Georgio est un jeune rappeur du 18e. À tout juste 20 ans, ce MC a déjà imposé ces textes justement écrits et son énergie dans deux EP et sort cette semaine sa nouvelle tape Soleil d’Hiver en collaboration avec Hologram Lo’. Sa plume incisive raconte sa vie avec simplicité et poésie, parce qu’il l’aime ce Saleté de Rap. Et nous aussi.
Qui es-tu ?
Georgio : Je suis Georges, le fils de mes parents, d’origine guadeloupéenne. J’ai vingt ans. Je rappe et j’habite dans le 18e arrondissement de Paris.
Comment es-tu arrivé au rap ?
Georgio : Je suis arrivé au rap parce que depuis tout petit, c’était un peu la musique à la mode. J’ai toujours plus ou moins écouté du rap. À partir de là, j’ai eu très vite envie d’écrire pour moi-même faire du rap.
Quel est l’élément qui t’a, justement, donné l’envie d’écrire ?
Georgio : Personne en particulier, et surtout pas les cours. C’est le rap qui m’a donné envie d’écrire. C’est le fait d’écrire des morceaux, la musique, tout simplement.
Comment définirais-tu ton style ?
Georgio : C’est du rap très introverti, sur ma vie. C’est à partir de là que les autres peuvent s’identifier. Quand j’écris, il peut y avoir un côté très égoïste, à raconter ma vie, mes problèmes, ma vision des choses, mais au final, il y a du monde qui arrive à se retrouver là-dedans. C’est pour ça que ça marche un minimum. Mon univers, c’est celui d’un jeune mec de Paris Nord, qui vit dans son quartier. Je ne suis pas le plus gros trafiquant de crack de Marx Dormoy, ni la plus grosse baltringue du 16e. C’est le monde d’un mec qui mène sa petite vie avec ses aléas.
Quelle est ta technique, ta mécanique d’écriture ?
Georgio : Je fais tourner une prod’ en boucle, ou plusieurs quand il y en a une qui ne m’inspire plus. J’écris en roue libre le plus possible. Après, je structure les couplets, je reviens. Je retourne sur d’autres textes que j’ai écrit avant, je récupère des mesures à droite à gauche. Pour un morceau, généralement, j’aime bien écrire sur les prods que je kicke. Parfois, j’ai des petites mesures qui me viennent, je les écris sur mon téléphone. Je les note quand je rentre chez moi. Il y a en qui ressortent dans des textes parce que je les ai encore dans la tête. Quand je n’ai plus vraiment d’inspiration, je fouille un peu partout et je retrouve ces petites notes. C’est là que la partie puzzle rentre en compte dans mon écriture.
Est-ce que tu puises ton inspiration principalement dans ta vie, dans ton quartier ?
Georgio : Je puise mon inspiration dans tout ce que je vois, ce que je vis. Je lis beaucoup, et la lecture m’aide à réfléchir, à percevoir les choses différemment. Du coup, ça va m’aider à écrire. Je m’inspire de tout. Je suis un peu une éponge. Dès que je sors, je regarde.
Quel genre de livre lis-tu ?
Georgio : Ça dépend. Des romans. J’aime beaucoup Romain Gary comme auteur. Il a écrit La vie devant soi (ndlr : écrit sous le pseudonyme Émile Ajar) et Chien blanc. C’est le dernier livre que j’ai lu d’ailleurs. J’aime beaucoup la philosophie aussi. Je lis Épictète, Marc Aurèle, Pensées pour moi-même.
Tu as arrêté l’école jeune, est-ce que tu penses que tu compenses cette éducation en la faisant par toi-même ?
Georgio : Ça m’aide à compenser. Avec ça, mon cerveau travaille toujours, mais c’est par plaisir. Je ne me dis pas du tout qu’il faut que je compense. Comme j’ai pas mal de temps libre, je l’occupe et du coup, je ne m’ennuie jamais.
Qui sont tes modèles ?
Georgio : Mes premiers modèles sont mes parents. Je pense qu’on se calque sur ses parents au départ, sur son éducation. Après, dans le rap, mes plus grosses influences sont Hugo TSR et Lino d’Ärsenik.
Après Une Nuit Blanche pour des Idées Noires et Mon Prisme, qu’attends-tu de Soleil d’Hiver ?
Georgio : J’attends, comme pour chaque projet, de monter une marche, d’avoir le plus de visibilité possible. De plaire le plus possible aussi. J’aimerai aussi faire plus de concerts.
Tu restes encore un peu méconnu, est-ce que tu penses que ce projet va jouer ?
