Un freestyle remarqué sur Têtes Brulées vol.4 en 2007, une victoire au concours Génération 88.2 lui offrant une première partie pour Oxmo Puccino, et certains amateurs voyaient déjà en Pejmaxx un grand espoir du Rap Français. Après Porte-Parole en 2008, Enfants de la République en 2012 ainsi qu’un Coffret Collector venant y rajouter un CD quatre titres inédits, la rédaction peut vous l’affirmer : vous pouvez classer le rappeur du 94 dans les rangs de votre panthéon musical. Marié intarissablement aux productions des SoulChildren, il entretient la qualité et le sens de sa musique avec une fidélité artistique indéniable.
» Pas dans les normes on m’demande quelle mouche m’a piqué
Le serment d’arrêter le rap si j’arrive plus à m’appliquer «
Pejmaxx est un partisan absolu du travail bien fait. Pas de titres à la va-vite, pas de rime pour rimer. Et si quatre années seront nécessaires entre ses deux albums, c’est pour le bien de nos tympans. Même si certains maîtres lyricistes savent jongler avec qualité et quantité de façon ahurissante, (Cf Lucio Bukowski) il faut reconnaître que la patience et le travail d’un rappeur sont facteurs de qualité. Surtout à une époque où d’autres MCs au fort potentiel tombent dans le piège de la surproductivité, sortant plus de deux projets par an, leur talent partiellement englouti sous les marées de 16 mesures. Et comme beaucoup d’autres indépendants, il dénonce l’influence des majors et s’engage à ne pas tomber dans la tendance : « Hors de question qu’on me mette la laisse, moins fort qu’ils en paraissent / La patience, une vertu à ne pas confondre avec la paresse. » Qualité, mais aussi humilité, intégrité et bon sens; autant de principes chers au rappeur Cristolien. Oui, c’est comme ça qu’on appelle les habitants de Créteil.
« Pas comme ceux qui sèment la crasse et qui font croire que tout est clean
Plutôt dans le camp de ceux qui reconnaissent leurs tords et qui s’inclinent«
Si le rap de Pejmaxx nous donne des frissons, c’est qu’il est tranchant de vérité, et porteur de valeurs humaines. Sans être moraliste, il apporte des messages forts sur autant de sujets que sont la soif d’argent et de reconnaissance, la traîtrise, la jalousie ou encore l’importance de la famille : « Laisse tomber, voici l’époque où les principes sont tout ridés / Les mains blessés d’nos pères et les sourcils froncés n’ont plus d’autorité ». Nous vous invitons à analyser son merveilleux couplet dans Un Loup pour l’Homme, dans lequel PEJ nous livre un triste portrait de l’accablement grandissant des jeunes de banlieue, qui fuient leurs responsabilité, délaissent les études et leurs principes, culpabilisant le système et alimentant eux même la spirale de l’échec dans laquelle ils s’enfoncent, au détriment de leurs proches. A l’inverse, il sait aussi faire l’apologie des gens bien autour de lui, à travers des titres comme Mec en Or, véritable plaidoyer à la solidarité. Impossible de répertorier toutes les fois où l’on reste bouche bée face à la justesse de sa prose tellement ses albums sont emplies de morceaux poignants tels que Plusieurs voies pour un même but, Danse avec des Palmes ou Intérieur Cuir pour citer un morceau par CD. La trilogie des Thérapie nous montre que l’artiste aime aussi s’adonner à des petits « kickage » de micro rafraîchissants.
PEJ est un alchimiste de la métaphore. Un véritable diseur d’images, fils (d’accord, celle-là je l’ai volé à Shurik’n). Jugez plutôt : « Les gros mythos sont les donneurs de leçon / Facile, mon détecteur d’mensonges : un morceau de chair sur un hameçon » dans Calligraphie sur Porcelaine. Autre exemple dans L’ordonnance : « Un bout d’silex dans la main droite, faut qu’à chaque track ça pue la poudre/ L’arrogance d’une matraque sur la finesse d’un fil à coudre« . Le silex fait référence à son stylo, et aux étincelles faites par la feuille au contact de son écriture percutante. La matraque représente la lourdeur de son flow, de ses textes, sur la finesse du message et de la poésie qui en ressort. Des exemples comme ceux-là, on en trouve en pagaille au sein de sa discographie. Encore un qui donne un sacré boulot à nos collègues de Rap Genius.
