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[Chronique] IAM – Arts Martiens

IAM n’a plus besoin d’être présenté. A moins d’avoir vécu sur Pluton durant les vingt dernières années, il y a peu de chance d’être passé à côté du groupe phare de la « planète Mars ». Ombre et Lumières, L’Ecole du micro d’argent, Sad Hill, Chroniques de Mars, Comme un aimant, Revoir un printemps… autant d’albums, de bandes-originales et de compilations qui ont fait les beaux jours d’un rap français qui sait être constructif, réfléchi et généreux. Six ans après Saison 5, les quatre pharaons et leur samouraï sont enfin de retour avec ce sixième album studio. A l’heure où le rap, en proie à ses bisbilles, a bien besoin d’une sortie par le haut.

La cité phocéenne semble s’être endormie. En effet, il est loin le temps où Marseille inondait les bacs d’albums d’artistes ou de groupes à succès, pour la plupart issus du Côté Obscur et des studios de La Cosca d’Akhenaton. L’effervescence qui, en son temps, avait fait jaillir la Fonky Family, 3ème Œil, Def Bond ou autre K.Rhyme Le Roi semble s’être éteinte. Et parmi toutes les jeunes pousses de l’époque, Les Psy 4 de la Rime sont visiblement les seuls à avoir su maintenir la flamme intacte. Mais IAM, bien que secoué par le départ brutal d’un de ses membres (Freeman en 2008) n’en démord pas, et est bien décidé à encore et toujours assurer sa propre relève.

Si les stylos et la MPC sont les outils « traditionnels » du rap, on peut dire, dès l’écoute du premier titre, Spartiate Spirit, qu’IAM y semble plus que jamais fidèle. Très critiqué sur les réseaux sociaux, pour son manque d’originalité sonore, ce morceau reste toutefois digne d’intérêt, puisqu’il souligne l’état d’esprit du groupe. Shurik’N, très attaché (on le sait) à la notion de clan et de famille, parle d’IAM comme si le groupe comptait encore six membres. Tout au long de l’album, même si certains textes reflètent une certaine amertume existentielle, il n’est aucunement question d’aigreur, de rancœur ou de quelconques bisbilles. Certes, aucune piste ne laisse place à la rigolade. Mais cette direction, le groupe l’avait définitivement emprunté dès 1997, avec L’Ecole du micro d’argent, dont on retrouve ici quasiment la même intensité.

Akhenaton, dont le flow est ici et là un peu inégal, nous gratifie toutefois d’un florilège de couplets superbement écrits. Et sur La Part Du Démon, c’est surtout son phrasé –ici impeccable– qui impressionne. L’instru de violon à l’ambiance pesante, scratchée par Kheops, permet aussi à Shurik’N de s’introduire de manière –presque– aussi efficace. C’est sur le titre Misère que Shurik’N semble le plus décidé à convaincre de la rigueur de ce flow qui lui
est propre. Soutenu par une très bonne instru orchestrée par le pianiste Sébastien Damiani, le morceau s’inspire habilement du rap de NYC un peu sombre, comme celui de Mobb Deep. Une même ambiance new-yorkaise, grosse caisse et surtout caisse claire bien lourdes à l’appui, que l’on retrouve notamment sur Les Raisons De La Colère.

Au-delà du nom de l’opus, Arts Martiens laisse pour la première fois une place proéminente à l’univers de Shurik’N, par des sons très orientaux. Benkei & Minamoto, sur lequel les deux MC’s repartent dans de nouveaux délires schizophréniques (après s’être fait appelés notamment Sentenza et Jo l’indien dans Sad Hill), est le parfait exemple. Sur le même registre sonore, on note aussi Habitude et même, plus surprenant, Pain Au Chocolat dont le titre à lui seul évoquerait volontiers des inspirations plus chauvines et franchouillardes. Le populisme et autres dérives en ligne de mire, un passé tortueux en guise de repère dans cette carrière qui ne fait que continuer, AKH et l’oncle Shu, par une écriture volontaire et souvent guerrière, nous servent un album à la fois sombre, imagé et poétique, porté par la lueur de deux plumes toujours aussi éclairées. Avec Arts Martiens, IAM rend, à coup sûr, sa meilleure copie depuis L’Ecole du micro d’argent !

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11 commentaires

  1. Franchement il est magnifique cet album!
    Et je rejoins la personne qui a écrit l’article sur le fait que c’est la meilleure copie depuis l’école du micro d’argent!
    En effet, l’atmosphère est là, les textes sont très bons, à la fois différents et pourtant se rejoignent dans l’ambiance générale de l’album.
    Le fait que je laisse un commentaire sur un site comme ça me fait dire que cet album m’a vraiment touché et je crois que je peux dire qu’il m’a fait beaucoup de bien d’entendre quelque chose comme ça!!!
    Je vais prendre un risque mais je pense qu’à sa manière Arts martiens est du niveau de l’école (je sais que vous serez pas d’accord tellement l’école pour sa sortie était une claque, tellement c’était abouti et différent)
    Il vaut la peine d’être écouté tranquillement en voiture ou avec écouteurs mais en solo pour prendre toute la mesure des textes 😉

  2. Le risque est que L’Ecole est considéré comme leur meilleur album. Dire que Arts Martiens est de ce niveau me surprend.
    Tu le situes sur la meme echelle au niveau des textes ou au niveau des instrus ?
    Selon toi l’album est mieux travaillé que Saison 5 au niveau des lyrics ?

  3. Merci pour ton article, cela fait encore grandir l’attente. Si tu a écouté l’album en entier, peux-tu nous dire s’il n’y a pas de bonus cachés qui traîneraient par la, je pense à « Peines profondes » ? Le morceau « Nuit bleue » est-il proposé uniquement en version dématérialisée ?
    Et peux-tu nous en dire plus sur « Dernier coup d’éclat », est-ce un morceau à la « demain c’est loin » ? Est-ce qu’il annonce une fin ? ou au contraire une suite ?
    Il n’y a aucun feats sur l’album ? Saïd ? Faf ? Un membre de la FF ?
    Merci d’avance, site sympathique !

  4. Je ne vois pas bien quel risque j’aurais pu prendre en écrivant cela, puisque selon mon avis subejctif (l’objectivité n’existe pas), que beaucoup partage, Revoir un printemps et Saison 5 ne présentaient que très peu d’intérêt 😉

  5. Sa meilleure copie depuis l’école du micro d’argent ??
    C’est risqué de dire ce genre de choses quand meme , j’aimerais que l’article dise vrai.

  6. Et à part cette petite erreur corrigée (merci pour la vigileance), quelles sont les autres « si nombreuses » approximations ? (l’expert)

  7. Euh… Je ne sais pas qui est « l’expert » qui nous a pondu cet article plein d’approximations, mais « l’école » est sorti en 97, pas en 99…

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