On m’a parlé de Paco cet été, et de son album sorti le 6 juillet dernier. « Le nom, c’est L’OVNI, c’est son quatrième projet solo. Va jeter un œil mon gros, ça vaut le coup. » Ah, Paco, je l’ai entendu sur des tracks de Swift lui, c’était pas mal dans mes souvenirs. Alors, en insatiable amateur de bon rap que je suis, je file choper le projet. Et je ne m’attendais pas du tout à ça.
Déjà, par la cover de l’EP. On y voit l’extraterrestre. Celui qui est différent, celui qui fuit la ville. On y voit l’inspiration dans une main et le microphone dans l’autre ; on y voit la nuit et l’orage. Signée de la main de Slob, cet artwork surprend. Qui aurait pu prévoir une telle entrée en matière pour cet EP ? Personne, évidemment. « Pacman » est un MC imprévisible, et son côté incohérent qui nous avait bluffé dans son précédent album, Paco Errant, est à nouveau présent dans l’OVNI : douze titres mixés par Mani Deïz et masterisés par Metronom, sur lesquels danse le flow sombre et saccadé de Paco.
« Il y avait eu une grande discussion pour savoir comment on pourrait logiquement tenter d’entrer en communication avec d’éventuels êtres pensants, qui se trouveraient dans d’autres régions de l’univers, y compris hors de notre galaxie. »
Le track d’intro de l’OVNI, pour le moins particulier, n’annonce pas la couleur, il laisse plutôt fondre sur l’auditeur une impression de perplexité qui ne fera que s’accentuer au fur et mesure que défilent les titres. On ne sait décidément pas quoi penser de l’allure qu’a ce projet, mais avant qu’on ne commence vraiment à se demander ce qu’il contient, démarre en fond un boom-boom-check des plus classiques : il n’en fallait pas plus, et on plonge des deux oreilles dans l’univers de Paco.
« Bienvenue dans les bas-fonds de la Pacosphère / Et va pas croire que mon pe-ra s’compare à ta grosse merde / On laisse la prose faire, moi j’sais pas faire autre chose / C’est pour mes pelos qu’j’pose, tous mes narvalos d’frères ».
Par la suite, le rythme ni la qualité de la prose du MC ne faiblissent pas d’un pouce, et jusqu’au dernier track, Paco nous prouve qu’il sait Garder l’cap. Porté par de superbes prods qu’on doit à Mani Deiz, Char, Shaolin ou encore Greenfinch, l’EP propose un univers criant de sincérité. Paco rappe la vie simplement, sans filtre, avec recul et maturité, sur un fond sonore assombri de samples de piano, violons et autres saxophones de toute beauté qui poussent au vague-à-l’âme.
Sans dire que le projet est foncièrement triste, car l’ambiance estivale sait donner un air de chillance au son des cordes, vents et percussions présents sur la tracklist d’une grosse demi-heure, on plonge dans une vague de mélancolie intense en écoutant des titres comme Asthmatique ou On s’accroche (« Une fois seul tu t’rendras compte que les secondes durent des heures »), sous l’élan du flow étouffé de Paco. Mais l’impression dominante même durant les textes les moins joyeux de l’EP reste que le rappeur rêve de mieux, et bien qu’il soit « navré que dans son rêve il n’y ait qu’un certain nombre d’entrées », l’écoute de l’EP révèle aux oreilles du public une envie de suivre le MC dans ses rêves de mieux et ses efforts pour les atteindre. Finalement, avec justesse et sans prétention, Paco fait son travail d’artiste : il fait réfléchir, voyager, et surtout, bien kiffer.
« Te parler d’un monde en paix que j’aimerais bien contempler […] Laisse-moi t’parler de ce mental, celui qui t’emmène vers le haut »
Plus formellement, Paco offre une constance impressionnante sur les textes de chaque morceau de L’OVNI. Affutée, rythmée et clairement inspirée tout le long de l’album, sa plume se donne en spectacle sur le septième track de l’EP, La carotte et le lapin, une véritable démonstration d’écriture d’une minute trente. S’il est dur de cerner le personnage à l’écoute du projet, il est en revanche assez clair que lui sait ce qu’il fait. « Te parler d’rap sans vocodeur, de la direction qu’il prend », Paco sait assurément le faire et ne s’en prive pas, et des tréfonds de Montreuil résonnent les échos de son flow, porté par le vent vers qui voudra l’écouter. Malgré la collaboration avec Tragik, du Gouffre, sur le titre On se laisse aller, l’écoute de l’OVNI révèle un sentiment de solitude dans le combat du MC ; mais loin de demander de l’aide, il s’y fait et rappe en conséquence, non sans rappeler par cet aspect les teintes du rap d’un Furax.
« Moi j’rappe sale pour les frères, et y’a qu’ça qu’j’voulais faire / Les trois quarts jouent les fiers, c’est pénible, t’essaies d’être crédible, j’vais percer l’énigme, meilleur sera ton repas si la vaisselle est clean / Plus beau sera le combat si l’adversaire est digne »
Au fond, c’est peut être ça, le projet. Tout aussi éphémère que le serait le passage d’un o.v.n.i. dans le ciel, son écoute donne tout autant l’envie de relever les yeux et d’en suivre la direction…
bien vue la chronique, Paco est un gavroche, un personnage de Zola, un Renaud du 3 ème millénaire, il se ballade sur le beat avec aisance c’est juste fou! Sa manière de cadencer sa diction, ses tonalités latinos, le langage fleuri de la rue la vraie, ne passez pas à coté de cet artiste qui a déjà sortis 4 albums ou EP, vous ne serez pas déçu, il pue la franchise.
Bel article tu m’as donné envie d’écouter l’album.