Hayce Lemsi, Hayce Lemsi, Hayce Lemsi. Visiblement, si on l’appelle trois fois, il n’apparaît pas. C’est normal car ce n’est pas du côté de Beetlejuice qu’il faut chercher si on veut faire une métaphore cinématographique à son sujet. Il faut plutôt se tourner vers un gros western ou vers un film à caractère pornographique pour rendre hommage à l’homme qui tire plus vite que son ombre. Ma rencontre avec Hayce Lemsi s’est déroulée un soir de pluie alors que je vaquais sur un réseau social bien connu. Un de mes potes du quartier venait de partager une vidéo en y apposant la motion « INCROYABLE ! » Interpellé, j’ai cliqué. Je n’ai jamais regretté.
Daymolition
Cette vidéo n’était déjà pas comme les autres. Il y a un semblant de mise en scène, on n’arrive pas bêtement sur le principal intéressé. La scène semble se passer à l’aube tellement la lumière est faible. On voit un vélo approcher. La silhouette se rapproche et il s’avère que c’est un gosse. Il nous dit « Tu connais pas l’insomniaque ? C’est la vida loca ! Suis-moi. » L’ordre s’adresse à la caméra mais nous n’avons d’autre choix que de suivre aussi, intrigués. Il nous amène vers un groupe de jeunes interlopes, disposés en arc de cercle. On entend des chuchotements. Le môme s’efface et le réalisateur entre dans la ronde. Au centre, Hayce Lemsi porte capuche, casquette et ses fameuses cernes violettes. Sans perdre un instant, il allume le lance-flamme qui lui sert de bouche. Quasiment a capella, il envoie un freestyle que je me prends en pleine bouche. Vous connaissez ce sentiment d’euphorie qui vous prend quand vous entendez un morceau que vous adorez instantanément ? Celui qui vous pousse à réécouter encore et encore. C’est ça que j’ai ressenti. Ce ne sera pas la dernière fois.
Un Petit Pas pour Lemsi
On s’est retrouvé avec Hayce Lemsi complètement par hasard. J’avais oublié son existence et c’est avec curiosité que j’allais demander à mon pote le nom de cet artiste qui m’avait baffé presque un an auparavant. Hayce Lemsi, me dit-il, avant d’ajouter qu’il venait tout juste de sortir son premier projet. Curieux, je le téléchargeais très rapidement. C’est une chose d’être en freestyle dans son quartier et de poser devant ses potes mais c’en est une autre que d’être en studio, dans la cabine, à poser des couplets sur des productions dans un cadre plus feutré. Beaucoup n’ont pas passé l’étape mais Hayce Lemsi n’a pas ce genre de problème. Sur UPPPL, il franchit la barre avec aisance. Il muscle même son jeu en dévoilant vraiment les multiples facettes de son rap. Les placements, les accélérations, le personnage. On s’attache à cet homme qui ne cesse de répéter qu’il n’arrive pas à dormir. Il a en plus le bon goût de convier Alkpote en featuring. Entre introspection et égotrip, ce premier projet était vraiment à la hauteur du phénomène tout en laissant la porte à un potentiel encore plus grand.
Electron Libre
La notoriété grandit et Hayce Lemsi devient une pièce maitresse du rap français sans jamais mettre d’eau dans son vin. Pour traduire, le monsieur ne devient pas grand public pour un sou et il ne dilue pas ses textes avec de l’eau consensuelle. Bon, ne nous mentons pas, les singles sont plus prononcés à l’image du featuring avec Soprano intitulé Bario. Mais même sur un morceau à l’instrumentale dansante, je me surprends à dire « mais qu’il est fort putain ! » C’est plus fort que moi, je n’arrive pas à détester un de ses morceaux. On entend déjà monter les premiers reproches sur la redondance du flow de ces aveugles qui n’arrivent pas à entendre la variété des placements et des respirations de l’homme de la capitale. Mais ce qui frappe surtout, c’est cette alliance de technique et de vocabulaire pour un artiste qui évolue dans un genre qui ne donne d’habitude pas forcément la part belle à la langue de Molière. Après tout, ne se surnomme-t-il pas lui-même comme l’un des Frères Lumière ?
L’or des Rois
Les critiques disent déjà que L’or des Rois n’est pas ce qu’a fait de mieux Hayce Lemsi dans sa carrière. J’aurais été curieux de connaître leurs réactions si ça avait été le premier projet d’un artiste inconnu. Car ça reste toujours réellement jouissif de l’écouter rafaler des instrus en utilisant au détour d’une phrase un passé simple (« ils se rassirent », « nous partîmes »). Bien sûr, on n’évite pas les écueils d’un album à visée grand public alors les fameux morceaux dansants sont toujours présents au milieu du disque. Mais honnêtement, quitte à entendre des tubes à la radio, je préfère que ce soit Hayce Lemsi plutôt que Christophe Maé ou ses comparses qui me racontent leur dernière histoire d’amour.
Conclusion.
Hayce Lemsi, c’est Speedy Gonzalez qui ne dormirait plus. C’est Usain Bolt qui aurait grandi dans le 18ème. C’est l’alliance de la vitesse de Flash Gordon et du panache de Cyrano. C’est l’insouciance de la jeunesse teintée d’une maturité forcée au contact de la rue. C’est une sincérité qui éclabousse à chaque couplet balancé à la vitesse d’une chute libre. Hayce Lemsi, c’est le rap.