Georgio : Clairement. Du coup, avec ce projet, je commence à atteindre des sites auquel je n’avais pas accès. Comme Booska-P par exemple, avec qui j’ai fait un freestyle qui va sortir bientôt. D’autres médias du rap commencent à s’intéresser un peu à moi, je commence à être un peu partout. On me joue dans la nocturne sur Sky depuis Mon Prisme. À chaque fois, on monte des étapes et je deviens de plus en plus connu.
Est-ce que la suite logique est un album ?
Georgio : Oui, c’est la suite, mais ça prendra le temps. Il y aura peut-être d’autres EP, une mixtape entre-temps, mais c’est sûr que c’est dans les prochains projets.
Tu as attendu un an avant Soleil d’Hiver, qu’as-tu fait entre-temps ?
Georgio : J’ai fait ce projet. J’ai mené ma petite vie, j’ai un peu travaillé, beaucoup lu, passer du temps avec mes potes.
Que retiens-tu aujourd’hui de ton parcours dans le rap ? Des erreurs, des réussites ?
Georgio : Je suis un humain ! Je fais des erreurs. Quelques erreurs, mais qui sont humaines, donc aucun regret. Chaque jour, je monte une nouvelle marche, petit à petit. Je les construis, je me construis. Il n’y a aucun morceau que je n’assume plus aujourd’hui.
Tes titres sont très sombres, pourquoi ? C’est là-dessus que tu préfères écrire ?
Georgio : Je suis assez sombre dans mes pensées, même si ça ne se voit pas. La vie n’est pas tout le temps rose. En fait, j’écris par rapport à des états d’âme, des moments. Mon écriture vient souvent de la colère, de la rage que je transforme positivement dans l’écriture. Par exemple, mon freestyle Daymolition qui est sorti il y a quelques jours, je l’ai écrit parce que j’ai eu des galères d’électricité pendant trois jours. Il n’y avait rien à faire, le soir je ne pouvais pas écrire et la journée je ne pouvais pas bouger. Ça part d’un sentiment de haine, d’énervement et je le transforme. C’est ce que je fais beaucoup. Ce n’est pas tout le temps sombre, c’est aussi des choses plus impersonnelles. Elles sont peut-être plus importantes que certains autres trucs. Je fais des soirées avec mes potes, mais est-ce c’est pour autant que je vais faire un morceau sur tous mes samedis soirs ? Pas forcément. Ce n’est pas assez intéressant.
Comment choisis-tu tes prods ?
Georgio : Généralement, je contacte les beatmakers avec qui j’ai envie de travailler parce que j’ai entendu des prods sur d’autres projets ou parce que j’aime ce qu’ils m’ont envoyé. On parle de ce dont j’ai envie, le style etc. ou je leur demande simplement d’envoyer des trucs qu’ils ont. Je trie par rapport à mes préférences.
Quel lien entretiens-tu avec la 75e session ?
Georgio : Ce sont des super potes. On s’entraide, on passe énormément de temps ensemble. On a monté un studio donc j’y suis souvent. En plus, pas mal de membres sont en coloc’ à Saint-Denis, donc on est souvent posés là-bas. C’est une grande bande de potes, tous plus ou moins artistes.
D’où vient la nécessité pour un MC Solo de se rattacher à un collectif ? Est-ce que c’est trop difficile d’y arriver seul ?
Georgio : Non, je ne pense pas que ce soit ça. C’est totalement différent. Moi je rappe solo. Mes deux premiers projets sont en solo. Là, c’est plus un collectif d’aide pour le studio, la pochette, les clips. Il y a des photographes, donc d’un côté, je vais l’aider parce que je vais lui donner du travail, un peu de visibilité, et lui il va m’aider parce qu’il va me permettre d’avoir un beau graphisme pour le projet. Et pareil, via les clips etc. Ce n’est pas obligé, mais au final, quand je les ai connu, je me suis retrouvé à un moment de ma vie où on était souvent ensemble parce qu’on était potes. En plus, on se servait dans le rap, donc ça s’est fait tout seul, je suis rentré dans le collectif. Rooster, par exemple, quand il a fait les scratchs sur L’Homme de l’Ombre, il n’était pas encore vraiment de la 75e session. À force de faire des scratchs pour aider à gauche à droite, il roule avec moi pour les concerts, et au final, il en fait partie aujourd’hui.
Et quels sont tes rapports avec le milieu ?
Georgio : Je ne suis dans aucune guerre. Je n’aime pas tous les rappeurs, ça serait mentir de le dire. C’est un milieu un peu hypocrite. Je suis dans le rap, mais pas tellement dans le rap game. Je fais ma musique et le reste, à côté, je ne calcule pas trop. Si tu me vois en feat avec un mec, c’est que j’apprécie ce qu’il fait et aussi humainement. Les autres, ils font leur truc. Après, il y a des gens que j’écoute qui ne se doutent peut-être pas que je les écoute et vice versa. D’autres ne m’intéressent pas.
