Chroniques

[Chronique] Vîrus en Huis-Clos, l’enfer c’est les nôtres

Le 20 Novembre sortait l’EP Huis-Clos de Vîrus, qui constitue le second tableau de son diptyque musical commencé avec Faire-Part. Après les dernières notes qui résonnent dans les enceintes, j’en ai encore les mains moites…

Si avec Faire-Part on avait sillonné les analyses macabres du MC, avec Huis-Clos on tourne en rond, on étouffe, on suffoque. L’écoute des 4 titres demande une préparation, un conditionnement mental, un blindage. Avec des textes léchés comme à son habitude, Vîrus joue sur la polysémie des mots, et je conseille de lire les paroles en même temps que l’écoute pour ne rien perdre des sens et des symboles semés. Genius nous régale avec l’analyse des paroles, les contributeurs sont sur-motivés, profitons-en!

virusHC

Parce qu’avec 4 titres il y a trop à dire, j’ai choisi de ne parler que du titre de l’EP : Huis-Clos, qui a lui seul résume l’intention, le ton et le sujet.

Avec un Huis-clos pris au 1er sens du terme (portes fermées), on peut penser que ce sont là les conditions dans lesquelles l’EP a été écrit. Par esprit de continuité d’ailleurs, Vîrus avait conseillé l’écoute de cet EP les « volets fermés ». Mais ça c’est pour les plus téméraires. Avec ce titre on comprend que Vîrus nous invite à l’écouter seul, dans le noir. Est-ce par sadisme ou par goût de l’expérience dérangeante ? Quoi qu’il en soit, vous aurez compris qu’il est difficile d’écouter l’album en faisant la vaisselle. On en sortirait davantage indemne mais l’EP en perdrait de son intérêt.

Dans ce Huis-Clos, on est à l’abri des regards parce qu’il y a la folie. Et la folie, ça se cache. Elle fait remonter beaucoup trop de cette poussière qu’on pensait bien planquée sous un tapis. Alors on peut penser que Vîrus a pris ses précautions et ce titre serait à comprendre comme un avertissement. En entrant dans ce lieu interdit au public, c’est à vos risques et périls.

En Huis-Clos, à l’abri des regards et des oreilles parce que Vîrus n’est pas audible par la première oreille venue. On parle à des multi-initiés : initiés au rap le plus classique, initiés aux paroles les plus sombres, initiés aux introspections les plus profondes. De façon contradictoire on peut entendre Huis-Clos comme « interdit au public », comme si le MC dans sa spirale introspective et intime se cachait des regards indiscrets, comme s’il cherchait à nous échapper alors même qu’il se dévoile. Les très fantomatiques photos qui accompagnent l’EP soulignent bien cette contradiction : les portraits photo au grain brut effacent leur sujet dans des camaïeux de gris et proposent une forme humaine sans visage, lacérée par des coups de crayon. Elles montrent quelqu’un qui se cache. Voilà l’essence de ce 4 titres : faire entendre ce qu’on veut cacher.

Huis-Clos aussi et surtout parce que comme dans le roman homonyme de Sartre, on se retrouverait une fois mort, ensemble avec nos différences dans cette même impasse à juger nos actes, nos expériences, nos vies. Et si pour Sartre dans Huis-Clos l’enfer c’est les autres, à l’écoute du Huis-Clos de Vîrus l’enfer c’est les nôtres.« T’appelle chez toi, tu dis « c’est moi » et on reconnaît même pas ta voix ». C’est avec cette référence à Sartre que je terminerai. Vîrus nous dépeint son enfer mental et nous torture de sa conscience aigüe de la réalité. Les autres sont nécessaires pour se connaître, et si rien ne pourra les remplacer, ils sont cependant notre enfer parce qu’ils nous font exister comme ce que l’on est vraiment et non comme ce que l’on croit être.

« C’que j’vomis chez toi, c’est juste l’image que tu m’renvoies »

Une confession sans public, une confrontation avec soi-même, Vîrus joue avec nous et fait la prouesse de mettre en lumière son ombre. Le 1er titre très ironiquement nommé Bonne Nouvelle et les 3 autres titres sont écoutables (les volets fermés on vous a dit) ici : https://rayondufond.bandcamp.com/. Pour le diptyque sonore merveilleusement illustré c’est ici : http://shop.rayondufond.com/catalog/virus/faire-part-huis-clos-double-cd/

   Mais attention, on vous aura prévenu : certaines choses sont plus faciles à dire qu’à entendre…

 

 

 

À proposAna Ravat

Je suis nulle en solfège, j'ai aucun talent musical, j'écoute beaucoup de rap sans jamais acheter un CD et quand je vais en concert c'est que j'ai un plan pour des places gratos. Face à l'inconfort psychologique et à l'immoralité d'une telle situation j'ai décidé de réduire les tensions névrotiques inhérentes à ceux qui prennent sans jamais donner. Me voici, me voilà, profitez-en!

1 commentaire

  1. Si Virus était né dans un autre siècle, il aurait été enseigné dans les écoles tellement son style est riche.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.