Je ne sais pas pour vous mais pour moi Poisson c’est un son tellement loufoque que je me le repasse très régulièrement comme pour vérifier que Vald a vraiment fait ÇA! Et chaque fois j’ai la confirmation, il l’a fait. Vald c’est un distributeur de pochettes surprises. A chaque nouveau son, j’ai confiance, je sais que le gars va balancer du symbolique tellement exubérant qu’il va falloir saisir le subliminal du message. Et on ne va pas me faire croire qu’il n’est pas un fin calculateur de potentielles réactions!
Déjà avec Bonjour, on a tous dû écouter le morceau 3, 4 ou 10 fois avant de réaliser qu’on avait bien entendu. Déjà avec Bonjour le gars se fait passer pour un candide alors qu’il nous plonge tous dans une constructive interrogation. Déjà avec Bonjour, il annonce la démarche. Vald, c’est le rappeur dont on doute de plus en plus qu’il le soit. C’est le gars de la décomplexion qui ne fait rien pour plaire et avec lequel on a du mal à éloigner le mot « génie » qui l’agace tant. Aussi agacée que lui par le terme de génie accolé à ce fumiste, il faut néanmoins reconnaître que son génie se trouve dans nos réactions à tous. Il ne laisse pas indifférent, qu’on aime le gars ou pas, qu’on aime ses sons ou pas, il est l’élément perturbateur du rap français en lui tendant un miroir dans lequel il ne s’était pas encore regardé.
La simplicité déconcertante et provocatrice des textes, si elle nous énerve est pourtant l’ingrédient principal qui nous pousse à aller plus loin. C’est comme si Vald disait « regarde je te dis de la merde, maintenant demande toi comment et pourquoi je le fais« . Vald fait un rap réflexif, il interroge sa propre pratique autant que celle de tout le mouvement. C’est un peu le Jeff Koons du rap où d’abord tu te dis « c’est quoi cette merde? » et après tu penses plutôt avoir à faire à un génie qui maîtrise sévèrement son truc. On pourrait aussi se dire que Vald c’est le Didier Super du rap ou encore le Salut c’est cool de la musique. L’infiltré qui balance ce qu’il voit de derrière le rideau, le type droit dans ses Converse, autonome d’esprit et pas coincé dans des principes stériles.
Avec Poisson, le titre planqué de son album tout frais NQNT2, Vald fait du Vald puissance Vald. Dès le début du titre, on est dans une bulle où le son confiné nous invite à rentrer dans l’intimité du rappeur, dans sa caverne, dans sa tête. Dès les premières paroles qui feront office de texte, j’ai eu l’impression d’écouter un mix entre Brigitte Fontaine et les Rita Mitsouko. Le son est intemporel, on pourrait croire à une daube des années 90 sur un beat de trap abstract. Vald couine, gémit, pleurniche pour nous dire qu’il est un poisson et qu’il aime les algues, à l’infini, dans des aigus mal négociés pour rendre encore un peu plus insupportable l’écoute.
Vald nous agace l’oreille et pourtant dès la première écoute je n’ai pas pu m’empêcher de trouver ça brillant. Comment parler de bédo quand on est Vald? Comment parler de bédo autrement qu’en faisant une apologie littérale comme pléthore de rappeurs? Sachant qu’un sujet aussi simpliste a déjà été conté par nombres d’artistes, comment Vald pourrait y apporter une valeur ajoutée? Vald propose une immersion en eaux troubles dans une bagnole pourrie saturée de fumée verte et bleue. Il opte pour l’aquarium musical, confinés dans l’espace clos de la voiture, confinés dans l’espace encore plus clos de son cerveau, témoins impuissants des phrases sans queue ni tête comme le bien nommé album, on écoute Vald nous saouler comme on écouterait un pote déchiré sur le canapé qui ne veut pas la fermer.
Vald continue à faire du Vald. Comme avec Bonjour ou Selfie, Vald parle du quotidien sans romance, avec des paroles frontales et simplistes qui tendent un miroir qu’on n’avait pas encore pensé à regarder. Vald nous dit juste que la vie, c’est aussi ça.