Malgré ton univers cartoonesque, on sent une certaine noirceur dans tes textes.
J’ai toujours été fasciné par la torture, la souffrance. C’est le côté cathartique. Certains jouent à GTA, moi ça me fait tripper de m’imaginer que je peux étriper quelqu’un, mettre mes doigts à travers ses yeux. Je peux vraiment imaginer tout ce que je veux, dans les limites du raisonnable. Je crois que j’ai un esprit assez tordu et porté vers l’ultra-violence. C’est aussi pour ça que j’aime Haneke et Kubrick. Ils m’ont mis mal à l’aise à un moment où je ne jurais que par les films d’action brute. A 14 ans, j’ai vu Funny Games, l’original, et le côté réaliste a changé ma vision. Il y a aussi le film Le temps du loup, de Haneke toujours. C’est post-apocalyptique, on ne sait pas ce qu’il s’est passé. A un moment, ils sont tous dans un hangar et les gens qui possèdent des armes deviennent les maîtres des lieux. Ça peut faire écho aux camps de roms maintenant et c’est saisissant. Mais quand ça passe par le biais de l’information, ça te touche différemment. « 150 personnes enfermées dans un hangar, en attente d’expulsion », ça ne te fait pas le même effet.
C’est le pouvoir de la métaphore.
Voilà. Sans même parler d’un sujet, il réussit à te l’évoquer.
Est-ce que tu considères que c’est fini pour toi le cinéma ?
Non parce que j’ai toujours eu l’idée que le rap était un sport et que tu ne pouvais plus le faire passé un certain âge. Je le ferai tant que ça marchera et que j’aurai de bons retours puis je me recyclerai dans le cinéma. C’est ma passion première et je ne veux pas passer à côté. Je pensais sortir un album plus rapidement dans le rap. Mine de rien, ça fait 6 ans que je suis dedans. De toute façon, j’essaye d’apporter ma patte à tous les clips que je sors. C’est une manière de rester dans le milieu quand même.
Tu as dû apprécier le clip de Mon Pote, d’Orelsan et Flynt.
Carrément. J’étais jaloux ! Je venais juste de sortir Hymne au Cinéma, en plus ! J’avais déjà kiffé leur morceau, ce côté à cœur ouvert. Et quand j’ai tilté que tous les films cités parlent d’amitié et que les phases sont en rapport avec chaque scène qui apparaît, j’étais fou. C’est très cohérent.
Je change le sujet, on sent souvent des influences très chansons françaises dans tes textes. Du Boby Lapointe, du Brassens etc. C’est conscient ?
Oui. C’est conscient mais ce n’est pas forcément voulu. J’en ai écouté énormément. J’ai découvert aussi André Minvielle qui fait quelque chose entre le jazz et le scat mais avec un sens, tout en chantant très bien. C’est assez impressionnant parce que Boby Lapointe ne chantait pas juste du tout. Il arrivait à trouver des assonances et des allitérations de malade mais il chantait faux.
Ça m’a frappé sur le morceau New-York avec des passages comme « J’aperçois Obama puis passe un moment au MOMA à mimer ma maman…»
Au final, c’est un de mes plus vieux morceaux. Et le côté Brassens se retrouve dans les petits contes ou dans l’imagerie que je peux avoir. Il m’arrive de me réfugier derrière les mots. Je ne me mouille pas toujours dans l’interprétation hormis mon côté fou. Un des buts de mon album c’était de me livrer un peu plus. J’espère le faire encore plus dans les années à venir.
Tu m’offres une bonne transition. L’océan est bien vaste mais n’as-tu pas peur de l’enfermement dans un personnage ?
Je défends à fond le rap aquatique pour le moment. C’est clair et censé d’agir comme ça parce que je m’appelle Hippocampe Fou. Mais l’univers aquatique n’est pas infini non plus. C’est vaste, profond et inexploré. C’est une manière de se situer et de se démarquer. C’est l’intérêt de donner un nom à ton courant. Donc je le défends le temps qu’il faudra mais il n’est pas exclu que je prenne une navette pour aller faire du rap spatial. Tout est possible. Pour l’instant, on est bien dans l’eau et les gens vont venir plonger dans l’univers. Mais l’album ne parle pas que de poisson, bien sûr.
Tu as parlé de rap cartoonesque tout à l’heure, ça résume pas mal.
Je préfère l’aquatique. Tu peux ajouter une notion de poésie et de profondeur dans ton propos. Cartoonesque, on a l’impression que tu vas être juste dans l’humour et la surenchère.
D’ailleurs, ce n’est pas un peu paradoxal de faire du rap aquatique alors que c’est censé être le monde du silence ?
Dans un cinéma tout le monde se tait et regarde le film. Quand on plonge, on n’entend rien, on ne peut pas parler mais on assiste à un spectacle inédit. Que je retranscris par des mots. C’est une manière de transposer. Au final, je pourrais juste faire des peintures. D’ailleurs, si je savais dessiner et peindre, je pourrais mettre en forme toutes les idées que j’ai en tête.
Pour finir, pourquoi Hippocampe Fou ?
Quand j’étais en fac de cinéma, j’ai tapé mes noms et prénoms dans Google et je suis tombé sur un homonyme qui était sélectionné dans un festival de cinéma. Du coup, je me suis dit qu’on allait nous confondre si je faisais des films aussi. Alors j’ai décidé de chercher un pseudo et Hippocampe m’est venu comme ça. Mais quand je le tapais dans Google, je tombais sur un club de plongée ou un club échangiste. Ce n’était pas assez clair ! Du coup, j’ai rajouté le Fou parce que ça résumait bien le truc.
L’antithèse des deux fonctionne bien. L’hippocampe est un animal très droit.
Tu sais quoi ? Je n’ai jamais imaginé ce que donnerait un hippocampe fou, ça doit être quelque chose !
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