Interviews Rappeurs

[Interview] 2-zer : « Quand tu es tout seul, tu vas plus vite mais en équipe tu vas plus loin. »

Quelle est ta manière d’écrire ? Comment choisis-tu tes thèmes ?
Ça va dépendre. Je ne vais pas choisir un thème spécifique avant d’écrire. Je vais commencer à écrire. J’ai plusieurs méthodes de travail. Soit je vais commencer à écrire par rapport à ce qu’il s’est passé dans ma vie, un truc qui m’a blessé ou que j’ai kiffé. Je vais commencer à gratter dessus. Au final, je vais développer le thème en fonction de l’instru, de ce qui va aller avec. Sinon, je vais écouter des prods que les beatmakers m’envoient ou des faces B qui m’inspirent et je vais écrire dessus. En général, c’est du quotidien, c’est du vécu. Il y a des périodes où je n’écris pas du tout. Sur une semaine, je vais peut être avoir deux jours où j’écris et après non. Il y a des semaines où j’écris tout le temps. Ça dépend des sons, il y en a qui demandent beaucoup plus de temps de préparation.

Par exemple ?
Tu connais t’façon, ça a été un long travail. J’avais les textes, j’avais tout. En fait, c’était un texte complet. Après, j’écoutais les prods et il n’y en avait aucune sur laquelle j’aurais aimé poser. Lo avait fait une prod’ pour L’Entourage qu’ils nont pas prise. Je l’ai écouté et je me suis dit que je voulais la kicker. Ça a pris du temps de tout mettre en place, de tout construire. Il y a eu aussi comme Si c’était facile parce qu’il y avait une émotion que j’ai voulu développer. J’ai commencé à écrire mon texte, mais l’émotion est partie donc j’ai du attendre un peu pour que ça revienne. C’est comme ça que je travaille en général.

Et comment tu choisis tes prods justement ?
Ça peut être de tout. Franchement, il y a un truc infaillible. Si j’entends une prod et qu’elle me donne envie de gratter, c’est bon pour moi, elle est choisie. Je peux écouter des centaines de prods, sans qu’il y en ait une qui m’inspire, dès que j’entends la prod qui me donne envie de gratter, c’est que c’est elle.

Donc, c’est plus l’instru avant d’avoir le texte ?
Dans ces cas-là, oui. Mais en général, c’est la prod qui me donne envie d’écrire, de poser dessus. C’est comme ça qu’on a travaillé pour Seine Zoo. On a vraiment sélectionné des prods qui nous donnaient envie d’écrire, qui étaient au-dessus des autres pour nous.

Au niveau des rimes et des structures, tu écris tout puis tu changes pour que ça colle mieux ou tout te vient naturellement ?
Pour un son, à part un freestyle, tu es obligé d’avoir toujours un minimum de mise en forme. C’est un travail kiffant. C’est vraiment une construction, comme assembler des pièces. C’est comme construire une voiture, tu vas assembler. On ne peut pas se permettre de vouloir faire un morceau sans un minimum de travail de mise en forme.

Tes textes sont assez tristes, est-ce que c’est là dedans que tu te retrouves ?
C’est vrai que la tristesse m’inspire beaucoup. Comme je disais, quand il y a des trucs qu’on ne peut pas dire parce qu’on est timide par exemple, tu l’écris et ça va te permettre de dégager un peu ce que tu ressens par rapport à plein de choses, plein d’émotions.

Donc l’écriture est vraiment un exutoire pour toi ?
Exactement. Par exemple, quand je parle de ma mère, jamais je n’irais vers elle pour lui dire. Je le dis dans mes textes, ça me permet de dire ce que je pense et d’avoir moins de poids sur mes épaules.

C’est étonnant que ça te gène moins que tout le monde l’entende.
Non, ça me libère vraiment.

Est-ce que tu privilégies le fond ou la forme ?
Parfois, je vais avoir envie de montrer ce que je vaux et d’impressionner les gens. Dans ce cas, je vais privilégier la forme pour faire un truc qui met des baffes. Mais, en général, c’est plutôt le fond. Quand c’est un texte à thème, c’est le fond. Mais pour l’égotrip par exemple, je vais mettre en avant la forme.

C’est plus dur pour toi les freestyles ?
Non. Je peux kicker n’importe où, n’importe quel texte. Franchement, à n’importe quel moment de la journée tu me dis de kicker, je kicke et je kiffe. Je comprends que ce soit plus dur pour certains MCs qui ont plus l’habitude de travailler en studio, mais comme nous on a été formé sur le terrain, on a vraiment commencé avec ça. Pour chaque membre de l’équipe c’est facile. Tu vas lancer une instru, on va rapper dessus, c’est comme une impro.

Aujourd’hui, le rap c’est ta vie ?
C’est une grande opportunité en fait. J’ai arrêté l’école tôt. J’ai eu un parcours scolaire assez chaotique. J’ai quitté en 4e, puis j’ai repris dans une classe spécialisée dans la réinsertion scolaire. Je n’ai pas fait long feu, j’ai tenu jusqu’en en première. Je n’avais pas grand chose dans ma vie à part le rap. C’est quelque chose que l’on faisait à temps plein, avec L’Entourage et même l’entourage de L’Entourage. On était h24 ensemble, on ne faisait que rapper. On a tous plus ou moins un parcours similaire et peu d’avenir dans les études. C’était notre passion, notre mode de vie et c’est vraiment ce qui nous faisait vivre. Le fait que ça commence un peu à nous faire vivre, c’est un kiff. J’arrive à en vivre doucement. C’est difficile mais je vis toujours chez mes parents. Ils ont toujours été compréhensifs. Ils m’ont dit « On a vu que l’école, ce n’était pas pour toi, si tu as une passion, investis toi à fond dedans pour réussir, fais ton trou, et quand tu pourras voler de tes propres ailes, tu feras ta vie ». Franchement, ça commence à me faire vivre un peu. Ça me donne à manger, mais sans plus.

Tu comptes sur Seine Zoo pour que ça change ?
Si Dieu le veut.

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