Waly a emprunté le prénom de son père. Ça et d’autres choses, comme le chapeau africain qu’il arbore dans ses clips (très Malcolm X), un goût prononcé pour les films d’arts martiaux, ou l’envie d’« avoir un gun ». C’est en partie cela qui définit son rap et le contenu qu’il y met.
Rappeur de Montreuil, actif récemment avec son partenaire Fiasko avec lequel il a sorti L’heure des loups, la moitié de Big Budha Cheez a son style bien à lui. Il ne l’a pas inventé, certes, mais rapper de la sorte en 2016, ce n’est plus du vu et revu. En plein essor, il a choisi le bon moment pour sortir un projet sur lequel il est le seul à rapper, ce qui nous permet donc de nous centrer uniquement sur lui et de mieux comprendre le rappeur et le personnage qu’il s’est créé.
C’est en collaboration avec Myth Syzer, producteur talentueux, qu’il a donc enregistré l’EP sur lequel on s’est penché : Junior. Un format court, soit sept titres qui donnent une idée du potentiel du jeune rappeur. On l’attendait avec un style proche de celui de L’heure des loups : un flow classique sur des beats à l’ancienne, voire très à l’ancienne. Le résultat est finalement plus complexe et nous laisse entrevoir la suite, non sans asseoir plusieurs bases.
Certaines choses que l’on avait constatées par le passé sont donc définitivement confirmées grâce à cet EP et plusieurs d’entre elles viennent affirmer le côté anachronique du personnage.
Waly a été nourri au hip-hop classique. Ce n’est ni son flow, ni ses tenues qui le contrediront. Et encore moins ses références éparpillées et déguisées aux piliers du rap français (les plus perspicaces chercheront les clins d’œil à Lunatic ou Rockin’ Squat). Le flow de Prince Waly, c’est justement ce qui fait sa force et son identité. Un timbre de voix grave, une articulation et une accentuation des mots et des syllabes prononcées et reconnaissables entre mille : on se situe, si l’on tient vraiment à faire des comparaisons, à mi-chemin entre Kohndo et Dany Dan. Ce flow est parfois modulé, mais garde toujours une empreinte old school, même lorsque l’artiste se risque sur des beats plus modernes, comme dans Vinewood ou Zéro.
L’accoutrement, c’est aussi quelque chose de très présent chez Prince Waly. On pourrait penser que cela ne concerne pas l’album, mais si. Impossible en effet de penser à Junior – morceau phare du projet qui lui donne même son nom – en le dissociant du clip, tourné à la caméra super 8 dans une France qui prend subitement des airs de Brooklyn. Dans le clip en question, – qui n’est que la continuité (et peut-être même la consécration) de ce qu’il nous avait fait connaître -, on le retrouve, accompagné des siens, sur des images presque troubles. Sweatshirt Tommy Hilfiger trop long, afro à la Grand Master Flash (presque), il rappe au milieu de ses compères sur du boom bap jazzy qui respire le bon vieux hip-hop. Cet ensemble de petites choses, c’est ce qui le définit, et c’est ce qui nous renvoie vingt ans en arrière sans pour autant être spectateurs d’une caricature.
En ce qui concerne les thématiques du projet, l’artiste confirme également la ligne adoptée depuis le début. Un mélange de fiction, d’égotrip et de textes plus personnels. Un rap décontracté, qui ne contient ni vociférations ni vulgarité excessive, mais qui est loin d’être consensuel. Difficile toutefois de définir une ligne directrice générale, mais ce n’est sans doute pas le but de l’intéressé. Waly aime le cinéma et le divertissement, et ne cherche pas à faire dans le social, ou si peu. Il puise son inspiration directement dans les films de gangsters et idéalise l’argent comme auraient pu le faire les rappeurs de la Westcoast dans leurs glorieuses années, le tout sans se prendre au sérieux. L’EP nous propose donc des titres relevant du storytelling : Ginger, qui raconte le film Casino sur fond de Rn’B, et Soudoyer le maire, dont le titre est plus qu’évocateur). Le reste du projet est divisé entre égotrip et introspection, les deux se chevauchant parfois.
Si certains aspects caractéristiques de l’artiste sont à présent confirmés, il y a un point sur lequel il convient de s’attarder. La dimension instrumentale du projet. C’est le plan sur lequel on peut constater un changement et même une ouverture. Si Junior, Cherry, Soudoyer le maire et Ginger auraient globalement tendance à confirmer la tendance années 90 de Waly, Vinewood, Zero et Rally marquent un net changement de cap. Des sonorités modernes, à la limite de la trap, sont donc présentes dans l’EP et présagent peut-être d’une nouvelle direction artistique. Il est en d’ailleurs dits quelques mots lors de notre dernière rencontre avec le rappeur : interview ici.
Junior, autant l’EP que le titre qui lui donne son nom, est riche en couleurs et très convaincant. Probablement, la meilleure surprise de l’année 2016. Le résultat final que nous livre Prince Waly est donc très satisfaisant, et nous confirme le potentiel du rappeur, dont on entendra probablement de nouveau parler. Et si la cohésion globale n’est pas complète, c’est probablement dû au fait que le projet a été enregistré sur deux ans. Pour ce qui est des thématiques, le MC est jeune et explorera probablement de nouveaux horizons durant sa carrière.
Un EP à écouter le plus rapidement possible.
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