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[Focus sur] Spider ZED, l’anti-héros du rap

Des instrus en forme de comptines pour enfants façon Lil Yachty, des textes à la fois mélancoliques et drôles à la Orelsan, un univers visuel coloré et absurde comme chez Wes Anderson : focus sur Spider ZED, un rappeur qui se désigne lui-même comme “juste bon à taper mon putain de nom dans la barre de recherche”, mais qui pourtant, est bien plus que ça. 

Avant de taper son nom à lui  sur Youtube, une dizaine d’années plus tôt, c’est celui de La Fouine qu’il écrivait, pour regarder les clips ce qui constitue sa première gifle rapologique : l’album Aller-Retoude Fouiny Babe.“Je comprenais rien à ce qu’il disait, mais j’ai trouvé ça formidable (rires). Je jouais au foot au Paris FC quand j’étais petit. On était parti à un tournoi en Bretagne. Et le seul CD qu’il y avait dans la voiture, c’était celui-là. En rentrant, j’ai demandé à ma mère de l’acheter, avec Ouest Side de Booba. A partir de ce moment-là, j’ai commencé à m’intéresser au rap” nous explique-t-il entre deux cafés, dans un entretien réalisé sur Skype, période de confinement oblige. “Ensuite, j’ai continué à écouter le rap street qu’il pouvait y avoir à l’époque : Alibi Montana, Kamelancien… Je kiffais de ouf, mais je ne me reconnaissais pas du tout dedans. J’écoutais ça comme quand je regarde un film de gangsters : c’est passionnant, mais j’ai pas envie de devenir comme ça. Après, j’ai découvert Orelsan. Et là, je me suis dit qu’on pouvait faire du rap, ce que j’adore, mais en racontant des trucs qui me parlent.”

Quelques années plus tard, c’est 1995 qui vient lui mettre une nouvelle claque niveau rap. Et qui, surtout, va lui donner envie d’écrire ses propres rimes. “Quand 1995 est arrivé, je me suis dit qu’on pouvait être de Paris, être blanc et faire du rap. C’est à partir de cette époque que je me suis dit que je pouvais essayer moi aussi. » Sauf qu’au départ, rapper, c’était pour lui juste un divertissement, quelque chose qu’il ne prenait pas au sérieux. “Au tout début, quand j’étais en 4ème, j’écrivais des trucs en mode Alibi Montana, mais pour la blague. Et j’enregistrais dans les toilettes du collège avec un écouteur (rires). Mais alors que mes potes ont arrêté d’écrire, moi j’ai continué.” Dans la foulée, il rencontre plusieurs rappeurs, avec qui ils vont décider de former un groupe : le High Five Crew. “Un jour, sur un chat sur Youtube, j’ai rencontré LecHad, et en discutant, on s’est rendu compte qu’on était dans le même collège. Calvin Davey c’était mon cousin, et il avait rencontré Eden Dillinger sur une plage en vacances. Et Assassam, c’était un pote d’enfance de LecHad.” Une aventure à quatre qui durera le temps de sortir trois EP, entre 2014 et 2017, avant qu’ils mettent la carrière du groupe en suspend, soit pour arrêter le rap, soit pour poursuivre une carrière en solo, à l’image de Eden Dillinger. Malgré tout, aujourd’hui, ils restent en très bons termes. “On se voit toujours, sans forcément parler de musique d’ailleurs. On est devenus de vrais amis”.

En parallèle de l’aventure High Five Crew, Spider ZED commence déjà à faire des morceaux dans son coin, que ce soit pour débuter une carrière solo, ou en featuring, comme on peut l’entendre sur Carré d’As, titre extrait du premier EP d’Aladin 135, sur lequel il rappe aux côtés d’Elyo et de Lesram, alors membres du Panama Bende. Un groupe avec qui le High Five Crew a rappé à maintes reprises. “Quand on avait 17 ans, on faisait des freestyles dans la rue, et le vendredi soir et le samedi soir, on se retrouvait sur les quais de Seine pour rapper tous ensemble. C’était notre passe-temps. Il y avait Lonepsi, Aladin 135, PLK, Les Tonton Flingueurs… C’était une bonne époque.” Puis, à peine quelques mois après la sortie du dernier EP estampillé High Five Crew, il dévoile son premier EP solo, Figurines. On est alors en 2017, Spider ZED vient d’avoir le bac, et il n’a que ça à faire : rapper. “Après le bac, j’ai commencé des cours d’économie que j’ai arrêté au bout de deux mois. Du coup, comme j’avais du temps, j’ai enregistré des morceaux. Et avec ma meuf qui faisait de la photo, je me suis dit qu’on allait les clipper. C’est comme ça qu’est né Figurines.” Suivront les EP Pas si sûr en 2018 et Bien ou quoi sorti en fin d’année dernière, avec à chaque fois un level up en termes de streams et de vues sur ses clips, notamment le dernier projet en date, bien aidé par son freestyle sur la chaîne Youtube du Réglement et par son titre Tous les gens en featuring avec ce fou de Léo Roi qui, avec plus d’un million de vues sur YouTube au moment d’écrire ces lignes, a connu un joli succès. Le tout, en totale indépendance, sur son propre label : Forchetta. Car oui, hormis les clips aujourd’hui, avec Spider ZED, on est sur du home-made : de la création des instrus (sous le nom de Larry Staw) à l’enregistrement de ses voix, il fait tout lui-même, comme un grand garçon âgé de 23 ans aujourd’hui, qui reste malgré tout “toujours gêné d’être lui” comme il le rappe dans le titre Bien ou quoi

