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[Chronique] Flynt, l’éclairage permanent.

Comme les élections présidentielles, Flynt revient cinq après. J’éclaire ma Ville, son dernier projet, avait reçu les éloges de toute la classe auditrice, qui s’était même targuée de n’avoir que rarement vu si bon représentant dans l’assemblée. C’est donc précédé d’une aura d’intouchable et armé d’une équipe de campagne pleine de ferveur qu’il se représente avec un Itinéraire Bis prometteur. La rédaction s’est penchée sur son cas dans l’isoloir.

Dès la première écoute, on sourit. Les oreilles s’emballent : Flynt est effectivement de retour comme s’il s’était absenté une petite heure. On retrouve les éléments propres à Flynt qui en font un grand MC : des thèmes forts et une plume aiguisée et affinée. Mais surtout, ce qui fait la force du parisien et qu’on retrouve sur Itinéraire bis, c’est la sincérité. La nette impression que le type écrit comme il vit, vit comme il écrit, pense ce qu’il rappe et rappe ce qu’il pense. Bref, celui qui affirmait cinq ans plus tôt Avant d’être un homme je suis d’abord un fils / comme avant d’être Flynt je suis d’abord Julien, j’insiste n’a pas changé de discours ni de direction.

Voilà l’impression qu’on a à la première écoute : on sent que cet album va être dans la continuité du précédent. Aussi sincère, aussi authentique, aussi travaillé dans l’écriture. Et ce qui en persuade l’auditeur est sans nulle doute la première piste au titre explicite : J’ai choisi mon camp, dans lequel Flynt explique par ailleurs les raisons qui l’ont poussé à espacer de cinq ans son premier et son second album : Pour l’industrie les mots n’ont ni valeur ni importance / est-ce-que tu saisis pourquoi je suis le moins productif de France ? Puis vient le titre Haut la main, sur l’excellente production de Nodey. Un titre qui donne la pêche, carré, un son scénique qui donne toutefois une direction à l’album avec notamment cette ligne : cette rime est pour toi si t’aimes le rap sans concession / je veux faire du bif sans salir la profession.

Quel que soit le thème, Flynt met donc un point d’honneur à rappeler l’authenticité et la sincérité de sa musique. Il est conscient de l’impact que sa parole peut avoir, sans tomber dans la bien-pensance ni dans la moralisation : on sent simplement que le type parle de ce qu’il vit, sans noircir ni idéaliser le tableau, et qu’il met un point d’honneur à faire les choses proprement. Cette démarche est parfaitement illustrée dans les deux titres suivants : Les clichés ont la peau dure et En froid, sûrement deux des meilleurs de l’album, où il nous livre sa vision de la musique et de l’industrie :  
Ma définition du hip-hop ne mettra pas tout le monde d’accord / ils ont galvaudé le mot « classique » tout comme le mot « hardcore » / Tu ne m’as pas vu accourir pour soutenir Pierre Bellanger / toute cette facette du mouvement j’y suis totalement étranger / j’ai mis tous mes lyrics dans le même panier, ai-je l’air d’une girouette ? / Même si les contours du hip-hop n’ont plus qu’une vague silhouette / […] j’ai des couplets aiguisés car les clichés ont la peau dure / rappeurs et médias sont coupables de quelques belles impostures
».

Car ce qui lui permet cette liberté d’opinion dans ses textes, c’est bien l’autoproduction et l’indépendance. Une démarche artistique de plus en plus rare car de moins en moins rentable, dont les aléas sont expliqués sur le titre La balade des indépendants, avec Nasme et Dino en featuring.

On l’aura donc compris : Flynt s’inscrit sur cet album dans la même démarche que sur le précédent : 1 pour la plume, on assume. Mais ça ne l’empêche pas d’avoir évolué et de nous livrer ici des thèmes plus intimes, bouleversements personnels obligent. La paternité est ainsi évoquée avec pudeur et finesse dans le titre Homeboy en featuring avec Calamity Jeanne. L’amitié aussi, dans le très bon titre Mon pote avec Orelsan qui surprend agréablement et qui parlera à tous. On retrouve aussi Flynt dans des thèmes sur lesquels on ne l’attendait pas forcément, comme la chanson Quand tu seras mort, vraie performance en matière de déclaration de haine, tellement réussie que son cynisme en devient comique. Ou encore l’égotrip Toujours authentique aux sonorités ragga en featuring avec Tiwony. Mais même s’il surprend, Flynt s’inscrit toujours dans la même démarche : rester authentique, peser ses mots, et bien faire tout ce qu’il entreprend de faire. Toujours avec ce style propre à lui : simple et carré, sans tentative d’élucubrations littéraires hasardeuses, riche en analogies qui raviront les amoureux de football et de Paris.

Paris, justement, parlons-en. Flynt en avait fait le thème central de son premier opus, allant jusqu’à y mettre en lumière la capitale dans le titre même. Oui, à Paris on est chauvins, on est heureux quand on a de bons MCs qui viennent de chez nous et on aime quand ils savent le revendiquer sans tomber dans une compétition Nord/Sud stérile et dépassée. Eh bien, Parisiens, Parisiennes, vous serez à nouveau servis sur Itinéraire bis , à commencer par le titre éponyme, un concept tournant autour des bonnes et moins bonnes adresses parisiennes, racontant l’itinéraire de l’homme. Le résultat est original, les lyrics sincères et émouvants, le tout sur une production exceptionnelle signée Fays Winner. Ce titre s’inscrit dans la continuité de J’éclaire ma ville avec, néanmoins, une touche plus personnelle, plus intime, qui en fait un titre plus mature et plus abouti. La pépite de l’album.

En résumé : Itinéraire bis est un bijou. Flynt avait mis la barre très haut avec son précédent album mais réussit à la passer aisément avec ce deuxième opus. Les productions, en majorité signées par Soulchidren, sont excellentes. On sent que l’homme a évolué, et par conséquent sa musique avec, mais l’esprit et la démarche restent les mêmes : on n’est pas déçu une seule seconde. Cet album nous confirme que Flynt est un rappeur doué pour ceux qui en doutaient encore, mais surtout et avant tout, un parolier réellement talentueux que l’on gagnerait à faire connaître à un plus large public, pas forcément initié.

Itinéraire bis nous révèle avant tout un type sincèrement amoureux du hip-hop, qui réchauffe nos cœurs et nos oreilles et nous fait définitivement espérer que son Dernier seize ne soit pas son dernier. Vous aurez donc compris que la rédaction vote pour l’enfant du 18ème haut la main. Après tout, la discographie solo de Flynt ne représente qu’une heure et quarante-cinq minutes et il serait vraiment dommage de ne pas lui offrir un troisième quinquennat en vu d’un troisième album. Messieurs, mesdames, soutenez donc notre candidat, il le mérite. A voté.

Pauline Motyl

 

Pour plus d’exhaustivité, allez jeter un œil à la très bonne interview du site Le Bon Son.

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