Parler de Pejmaxx sans parler des Soul Children, c’est un peu comme parler de Starsky sans Hutch, de Boule sans Bill… je m’arrête là. C’est simple, depuis leur rencontre, les enfants de la Soul ont composé la totalité des titres des albums de Pejmaxx. Sa relation particulières avec les deux acolytes ont permis de créer un environnement musicale propre à l’artiste. Les nombreux chœurs utilisés dans les compositions donnent une dimension presque divine à ses propos, comme sur Enfants de la République ou Les jaloux savent qu’on avance. Force est de constater que la majorité des productions sont d’une lourdeur ahurissante. Certains trouveront le style trop récurrent, mais quand on aime, on est vraiment gâté. Les Soul’ ont travaillé avec de grosses pointures en matière d’écriture : Youssoupha, Flynt, Salif, Oxmo Puccino, Akhenaton pour ne citer qu’eux.
Or aujourd’hui, quoi de mieux pour les auditeurs avides de nouveaux artistes que de suivre l’activité d’un beatmaker de qualité? En s’intéressant à Mani Deiz, un novice découvrira Lucio Bukowski, Char, Tragik, Paco, Fadah, Furax, Sentin’l, Jeff le Nerf, Anton Serra… Une sacrée équipe-type du rap francophone. Dans cette logique, la fidèle relation qu’entretiennent Pejmaxx et ses deux compères est loin d’être un hasard. Et pour un album acheté, un deuxième CD contenant les versions instrumentales est inclus. C’est cadeau.
Mise à part son apparition sur le projet Marche Arrière du Gouffre, et quelques freestyles radio, on retrouve rarement le rappeur entouré d’artistes connus du rap indé. Ceux qui apparaissent sur ses albums sont surtout des artistes locaux, ce qui montre encore la volonté de PEJ de garder un univers qui lui est propre sur ses projets. On appréciera ses collaborations avec Chadness, qui apporte une sympathique touche de musicalité reggae, notamment dans l’excellent Vendeur de Paillettes où ce dernier amène un refrain très entraînant sur une prod simplement monstrueuse. Enfin, les amateurs de cinéma seront également ravis de profiter des extraits filmographiques présents sur pas mal de titres, toujours bien placés pour appuyer ses propos.
Concernant l’avenir, notre trio magique a annoncé un 3ème album en préparation, et l’artiste a déjà dévoilé un premier extrait intitulé Respiration. Le changement de flow par rapport à ce dont nous avait habitué PEJ est assez surprenant, mais une chose est sure : le talent d’écriture ne s’est pas tari. On attend donc les prochains extraits avec impatience. En bref, si vous ne connaissez pas Pejmaxx : foncez. Cependant, ne commettez pas l’erreur de vouloir le découvrir en présence de gens qui n’aime pas ou peu le rap. Pejmaxx, c’est l’archétype même du rappeur qui traînera les remarques clichés, avec un style vocal qui sera facilement qualifié de crapuleux. Mais libre à ceux qui savent tendre l’oreille d’en apprécier toute la saveur. « Qu’on m’raconte pas que perdre la face c’est vivre avec son temps »
Maxime POILLON
[…] Ce morceau, c’est le bal des oppositions. Une mélodie légère et enfantine face à un beat lourd, la poésie de Pejmaxx contre sa voix explosive, et un refrain qui résume les contradictions existantes entre ses objectifs et les moyens mis à sa disposition : « Nage avec des ballerines, danse avec des palmes ». Un morceau fantastique lorsqu’on prend la peine d’en décoder les paroles. Pejmaxx reste selon moi l’un des rappeurs les plus sous-estimé de ce game, mais je ne m’attarderais pas plus sur son cas que j’ai déjà évoqué ici. […]