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[Dossier] La mort au bout du refrain…

Une vie éteinte, 1001 façon de la raconter. On en limitera cet article à dix. Dix morceaux approchant le thème de la mort pour la mettre en scène, dix récits différents par leur conception, leur style et leur but recherché. Preuve, si besoin d’en apporter, que le rap français peut lui aussi tenir sa force de la diversité et de son savoir « mourir ensemble »…

SULLY SEFIL – J’voulais

Même les fans de Kaamelott souffrant d’allergie au rap français apprécieront de (re)voir Audrey Fleurot décrocher le téléphone dans le clip ci-dessous. Au bout du fil, la voix essoufflée d’un narrateur qui allait se faire connaître en jouant le rôle d’un « braqueur » en cavale, passant ses derniers instants à conter espérances perdues et regrets à la femme qu’il aime. Des deux issues qui lui restent, le personnage « joué » par Sully Sefil choisit la plus tragique : la mort au bout du chemin et d’un récit fictif qui allait émouvoir un large public à l’époque et décerner à J’voulais les allures d’un « classique »… Laurent L.

SHURIK’N – Mon fils

« Il y a des amours qui valent bien tous les sacrifices… »

Quand la mort ne respecte pas l’ordre des choses qui voudrait voir les enfants survivre à leurs parents, seul l’instinct de survie peut empêcher la plongée dans le vide. Mais comme le décrit Shurik’n sur ce titre phare de son deuxième album, rien ne peut demeurer identique au fil des jours pour un père qui a perdu son fils. Le vide n’est ici plus seulement un décor, il a pris la place de l’âme humaine. Puis vient l’heure du jugement, celle où le personnage de cette tragédie, un homme brisé par le chagrin,  choisit de franchir la ligne. « L’humanité », un concept qui n’est pas (encore) perdu bien que certains humains la quittent parfois par nécessité… Laurent L.

AL – Les 5 gardiens

Illusions et désillusions dans l’un des titres les plus pessimistes du troisième album de AL, Le pays des lumières, où la mort vient conclure le récit d’une existence écrite bien avant son commencement. Les 5 gardiens nous emmène sur l’itinéraire d’un homme originaire de ces banlieues françaises où la ligne d’horizon reste toujours trop proche. Le récit d’une destinée programmée dans un monde qui contraint l’individu à rester en bas de l’échelle, même lorsqu’il tente de fuir sur d’autres chemins. Laurent L.

VÎRUS – Des fins…

La mort sous l’angle du deuil. Dans ce morceau, « il y a un sentiment d’inachevé », nous confiait Vîrus il y a deux ans. Parce que le deuil reste une expérience intime, Des fins… garde volontairement des secrets non-révélés par son auteur pour qu’à la fin de l’écoute, l’interprétation prenne l’ascendant sur la compréhension. Le deuil, une affaire personnelle… Laurent L.

VII – La pendule

« L’Adieu des copains pour la paix de ton âme, ceux pour qui t’étais Yann, pas qu’un chiffre romain »

Un regard sur sa propre mort, à travers les yeux de ses proches, il fallait y penser ! Rien d’étonnant d’entendre VII s’essayer à l’exercice de l’hommage posthume à la « troisième personne ». Plus que la thématique du deuil, traitée par de nombreux artistes, c’est ici le point de vue adopté qui donne toute l’originalité au « récit ». Une démarche artistique réussie : ce « témoignage » d’un ami du MC offre une dimension supplémentaire à la portée du manque causé par la disparition d’un être aimé. Laurent L.

FAYCAL – In Articulo Mortis

Et Midi sonna ! « A l’heure » de faire son entrée dans l’âge « adulte », Fayçal rend hommage à ses années passées, « à l’ombre d’un cyprès sous le regard des corneilles ». L’imagerie de la mort entoure dans ce titre une jeunesse et une innocence enterrées à la manière d’un petit frère disparu. Le MC bordelais nous rappelle que les petites morts auxquelles on survit font de nous des adultes plus forts « son deuil me rend viril, et que mon fiel meurt en enfer ». Sans larmoyer, le rappeur sublime ces années défuntes que l’on connait tous et qu’on aime se remémorer. Fayçal démontre ainsi par son talent que le plus intime, exprimé avec talent, se change en universel. Etienne Kh.

MEDINE – Nour, Enfant du Destin

Avec la série Enfant du Destin, Médine s’attaque aux récits tragiques de la vie de certains enfants dans le monde, pièces de notre Histoire ou de notre actualité. Sur l’album Prose Elite, le rappeur nous raconte l’histoire poignante et l’horrible mort de Nour, mettant en lumière les persécutions dont sont victimes les Rohingyas en Birmanie. Le très beau clip, tourné dans ce pays, illustre avec pudeur cette mort injuste qui prend aux tripes. Engagé, le titre traite ici la mort comme un moyen d’alerter l’opinion publique et de dénoncer un sort terrible. Julie.

CASEY & ZONE LIBRE – La chanson du mort-vivant

Le morceau commence par une ligne de basse inquiétante. S’ajoute une batterie régulière donnant au morceau un tempo de marche funeste. Une guitare grinçante, enfin, s’élève. Sur leur premier album collaboratif, en 2009, la formation rock Zone Libre et Casey donnent la parole aux morts-vivant. Non pas ceux tout droit sortis de leur tombe, mais plutôt ceux qui sont déjà morts à l’intérieur, ceux qui « ne savent pas s’émerveiller », ceux qui ne ressentent « ni l’envie ni l’émoi ». Une manière de nous rappeler que même vivant, la mort peut déjà être là, en nous. Dans une montée en puissance glaçante s’achevant dans un tourbillon instrumental, le collectif nous rappelle que beaucoup d’entre nous sont « probablement mort-né[s] et déjà embaumé[s] ». Et quand Casey, sur ce morceau qui constitue sa dernière apparition sur cet album commun avec Hamé de La Rumeur, prend la voix du mort-vivant et nous scande qu’elle a « essayé de crier [son] tourbillon mais [que sa] voix n’a pas pu ôter son bâillon », on se demande si l’on n’a pas là une définition en creux de ce que cherche à faire Casey à travers son œuvre : ôter les baillons, réveiller les zombies ! Guillaume E.

ORELSAN – Suicide social

« J’ai longtemps cherché la solution à ces nuisances, ça m’apparaît maintenant comme une évidence… »

C’est l’histoire de « Monsieur Toulemonde » qui pète un petit plomb sans rectifier le tir. 7 ans après les « faits » le morceau d’Orelsan arrive encore à susciter le débat sur le sens premier à lui donner. Suicide social met en scène la (fin de) vie d’un homme qui n’a plus grand chose à aimer et qui ne s’aime plus depuis longtemps. Mais dans le désespoir de son personnage, le MC en profite aussi pour glisser quelques paroles douces à l’égard d’une société « malade », loin de faire d’un cas comme celui-ci un événement isolé… Laurent L.

Hugo TSR – Voisin d’en haut

C’est l’histoire de « Monsieur Toulemonde » qui a pété un plomb depuis bien longtemps… On osera qualifier de « plus légères » ces ultimes notes venant conclure notre article avec la « mise en scène » d’une mort qui a sûrement prêté à sourire plus d’un auditeur. La faute à un Hugo TSR au sommet d’une écriture qu’on lui connaît et offrant lui aussi un titre pouvant mener vers diverses interprétations et inévitablement un peu de folie. Laurent L.

La Rédaction

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2 commentaires

  1. Excellent article, merci! Et « Des fins » c’est franchement l’un des plus grands morceaux du rap français… Incroyable!

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