Chroniques

[Chronique] Paco-errant

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Une décennie de silence et un EP avec Mani Deïz plus tard, Paco revient avec un projet conséquent et ultra-personnel, un vingt titres d’une incohérence parfaitement assumée qu’il raconte dans une excellente interview sur Le Bon Son. Et la scène indé retient son souffle.

Si le redoutable MC de Montreuil ne s’est pas vraiment exposé ces dernières années, il n’a rien perdu de sa rage, ni de son envie de mieux faire. Alors que son complice de la première heure, le superbe Swift Guad, sortait le mois dernier son nouvel album La Chute des Corps, Paco a remis le couvert avec le rap français, dans un rythme effréné. Sa passion de l’écriture se ressent dans tous les tracks, sur des prods harmonieuses et soignées comme il s’en fait rare.

Le projet Paco-errant qui réunit quatre kickeurs de qualité (L’Indis, Swift, Anton Serra et Gueule Blansh), ainsi que neuf beatmakers différents, se veut plus mature, plus conscient qu’A base de vers durs, premier skeud de l’artiste paru en 2004. Face au mic, le narvalow plonge son auditoire dans une ambiance sombre et perplexe, notamment dans La bonne blague où la même rime est triturée jusqu’à la fin du morceau : « Une putain d’triste époque, un dérapage total / Notre avenir s’dérobe et se transforme en carnage moral / J’vois la crise et les drogues, tout ça ravage nos crânes / Tous ces p’tits qui s’dégomment et qui passent du kamas au crack ».

Car il s’en passe des choses en dix ans. Ainsi, du jeune sans repère de Montreuil et éduqué au rap dans les rues de la cité avec ses potes, Paco a bien grandi, et est devenu un père de famille. Surtout, il est désormais un rappeur conscient, porteur d’un vrai message. Il conte ses expériences de vie, les années sans rapper, avec un flow mesuré et un timbre de voix reconnaissable entre tous. Dans Mi-Fugue Mi-Résine (21ème track cachée de l’album), le rappeur livre une sorte d’autobiographie. On apprend entre autre que ce parisien dans l’âme a privilégié sa famille durant ses années loin de la rampe, qu’il a bougé un peu partout en France avant de revenir sur Paname. Et malgré les moments de galère, il n’y a aucun regret dans les paroles de Paco, seulement des leçons de vie et quelques cicatrices.

Ce ressenti, on le retrouve également dans La France d’en bas : « C’est la France d’en bas frère, celle qui pleure / C’est celle qu’on entend pas, qui rêve et qui meurt / Qui se lève dès six heures, qui taffe toute la nuit / Qui subit chaque jour mais qui savoure la vie ». Entre les lignes de Paco-errant, le rappeur nous parle d’une époque lancée à 200 à l’heure sur l’autoroute, enivrée par la drogue et les déboires à l’excès ; du vertige face à l’incompréhension des maux de la société : « Ouais tout ça à cause d’un putain d’joint / J’ai fini parano, j’vois la BAC dans tous les coins / Ouais tout ça à cause d’un putain d’joint / J’ai viré narvalow, gue-din du jour au lendemain ».

Poète maudit des temps modernes, il nous raconte dans Dis Monsieur le monde sous sa plus noire réalité : « Ce monde est fou petit, ouvre bien tes yeux, ne crois pas tout / Car c’bonheur est précieux mais n’existe pas partout / L’homme est un loup, il nous dirige à l’abattoir / Le pouvoir est liquide et les moins riches réclament à boire ».

Contrairement à ses débuts, on découvre une vraie dynamique dans le personnage de ce rappeur, une manière de faire et un amour pour le rap que l’on retrouve régulièrement dans les œuvres d’autres artistes indé. Il y a le parfum de la rue, de la beuh et du Jack Daniels, le goût des sauvageries. Sur le track le plus personnel de l’album, Le temps passe, nous sommes confrontés à l’état des lieux de la vie du MC, sur un beat emprunt d’une émotion forte : « J’agis, j’parle après car la vie me l’a appris / Et j’cogne mec, c’est garanti pas d’gâterie / Aujourd’hui être honnête ça rempli pas l’caddie / C’est grave gros et mal barré vu l’tableau / KO J’ai l’moral plus cramé qu’une garo ». Si ce skeud peut somme toute manquer d’un peu de modernité et de prises de risque, il n’en demeure pas moins un album plein de sincérité, de diversité, de partage et de vrai : l’aventure humaine est là. Le projet est clairement abouti, du vrai bon rap à la sauce de Paco, ce rappeur-père de famille qui semble à la barque de cette vie pas cohérente.

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À proposJeanne

En quête de la dolce vita absolue. Petites oreilles au service de LREF. Étudiante en communication malgré moi.

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