité. Comme une bonne frange actuelle du rap US mais aussi quelques artistes francophones, Nusky et Vaati sont les dignes héritiers de l’album au gros cœur tout brisé par Amber Rose.
Pourtant les deux artistes de la banlieue Sud de Paris produisent une musique qui ne ressemble pas à celle du Kanye 2008 et finalement à pas grand chose d’autre. On peut résumer leur style atypique qu’ils développent depuis le tubesque Goodbye en une fusion d’un Young Thug version parigote et les instrus pop influencées par les BO de jeux vidéo. Mais là encore, la vérité est ailleurs. Après quelques essais réussis mais pas assez personnels, la fusion des Sayen Nusky & Vaati a totalement abouti sur cet EP, Bluh. Et comme le dirait Maskey, la recette de Nusky & Vaati tient en trois points.
Le look : bon, on n’est pas dans la presse féminine mais il faut dire que visuellement Nusky & Vaati détonnent dans le rap. Les cheveux longs ont beau être à la mode, les gaillards ont mis la barre encore plus haut. Leurs clips, leurs pochettes sont ultra soignés sans qu’on n’ait l’impression de faire défiler des filtres Instagram ou des photos d’un TumblR (dédicace aux anciens qui avaient déjà Internet en 2015). Bref, l’esthétique est soignée et cela va bien sur avec la seconde partie, certainement la plus forte du duo.
La musique : Vaati est déjà un gros beatmaker français. Ça peut paraître un peu exagéré et être de la branlette de journaliste rap. Certes. Mais depuis quelques projets, et surtout dans celui-ci, le villageois du 78 fait honneur à son département qui a vu grandir Air, Phoenix et Fuzati. Oui on n’est pas dans les beats crades du Bronx mais dans l’élégance de la French Touch. Des prods à la fois travaillées et entrainantes, hypnotiques et pop. Avec ses synthés façon eighties (La seule chose qui compte = Michel Berger en 2017), Vaati nous offre une belle partition rétro-futuriste sur laquelle s’accorde parfaitement la voix de Nusky mais aussi ses textes, ce qui nous amène à notre troisième partie.
Les lyrics : C’est le défaut des avantages, le revers de la médaille comme on dit dans le milieu des amateurs de nos expressions du terroir. La musicalité est tellement travaillée et le résultat réussi qu’on en oublie que derrière les mélodies accrocheuses, il y a un petit cœur qui bat et qui a des choses à dire. Nusky parle surtout d’amour, conjugué à tous les temps et tous les modes, et de nostalgie. Pourtant il arrive à regarder demain et nous donne une belle vision des futurs Nusky Jr : « Je prends de la drogue mais j’oublie pas ma copine, et j’oublierai pas d’aller chercher mes enfants à l’école » C’est tellement simple que c’est poétique. Mais Nusky est aussi un nihiliste, qui aime les psychotropes comme il vient de le prouver. Et parfois il s’en branle d’être un poète : « J’ai plongé dans sa chatte, elle mouillait, j’ai fait un plat ». Ben oui vous êtes toujours sur Le Rap En France.