Interviews Rappeurs

[Interview] Hippocampe Fou : « Je commence à avoir une bonne synthèse de la forme et du fond. »

Tiens, est-ce que cest conscient ta façon de te cacher derrière ton personnage ?
En fait, le personnage varie selon les morceaux. J’essaie de ne pas m’enfermer. Booba est coincé dans son délire. Si demain il met un costume de panda, il se fait cracher dessus. J’ai commencé dans un groupe où j’avais déjà un personnage bien marqué mais je variais déjà les thèmes.

Je tai entendu parler de contes dans les interviews.
Voilà, j’ai plus l’instinct de conteur que de sociologue. J’ai ma manière de transmettre des idées et des pensées, c’est via mon univers et mes personnages. C’est un peu le côté fable. Mais dans mon imaginaire, je peux parler de différentes choses sans m’interdire de faire des morceaux plus personnels. Sur l’album, il y a des morceaux où je raconte vraiment ce que je suis même si ça va être caricatural.

Cest un peu bipolaire comme fonctionnement.
Je ne sais pas si c’est bipolaire mais c’est une manière de ne pas s’enfermer dans le réel et de ne pas s’ennuyer dans la création.

Un morceau comme Soirée de Ouf, cest du vécu ?
(Rires). Personnellement, je n’ai jamais rencontré ni la reine des aliens ni Edward aux Mains dArgents. L’histoire de ce titre est drôle : Fredo m’avait proposé de faire un featuring. Je savais qu’il était pote avec Yoshi alors j’ai proposé qu’on fasse un truc à trois. Un bon threesome. J’ai envoyé l’instru de Goomar que je trouvais mortelle et je voulais partir sur le thème de la soirée tarée. Mon idée initiale, c’était même une soirée échangiste avec des personnages Disney.

Un bon gouffre à procès.
Ouais (rires). L’idée a un peu dérivée. J’avais déjà écrit mon couplet et eux ont fait en sorte que ça colle. C’est un bon délire. Le clip était un peu trop ambitieux.

Dans plusieurs de tes morceaux dont celui-ci, on ressent le côté screwball comedy, on ne sait jamais dans quel sens ça va aller.
Quand j’étais en fac de ciné, j’avais des cours  de scénario. Ça doit jouer même si je n’ai jamais écrit de script qui me plaise vraiment. J’ai appris les bases de l’écriture. Mais je suis plus un gars qui va trouver des petites images délirantes.

Tu écris beaucoup en rapport avec linstru ?
J’écris 90% de mes textes sur mes instrus. La musique m’apporte des idées et des images. Et en tant que fan d’Eminem et Busta, j’aime chercher le flow qui collera le mieux à l’instru tout en restant surprenant.

Tu as un univers très cinématographique. Si on te dit quon ressent des influences de Burton, Gondry ou des Monthy Pyton, tu en penses quoi ?
Tu peux en rajouter : Kubrick, Lars Von Trier, Haneke etc. mais ils ne sont pas très grand public alors les références sont plus compliqués à placer. Quand j’écris, il me faut une idée percutante par ligne sinon je m’ennuie. J’aime bien avoir les images comme si c’était un plan, un story-board en quelque sorte. C’est pour ça que j’ai du mal à parler de politique ou d’économie c’est trop abstrait, ça ne me parle pas.

Même en tant quauditeur ?
Oui, ça m’ennuie. Il y a des mecs comme Rockin Squat dont j’ai apprécié des sons mais plutôt ceux où il y avait un story-telling, tu es embarqué dans l’histoire. Dès que c’est plus global et qu’il y a trop de chiffres, de pourcentages, j’ai l’impression de regarder Bloomberg TV. Ça m’ennuie, j’ai besoin d’aller sur Gulli.

Est-ce que tu tinterdis d’être pointu dans tes références ? On sait que tu as un gros bagage cinéma.
Non parce que je n’ai pas envie de trahir qui je suis et de simplifier mon discours. Après, je ne suis pas le plus grand cinéphile de tous les temps, c’est juste mon truc. Quand j’étais en fac de cinéma, j’avais parfois honte d’aller voir un Spielberg ou un Peter Jackson parce que je me disais que je trahissais le cinéma. En vieillissant, je me suis éloigné de ça et j’ai retrouvé avec joie mon premier amour : le cinéma de divertissement. Dès le départ, je faisais du rap avec des potes. On avait un groupe qui s’appelait Les Anciens. Mes potes rappaient bien mais ils faisaient trop de private jokes. Je leur disais qu’il fallait qu’on reste compréhensible par les gens de l’extérieur.  Et moi, dès mes premiers textes, je voulais être compris. Ça n’empêche que je peux mettre des références pointues mais on est à l’ère de Wikipédia. Les auditeurs peuvent aller chercher les noms que je place, d’autant plus facilement que j’accompagne les vidéos de mes textes.

Comme un Lucio Bukowski avec la littérature.
On nous a souvent comparés et à juste titre, je pense. Il est venu au rap très tard aussi. Il a trouvé une manière de s’exprimer autre que le roman, qui était sa passion première, je pense. Ce n’est finalement pas surprenant qu’on ait fait le morceau Testament ensemble.

Qui est très réussi dailleurs.
Merci ! Je venais de sortir ma net-tape. Il m’a écrit en me disant qu’il me suivait depuis un moment et qu’il aimerait bien qu’on fasse un son ensemble. Ils m’ont envoyé l’instru d’Oster. Une semaine après, j’avais écrit et enregistré le truc. Je suis très content d’avoir fait un morceau avec lui. Et quand j’ai fait le son Hymne au cinéma, on m’a fait remarquer que ça rappelait le morceau Littérature de Lucio et Nadir. Au passage aquabig up à L’Animalerie.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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