Tu penses pouvoir vivre du rap bientôt ?
Georgio : Survivre du rap, pourquoi pas. Vivre bien, je ne sais pas. C’est super aléatoire, un peu compliqué de prédire ça. Je vais me donner les moyens pour que mon truc marche le plus possible. Si je peux en vivre, c’est super. Sinon, je continuerai.
Un plan B au cas où ?
Georgio : Oui. Depuis le départ, je n’ai jamais voulu miser ma vie sur le rap, parce que comme je dis, c’est trop aléatoire. Ce n’est même plus le talent qui compte, il y a trop d’autres choses qui rentrent en jeu. Je ne peux même pas te dire j’ai un restaurant, je vais être cuisinier. Je suis un peu comme un chat, quoi que je fasse, je retombe toujours sur mes pattes. Ça peut paraître super prétentieux. Tu vois, j’ai arrêté les cours, mais je savais que même sans les cours, j’allais réussir à faire quelque chose. Le rap, ça marche bien. Quoi que je fasse, je n’ai pas peur de l’avenir.
Quelles sont les difficultés pour se faire connaître quand on est indépendant ?
Georgio : Je crois que tout le monde les connaît. Les majors ne signent plus d’artistes pour les faire monter et les faire devenir des icônes. Si tu es indépendant, tu fais ton buzz, et dès que tu marches, ils viennent à toi. Je matraque Internet de freestyle, de clips, de sons, de projets. Il faut donner beaucoup de temps, il faut être patient. Et avoir de l’argent aussi, pour payer les studios. J’ai la chance d’être bien entouré pour ça, au niveau des prods, des mixs, des clips. Je ne paye quasiment à rien, on s’arrange à coup de service. Tout le monde n’a pas ma chance
Serais-tu prêt à signer chez une major ?
Georgio : Tout dépend le contrat, mais si on ne bafoue pas ma musique et qu’on ne change pas mon image ni mes principes, je suis ouvert. Je trouve que c’est de la connerie de rester fermé. Mais s’il faut changer ma musique, ça ne m’intéresse pas. J’ai la chance depuis le départ de me dire que je n’ai pas besoin de faire de la musique pour vivre, je vais me débrouiller autrement. À partir de là, tu peux faire vraiment la musique que tu aimes. Je ne suis pas en train de me dire : Là, il me faut de l’argent, il faut que je fasse un tube donc on va mettre une petite meuf blonde qui va faire un refrain et au final, ça ne me plaît pas du tout. J’ai cette liberté artistique, et si une major ne me l’enlève pas, et au contraire, m’aide à promouvoir cette liberté, je suis totalement ouvert.
Qu’est-ce qu’on pourrait te souhaiter aujourd’hui ?
Georgio : On pourrait me souhaiter d’avoir le meilleur succès d’estime possible, que le plus de personnes découvre ma musique, l’aime et achète mon EP avec Lo’ Soleil d’Hiver.
Qu’est ce qui tourne dans ton Ipod ?
Georgio : En ce moment, ce qui tourne le plus c’est Ali Farka Touré, un musicien Malien si je ne me trompe pas, décédé il y a quelques années maintenant, super musicien africain et j’adore ce style. Il n’y a pas longtemps, j’étais à Angers et j’ai passé une heure et demi de train à écouter un album, ça m’a reposé. Sinon, la mixtape de Kaaris, Z.E.R.O. qui tourne beaucoup. C’est un peu du rap Entertainment, mais ça me plait beaucoup. Et Lino aussi, l’album Radio Bitume.
Enfin, qu’est-ce que tu penses du rap français et est-ce que tu es fier d’en faire partie ?
Georgio : Je suis fier de cette musique, sinon je n’en ferais pas, tout simplement. Je suis fier d’en faire. C’est un rap qui a bien évolué, qui a des trucs superbes et des trucs un peu moins bons, il faut trier. De toute façon, il y a plein d’artistes et il y a moyen d’écouter du super bon rap. Après ce sont les goûts et les couleurs. C’est un mouvement qui évolue bien avec le temps, surtout ses derniers temps.
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[…] Bleu Noir était un réel album autobiographique, rempli de doutes et d’espoir, la plume du rappeur était magnifique et efficace. Sur Héra, Georgio n’a pas perdu de sa superbe et nous montre encore une fois sa qualité d’écriture incroyable et son don de jouer avec les mots en nous racontant des histoires. Celles-ci n’ont qu’un seul sujet : la vie, sa « source principale d’inspiration ». […]