Les lyrics, parlons-en. A la fois mélancoliques et drôles, l’influence d’Orelsan est prégnante. Mais ne croyez pas que Spider ZED fait la gueule tout le temps : ses phases de déprimes, elles ne durent qu’un petit laps de temps chez lui. “Quand t’arrives à 22 ans, en général, t’es un peu perdu. Tu te demandes à quoi va ressembler ta vie, quel est ton rôle, etc. Mais c’est le genre de questions que tu te poses, tu déprimes cinq minutes en regardant le plafond, et après, tu continues ta vie. C’est un truc que tu vis pendant trente secondes, mais ces trente secondes, je vais les raconter. C’est un peu cliché de dire ça, mais dans ces moments-là, les phrases viennent toutes seules.” Le reste du temps, Spider ZED est un joyeux luron, comme le montrent ses danses loufoques dans ses clips. “Au début, quand je faisais mes clips avec ma meuf, on n’avait pas vraiment d’idée. Elle posait la caméra, et elle me disait de me démerder. Du coup j’ai fait ça, en me disant que ça ne laisserait pas les gens indifférents. Et ça a marché. Mais aujourd’hui, je pense ne plus trop le faire. J’ai pas envie qu’on me connaisse juste comme le mec qui fait des danses chelou dans ses clips (rires).” Des clips souvent soignés, qui permettent de rentrer un peu plus encore dans son univers à la fois absurde et déprimé, dont il puise son inspiration chez le réalisateur Wes Anderson, la série Hero Corp, ou encore le film Scott Pilgrim

Autre grand sujet d’inspiration chez Spider ZED : les meufs. Que ce soit quand on est en couple et qu’on pense à aller voir ailleurs, ou quand on est séparés et qu’on regrette sa relation passée, là aussi, le ZED arrive à mettre le doigt là où il faut et à viser juste. “C’est très angoissant de se demander si ta meuf actuelle, c’est ta meuf pour le reste de ta vie” nous explique-t-il, alors que dans son dernier EP, on apprenait qu’il se séparait de sa copine. Depuis, se sont-ils remis ensemble ? On le saura sans doute probablement en écoutant son prochain projet, qui pourrait être un nouvel EP, ou un album, il ne sait pas encore. Mais en tout cas, avec l’épidémie de Covid-19 et tous les chamboulements que cela implique, on ne devrait sans doute pas voir ce nouveau projet avant la rentrée, minimum. En attendant, pour s’occuper pendant le confinement, Spider ZED continue de créer ses instrus en forme de comptines pour enfants, façon Lil Yachty. Des instrus “mignonnes” comme il le dit lui-même, qui lui permettent de se démarquer du reste du rap français. Une couleur musicale née presque par accident. “J’étais nul en musique. Donc au départ, quand j’ai voulu créer moi-même mes instrus, j’ai fait des trucs très simplistes. Et finalement, ça donnait quelque chose que je kiffais. Ça donnait une certaine couleur, et c’est devenu mon style par défaut”. En dehors de la création d’instrus, il s’est également donné le défi de trouver au moins un nouveau refrain par jour, élément par lequel il débute chacune des ses chansons désormais. “Je trouve la mélodie, je crée la prod, je fais le refrain, et après j’écris les couplets. Je trouve ça mieux dans ce sens-là, plutôt que d’essayer d’adapter à la prod un texte déjà écrit”. D’ici la rentrée, il aura donc sans doute eu tout le temps de trouver de nouveaux refrains entêtants, et des punchlines qui nous toucheront, ou qui nous feront sourire. Et rien que pour ça, on a déjà hâte d’y être. 

 

Cette année, Spider ZED sera en tournée dans toute la France.

Le lien de la billetterie : http://SpiderZED.com

1 commentaire

  1. BOUYE, je kiffe ses articles !
    de belles rencontres, des interviews sans concessions, des analyses approfondies, une belle connaissance des sujets, on sent le passionné !
    alors, bonne continuation, continue de nous régaler et de nous surprendre…

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