En 2014, Swatt’s, de prénom Youssef, sortait son l’EP L’amorce, en guise d’incipit à son art, un projet aux couleurs sombres qui annonçait la naissance d’un jeune rappeur très prometteur. Histoire d’un jouvenceau qui zigzaguait entre les non-sens de la vie, la haine en toile de fond avec la feuille et le stylo comme exutoire. Lamento du petit peuple et de ses proches, les fortes occurrences du mot « peine » nageaient dans une mare de beats gras. Auparavant inconnu de l’auditeur lambda, sa verve avait rapidement défrayé la chronique remontant aux oreilles des plus aguerris du mouvement (La Smala, Scred Connexion, Mani Deïz, etc…).
Malgré un succès grisant, Swatt’s garde la tête sur les épaules sans se brûler les ailes. Après quelques Poignées de Punchlines, un EP qui a fait l’unanimité, des concerts à droite à gauche et un crowdfunding plus que réussi, le Tournaisien annonce la sortie d’un court projet Petit Youssef, en attendant l’album. Très proche de ses auditeurs, en quelques jours il avait rassemblé l’ensemble des fonds nécessaires à la réalisation de son album. Tout récemment, ce dernier a organisé un jeu-concours, le principe était simple : ses auditeurs devaient voter pour la ville de leur choix pour voir Swatt’s en concert. Après le 29 Juin, cinq villes ont été sélectionnées pour inaugurer son nouvel EP et trinquer à son altruisme. Si on résume, ça fait deux EP et un album en préparation à l’âge de 18 ans, rien que ça.
Plus déterminé que jamais, il profite d’un premier extrait : Vers l’infini et au-delà, pour annoncer son véritable lancement dans le rap indé. Un lancement aux allures de quitte ou double puisque Swatt’s termine son morceau par « Produire 15 titres, presser les skeud’s, tu feras pas tant de flouze / T’en est persuadé, ok, bah laisse-moi 40 jours ! », 40 jours étant le délai imposé par ce crowdfunding.
A l’origine très terre à terre, frôlant le parfum chaud du bitume, Youssef déroge à sa règle et s’offre une excursion vers les cieux, La tête dans les nuages, pour le deuxième extrait de l’EP. Gagné par la maturité, Swatt’s donne une réponse à son lui-antérieur, qui sur son premier projet, lampait son verre à moitié vide. Morceau aux thèmes hétéroclites, on passe de la conquête du bonheur voulant troquer sa peur de l’avenir contre ses erreurs du passé, à une piqûre de rappel sur sa vision du rap, pour finir par un remerciement au public, sans qui il ne serait pas là. Les piano-violons grincheux ont laissé place à une boucle de guitare enjouée et quelques percussions éthérées.
Très bien entouré dans les freestyles où il s’exécute, Swatt’s reste cependant solitaire une fois de plus sur son projet. Seuls ses camarades de longue date Beni Luzio et P-Pito (Membres du groupe La Trilogique) auront l’honneur d’entonner un couplet léché sur le morceau Marques du passé. […] Musicalement, Swatt’s affirmait que le projet serait plus harmonieux, avec des sonorités acoustiques. En effet, les mélodies sont moins étouffantes et bien plus esthétiques que sur L’Amorce, le beat noirâtre devient plus léger, moins grave et laisse plus de place aux instruments ainsi qu’à l’éloquence de l’artiste. Le morceau Pour les miens tend à être plus hargneux musicalement, les sonorités sonnent plus rock, production signée JeanJass oblige. Cependant, la prise de risque n’est pas à l’honneur, les morceaux sont constitués d’une simple boucle boom-bap et ne s’aventurent pas sur un chemin novateur. Également, les morceaux ont la fâcheuse tendance à être déconstruits et dénués de sens, les idées partent dans tous les sens de sorte que les similitudes avec un simple freestyle en deviennent irréfutables.
C’est au final un six titres mijoté avec la même recette que le précédent. Les couplets saccadent le beat avec une verve bien propre à son auteur, laissant place à de courts refrains en guise de césure. Le fond est ancré dans un Réalisme solennel qui s’exerce par l’observation du monde, tourné en poésie du quotidien. On reprocherait seulement un manque de renouveau, une redondance dans les thèmes, les instrus que l’on ne souhaiterait pas retrouver sur l’album. Ne nous plaignons pas, c’est un projet pour nourrir l’impatience des auditeurs, en espérant que Swatt’s prendra le temps de travailler un album à la hauteur de sa prédisposition pour le rap.