Où en sommes-nous dans le rap français en 2015 ? On pensera de prime abord aux gros noms qui squattent les bancs des radios populaires et qui ne cessent de faire débat auprès des auditeurs, expérimentés ou amateurs. Ah, cher public francophone, permet moi de faire une parenthèse sur toi avant de commencer ma chronique… Ce cher public qui, quelque soit son attachement au rap, a cette violente capacité de penser qu’il est le seul détenteur du bon goût, qu’il est le seul juge de ce que toi, qui n’as rien demandé à personne, as le droit d’écouter ou non sous peine répréhensible de « ne rien y connaître ». Merci, mais non merci, chacun écoutera bien ce qu’il veut et il faudra vous y faire.
Bref, sans rancune et ceci étant dit, il existe en 2015 (qui est particulièrement un grand cru, si l’on en croit ce premier semestre) une contrée lointainte du paysage rapologique français, où l’on trouve quand on veut bien se donner la peine de chercher, des artistes incroyables tout simplement inconnus du grand public. Pourtant, ce n’est pas la qualité qui manque par là-bas.
70 CL. Pour les amateurs de rap U.S, vous avez peut-être déjà entendu ce nom quelque part, tant les feats avec les têtes d’affiche outre-atlantique sont nombreux : Vado, Young Hustle, AraabMuzik, Jae Millz ou encore J-Hood… Grâce à l’Internet 2.0, nos parisiens ont emmené leur musique au-delà des frontières, sur de ravissantes mixtapes ou encore sur l’EP de Vado Frenchmen of the year. Un des derniers projets en date du collectif : les volumes 1 et 2 de 5Panel par le rappeur Atis, où l’on sent évidemment cette influence ricaine, même si tous les MC’s featés sont français (et talentueux, bah oui ça vient de chez nous, c’est Montebourg qui va être content) : S-Pri Noir, A2H, Zekwé Ramos, Beny le Brownies, Perso, ou encore Infinit‘, nouvelle coqueluche du rap français.
70 CL, ce n’est pas qu’un collectif : « À la base on est une bande de potes, certains se connaissent depuis l’enfance, d’autres sont arrivés en cours de route », déclarait Sinto au site RapAndCo. En résumé, certains sont rappeurs (Nsi, Talib, Bas, Atis et Sinto), parmi eux certains réussisent de belles prods (Atis, Nsi et Sinto), et l’on trouve aussi un chanteur, RufD. Le tout crée un rap assez unique en France, une musique qui se singularise principalement par l’énergie qu’elle partage, du bon rap comme il s’en fait parfois rare. C’est doux et dynamique comme une montée sous drogue. D’ailleurs la fumette est un thème plutôt récurrent, notamment dans 5Panel, tout comme le besoin de ramener de l’argent à la famille ou la notion de gangster.
« C’que t’aimes c’est le cash / T’affectionnes le trash / Trempé dans les # quitte à finir sous une bâche / Le matos colombien dans des p’tites cachettes / Tu trouves ton bonheur dans les p’tites gâchettes / Cousin ton cœur est froid et tu parles en espèces / À cheval sur les principes donc tu parles en respect / Te faire entendre raison c’que tes parents essaient. » G
70 CL, comme le volume d’une bouteille d’alcool. Et la même force, la même puissance qui en découle. La même subtilité, la même qualité. Entre les projets et les variations de flow, la dualité entre l’homme un peu gangsta et celui qui doit prendre ses responsabilités, il y a toujours cette cohérence et cette parfaite linéarité qui fait voyager l’auditeur. Longue vie donc à ces « vato », qui offre à notre difficile public de rap français ce qu’il semble éternellement pourchasser : la profondeur de l’inédit.