On y est, enfin : six mixtapes et trois albums derrière lui, Swift Guad, le rappeur de Croix de Chavaux, a dévoilé ce 9 octobre son dixième projet solo, le volume 2 de Vice et Vertu. Faisant office de suite au premier volume, sorti en ce même mois d’octobre d’il y a deux ans, le skeud succède à un premier Vice et Vertu riche, musicalement varié, et comptant l’excellent Expédition Punitive, qui s’était imposé comme l’un des titres parmi les plus marquants de la carrière du narvalo. Le bilan est-il aussi bon qu’il y a deux ans ? Quel titre retiendra-t-on ? Décryptage des 17 tracks de cette mixtape pleine de vices autant que de vertus.
« Je tourne en rond je plâne, tu peux m’jeter le freesbee, si tu vis d’amour et d’eau fraîche je vis de haine et d’whisky »
Après avoir produit en quantité et en qualité du rap « classique » pendant de nombreuses années, se faisant un nom qui restera gravé dans le coeur des adeptes du genre, Swift Guad a opéré depuis quelques années un changement de direction artistique, notamment à travers son dernier album La Chute Des Corps, dans lequel le rappeur chantait parfois, s’autorisant l’usage d’auto-tune et de prods plus originales tendant vers la trap, tout en conservant une authenticité et une qualité indéniables dans son oeuvre. Cette tendance, qui lui avait valu la perte d’une partie de ses fans (probablement ceux dont l’ouverture d’esprit est la plus faible, si tant est qu’ils en aient une), reste fortement sensible tout au long de Vice et Vertu volume 2, bien que le résultat s’avère tout de même moins sombre que ne l’était La Chute des Corps. Finalement, comme le montre la pochette du projet, il y a bel et bien deux visages différents du rappeur qui s’offrent à nous à travers cette mixtape.
Vice et vers durs
Quoi qu’il en soit, Swift Guad n’a jamais fait dans la dentelle, et ce nouveau projet ne fait pas exception à la règle. Les amateurs de pera agressif, qui avaient déjà eu un avant-goût des capacités du narvalo à en produire encore lors de la sortie des extraits Fleur de lys, Martin Luther ou Xcuz My French, ne seront probablement pas déçus par des tracks comme E=MC2, Flaque 2 sens, Fais bédave ou encore Sucre vanillé.
Alternant un grand nombre de couplets rappés avec des refrains parfois plus planants, le rappeur de Montreuil s’offre la collaboration de son éternel acolyte Paco, mais aussi d’Original Tonio, Chedi Chaka, Titan, G-Keys et Likmagik : tous ces emcees entourant Swift Guad ajoutent à la diversité du rendu, multipliant les grosses phases sur des prods de Blixx et Oner (plus une de Mani The Dog) aux fortes influences trap. On bouge la tête au rythme des kicks, on apprécie l’agressivité toujours aussi poignante du rappeur. Côté vice, le pari est réussi.
« Elle t’a traîné dans l’aventure, t’as abreuvé d’histoires de tess, elle t’a goinfré de ses substances, elle a bouffé toute jeunesse, elle t’a montré que l’argent pue, que les gens passent et que le temps presse, que les rêves partent en fumée, qu’il n’y a pas de place pour la tendresse »
Peace et vertu
Aux antipodes du style de son agressif dont on parle au-dessus, cette mixtape est également bourrée de tracks extrêmement planants, emplies de légèreté dans les prods de Blixx et Tony-O, légèreté que vient exacerber bon nombre de refrains chantés ainsi que l’usage (occasionnel) d’auto-tune. Dès le premier track, Aurora 2020, les plus fervents fans du narvalo seront surpris : dans ce projet, Swift Guad ne se contente pas de rapper. Il fait également voyager loin, avec une douceur dont on le soupçonnait pas capable, et cela fonctionne parfaitement. Une fois passée la surprise, on se laisse bercer par la profondeur du style avec plaisir. Mais rassurez-vous : les couplets et les lyrics restent street à souhait (on parle quand même de Swift Dega là, rappelez-vous), peuplés de rimes féroces et de métaphores crues.
« Fais tourner ton kamaz, goûtons les fleurs du mal, ce soir je serai dans le gaz comme le dormeur du val »
Ceux qui n’apprécieront pas ce nouveau Swift auront probablement du mal avec les tracks Peine perdue ou Sombre crétin, et encore plus avec A l’aise, Machine Gun ou Laisse tomber. Pour les autres, ceux à qui l’auto-tune ne donne pas de vomissements et qui apprécient ce style, plus proche du cloudrap, ils sauront apprécier l’entièreté ou du moins la majorité de la tracklist, qui se termine en apothéose avec Ouragan, l’un des tracks les plus réussis du nouveau style de Swift, réunissant d’ailleurs Blixx et Tony-O à la prod ; et bien qu’il déclare « Je n’ai pas changé, je nique la famille Le Pen » dans Peine perdue, la clé de son nouvel état d’esprit réside bel et bien dans Ouragan : « Le son, c’est comme une bouffée d’oxygène« . Le pari est également réussi côté vertu : Swift Guad est mort, vive Swift Guad !
« Les souvenirs que j’t’ai acheté ne proviennent pas du BHV, grand-mère sait faire du bon café, Paris fait du bon THC »
Finalement, Vice et Vertu volume 2 se présente comme une mixtape riche et variée musicalement, se faisant par là la digne héritière de Vice et Vertu première du nom. Alors, bien sûr, les fervents défenseurs du rap « classique » et de l’ancien Swift n’apprécieront pas, mais les autres sauront apprécier le nouveau style du narvalo. Et si aucun track ne s’avère marquant comme a pu l’être un Expédition Punitive, on retiendra la forte collaboration entre Swift Guad et Demi Portion dans MSN (sur une prod d’Automate), et la déclaration d’amour du rappeur à sa capitale, Paris mon amour (sur une prod de DJ Yep). Quant au premier extrait, AmStramGram, (dont on parlait ici) il reste au fond le plus complet du projet, parfaite illustration du mélange s’opérant chez le narvalo, entre vice et vertu.
[MAJ] : le narvalo nous a fait un beau cadeau, et l’intégralité de la mixtape est déjà disponible sur sa chaine Youtube !