La première partie de cette interview est à lire ici : « L’image du rap n’est pas représentative : ce n’est pas un milieu misogyne. »
Revenons à Milk Shake, sorti mi-janvier 2013. Es-tu au courant de son impact face au public, ses ventes ?
Non, pas du tout : je ne suis pas quelqu’un qui s’attarde sur les chiffres. Bons ou mauvais, je ne préfère même pas savoir, en fait. Je laisse Milk Shake faire son chemin, je verrai plus tard. Je fais sa promo, je fais mes concerts. Quand tout ça sera en place, je me poserai la question. Non et puis je me rendrai compte de son ampleur au moment où je consulterai ma fiche de paye. En attendant, je ne veux pas savoir. Je préfère rester dans le suspense comme je l’ai fait avec les deux projets Qui veut ça ?, je ne m’étais jamais préoccupée du nombre de téléchargements. Je trouve que ça peut couper dans son élan de s’occuper des chiffres, ça peut changer le regard d’une personne : si les chiffres sont bons, on peut se dire que tout est acquis. A l’inverse, ça peut faire peur et mettre un coup à notre motivation. Je préfère défendre mon projet comme je l’entends et on parlera des chiffres plus tard.
Es-tu plus préoccupée par la critique ?
Ça dépend de quelle critique on parle : il y a des critiques constructives, d’autres non. Les retours que j’ai eu sont plutôt bons mais je pense aussi que les personnes qui veulent me faire de mauvaises critiques ne me le feront pas parvenir de vives voix. Tout se fait généralement sur Internet. J’ai pas mal de commentaires sur les réseaux sociaux, je les regarde un peu pour voir ce que les gens pensent : il y a des commentaires bons à prendre et d’autres non. En fait, je prends plus en considération les avis de personnes qui me suivent depuis le départ car ils ont une réelle réflexion sur le travail que j’ai fourni et sur ma progression. Ces gens-là ne voient pas Milk Shake seulement comme un projet rap. Toutes les critiques ne sont donc pas bonnes à prendre. Je vais vraiment faire attention aux retours des personnes qui m’entourent. Elles sont là depuis le départ et je sais qu’elles ne seront pas tendres avec moi. Et heureusement qu’elles sont comme ça car ça m’évite de me perdre. Quand je fais des textes assez mauvais, ils me le disent. C’est important d’avoir des gens autour de soi pour nous guider.
Milk Shake est un maxi. On se dirige vers un album ?
Oui et je le prévois en septembre-octobre prochain. Entre la promo de Milk Shake et les scènes, je travaille déjà dessus, je suis en pleine phase de création. On va dire que j’ai déjà la colonne vertébrale de l’album : j’ai les dix premiers morceaux. Je travaille énormément sur l’atmosphère, l’ambiance que je veux transmettre. Je vais me laisser le temps de tourner les clips des chansons qui me paraissent importantes. J’anticipe, je veux que tout soit carré. Ce sera mon premier album donc c’est mon vrai petit bébé : je me prends la tête juste pour lui trouver un nom. C’est dur ! Je pense que je vais l’appeler comme le titre d’une chanson qui sera présente dessus. Je suis en train de voir les titres qui se dégagent le plus. Il faut que le titre représente bien le projet.
Quels sont les thèmes que tu vas aborder avec ce premier album ?
Il n’y aura pas vraiment de thèmes précis, ça va être moi : mes coups de gueules, mes réflexions sur la société, sur ce qui m’entoure. Comme sur Milk Shake, ça allait de la chanson consciente et un peu triste, à la chanson égotrip limite agressive. Il va y avoir des sons chantonnés, avec des refrains plus ouverts. De toute manière, je suis éclectique : j’écoute vraiment de tout et donc je suis ouverte musicalement. Les prods me parlent et c’est par rapport à elles que j’écris : ça peut passer d’un piano à du dirty. Les deux peuvent m’inspirer. Les instrus sont mes copines : on discute ensemble pendant quelques temps pour se mettre d’accord sur le thème abordé et c’est parti ! Il y a un vrai travail de beatmaker derrière tout ça. Bébou est un de mes principaux compositeurs. Il a travaillé sur Qui veut ça I et II, Milkshake et l’album qui arrive. Je travaille aussi avec Sokar qui a fait Fusée et J’ai le Power. Et mon troisième beatmaker, c’est Moustik. Je travaille avec des personnes chez qui je reconnais un talent. Je veux profiter de leur génie. Quelqu’un qui me rend ouf avec ses intrus, c’est Proof le beatmaker de Médine : il est super fort.
Tu travailles maintenant avec une maison de disques. Ça n’a pas été trop compliqué au début ?
Je travaille avec eux sous conditions assez spéciales. Comme j’ai monté mon propre label BrainWashMusic, je gère ma production exécutive. Je ne suis donc pas signée en tant qu’artiste même. C’est mon label qui a le dernier mot sur ma production. Après, on discute tous ensemble énormément mais on ne m’impose rien. C’est de l’investissement mais j’ai des gens m’entourent. Ils connaissent ce milieu et les pièges à éviter. Et puis, j’ai mes propres idées. Je sais où je veux aller et personne ne me dit quoi faire. Je n’ai pas peur de me lancer non plus. C’est moi qui décide de prendre mes virages tout en étant épaulée par mon équipe. On va dire que c’est une collaboration car eux, de leur côté, ont une réelle expérience : ils ont géré pas mal de monde dont une fille dans le rap, Diam’s. C’est un point positif et ça m’a rassurée. Et puis, c’est un relais : je peux déléguer en toute confiance les choses qui me mettait dans le jus et que je bâclais sur mes anciens projets. D’être secondée sur certaines tâches me permet de rester concentrée sur d’autres comme l’écriture et la création.
Que penses-tu de tous les rappeurs préconisant l’indépendance pour rester ‘vrais’ ?
Je pense que c’est une idée fausse. Ils la préconisent en plus comme gage de qualité ce qui n’est pas vrai du tout. Il y a des gars en indé qui font de la merde et des gars signés qui éclatent tout. De plus, ceux qui prônent l’indépendance, c’est souvent parce qu’ils n’ont pas le choix : le jour où on leur proposera de signer, ils le feront sans hésiter. Personnellement, je pense que mon rap serait malheureux s’il était resté en indépendant car il serait mal défendu. Il n’aurait pas eu les bonnes armes. Après, il y a du bon rap indépendant et à l’inverse de moi, leur musique serait triste en maison de disque car incomprise. Mais beaucoup d’indépendants ne cracherait pas sur le fait de vivre de leur musique confortablement. Beaucoup aussi font l’amalgame entre signer en maison de disque et être intéressé par l’argent. C’est dommage car proportionnellement, on gagne plus à rester indépendant. Je pense qu’on peut apprendre énormément de choses en maison de disque. La rigueur, la promo, la pression et les bonnes méthodes de travail. Après en indé ou signé, c’est la façon d’assumer les choses qui fait la différence.