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[Chronique] TSR Crew – Passage flouté

Le retour ! Huit ans après A Quoi ça Rime, le TSR Crew revient avec Passage Flouté. Le projet contient seize titres et était attendu avec impatience par les nombreux fans du groupe sous-marin. Dans la carrière pointillée du TSR, Hugo fait figure de double piston : régulateur, par son activité sur la scène hip-hop et chef de file, les passerelles entre ses solos et les albums TSR étant légions. Une fois encre, son talent renforce l’aura qu’il a sur la scène underground. Omry et Vin7 complètent comme d’habitude le trio.

XVIIIème, tradition et rounds de boxe.

Que les initiés soient rassurés. Les trois MC’s ont reconstruit avec cet opus l’environnement si particulier du crew. Rapidement, on pénètre l’intimité des trois compères, bercés par les prods caractéristiques d’Hugo. Le XVIIIème est à nouveau servi en long et en large, avec tous les vices de la rue en condiments. Les thèmes de prédilection sont respectés : le quotidien de Paris Nord, l’effritement des barrettes et de leur espérance de vie, la critique acerbe sur la société alentour.

Omry, Vin7 et Hugo proposent donc ce qu’ils savent faire de mieux, guidés par les samples estampillés Chambre Froide, et des extraits cinématographiques bien sentis, leur meilleur terrain d’expression. Album fait maison, promo discrète, rap underground de qualité. Comme ils l’ont dit dans nos colonnes, les problématiques actuelles des rappeurs – promo sur Internet, maximum de sons clipés – restent le cadet de leurs soucis. Bien décidés à profiter de ces bons moments « en famille », ils ne se trahissent nullement.

Si l’alchimie entre les trois MC’s n’est plus à prouver, on ressent une vraie joie à les retrouver. Les couplets s’enchainent sans transitions et nous entrainent dans cette atmosphère agressive, de frappes rythmées, de rounds de boxe. Omry distribue les directs à chaque ligne, avec son flow métallique et régulier. Les débordements de Vin7 résonnent comme des crochets rageurs, quand Hugo s’emploie à coucher ceux qui restent debout avec des uppercuts dont lui seul a le secret. La triple lame fonctionne à merveille et constitue le ciment de cet opus, avec sept sons où les trois rappeurs posent.

Détours nécessaires.

Cet album débarque donc sans surprises, misant sur la qualité des sons et la fidélité d’un public déjà conquis. L’articulation est classique, avec en introduction deux morceaux –Le Silence Se Tait, Tu Connais le Tarif pour marquer le retour du crew. S’en suit l’excellent Seum Drogues Millionnaire, duo d’Hugo et d’Omry avec un premier couplet particulièrement inspiré de ce dernier. Le morceau dénonce un thème récurrent chez le TSR, les jeunes en bas des blocs qui découvrent des étoiles dans les yeux l’argent de la drogue, mirage mirobolant qui n’a pour issue que des drames. Un autre duo, Vin7 et Hugo cette fois sur Champs de Vision, s’impose comme un morceau phare de l’album, avec une pointe d’optimisme dans le refrain, fait assez rare pour être souligné. Dans la même veine, des jeunes minés par les sirènes de la bicrave, Hugo signe un solo remarqué avec Ici, sur une instru d’Art Aknid mêlant piano et violon, comme un écho à sa carrière. Au passage, une attaque à peine masquée aux actuels gros bonnets du rap game (Booba, Kaaris pour ne citer qu’eux) : « Alors c’est ça votre rap hardcore des quarantenaires qui rappent pour des moins de 16 ? ».

Autre son à ne pas rater, Savane sur du Ciment, réponse avouée à Jungle Urbaine sur A Quoi ça Rime – grand classique maison de mettre en place des tracks miroirs à chaque album. On note une maitrise toujours aussi peaufinée du XVIIIème Zoo tout au long de la métaphore filée. Quant à Crimes et Sentiments, inspiré de près ou de loin par Dostoïevski, il constitue selon nous un des meilleurs morceaux de Passage Flouté. Les trois frères de son ne font qu’un face à ces deux notions opposées mais si proches dans leurs esprits : « J’ai beau aimer la vie regarde mes bronches c’est un crime passionnel ». Entre maturité et coups de sang, les MC’s livrent un message sincère, magnifié par l’extrait de La Haine glissé à la fin du morceau.

Si on devait garder un mot pour Passage Flouté, ce serait fidélité. Le niveau du groupe reste élevé, même si ceux qui espéraient du changement seront forcément déçus du résultat. Finalement, ces irréductibles désirant des mutations finiront par éviter logiquement l’univers du crew. On peut affirmer sans trop se mouiller que le TSR s’en lave les mains. Ici, on préfère saluer la discrétion, l’efficacité et l’authenticité du groupe underground. La signature TSR en somme. Venez donc choper votre Bouteille à La Seine, et vivement la tournée.

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