Billets d'humeur

Est-il vraiment raisonnable d’attendre le nouvel album d’Akhenaton ?

Ce n’est décidément pas facile de lâcher le micro. Le rap est pourtant une musique qui s’écrit au présent : lui-seul et l’avenir comptent. Les légendes de la discipline en ont souvent fait les frais, elles qui semblent devoir perpétuellement lutter pour la légitimité. Preuve en est avec le cas Akhenaton, rappeur vétéran aux qualités incontestables qui n’a toutefois pas toujours reçu les faveurs des générations suivantes – on se rappelle, entre autres, le terrible titre de Sheryo et Ekoué (Je reste underground), ou les piques vénéneuses des MCs de la Fonky Family.

Quand Akhenaton a annoncé qu’un nouvel album allait voir le jour, on fut nous-même plutôt surpris. Le marseillais n’avait pas disparu de la scène médiatique et artistique, loin s’en faut, mais ses dernières apparitions avec Faf La Rage ou Iam nous avaient laissé sur notre faim. Quant à son dernier album, Soldat de fortune, il remonte à 2006 et n’a laissé aucun souvenir mémorable. Pour accompagner le succinct message annonçant l’arrivée imminente de Je suis en vie, le rappeur a dévoilé la future pochette du support physique. Elle n’augure rien de bon. L’image photoshopée, que notre œil de néophyte n’a pas voulu décrypter, ressemble à la cover d’un mauvais numéro de Tekken.

Le titre, quant à lui, est presque risible. Je suis en vie. Serait-ce le retour d’un Sentenza amère, ne se gênant plus pour clamer haut et fort qu’il est encore là, lui qui semble inconnu ou presque des auditeurs de Jul, Lacrim ou Alonzo, favoris du (grand) public en 2014. Non, il est malheureusement plus sage de penser qu’Akhenaton tente de nous dire que désormais il vit, après les turpitudes d’un parcours cabossé, malgré les errements de l’époque. « Je n’ai pas su vivre, j’étais occupé à mourir », dit-il dans Mon texte le savon part III, premier extrait de l’album. Malgré ces signes peu encourageants, il est normal que le retour d’Akhenaton en solo fasse plaisir à tout auditeur de pera connaissant ses classiques. Normal également de ressentir une légère excitation à l’idée d’entendre l’accent chantant d’Akh sur de nouvelles tracks. Pourtant, le marseillais n’a pas sorti de bon album depuis Sol Invictus (depuis Métèque et Mat?). Et si on y avait presque cru sur quelques rares morceaux d’Arts Martiens la Part du démon ou l’inévitable Notre Dame veille, malgré un flow un peu à la traîne – on n’a pas pu s’empêcher de trouver qu’il sonnait comme un rockeur quarantenaire à la Noir Désir. Triste constat pour un homme qui se joua du rock français avec maestria.

Une impression confirmée par sa présence plus ou moins régulière sur les plateaux télé, lors de débats abscons entre experts conventionnels et conventionnés par la petite lucarne. On préférait de loin le jeune Chill’ à moustache, parfois un peu benêt, au père de famille au crâne chauve qu’il est devenu. Pas sot, certes, mais un peu chiant. Comme l’éternel tonton qui glisse, lors des repas de famille qui s’éternisent, des commentaires banalement intelligents mais vraiment moralisateurs. Comme quoi, le rap reste une histoire de jeunes. En France, personne ne nous a prouvé le contraire, ni les dissertations des bons élèves de l’Animalerie, ni les aboiements trap music de Booba, éternel adolescent de 37 ans.

Mis en ligne sur la toile par le pharaon il y a quelques jours, Mon texte le Savon part III n’inversera pas la tendance. L’écriture est de qualité, concédons-le, mais que dire du flow soporifique ou de l’instrumental digne de la b.o d’un bon film de Jean-Claude Van Damme. Un premier extrait qui manque en fait cruellement d’énergie. C’est bête amigo, car le Hip-Hop n’est rien d’autre. Énergie, insolence et violence juvéniles. Des attributs très éloignés de cette vaine perfection que semble viser Akhenaton et qui dessert fatalement les propos d’un artiste passé en une décennie du compromis à la compromission.

Akhenaton peut-il donc créer l’album de vétéran susceptible de repousser les limites d’un rap français incapable de se sublimer quand il s’allie à la maturité ? Le gamin qui sommeille parfois encore en nous espère qu’il sera celui qui réussira l’exploit. Cela n’est pas très sérieux monsieur. Quoiqu’Akhenaton reste l’auteur de Métèque et Mat, œuvre si puissante que la moindre palabre à son sujet serait déjà réductrice mais qui, hélas, est trop isolée dans sa discographie solo pour que l’on attende quelque chose de ce nouvel album. C’est mort, fils. On n’en sera que plus agréablement surpris si Je suis en vie s’avérait réussi.

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À proposYugo Veronese

Yugo Veronese pour les réseaux sociaux. Aime le rap, rarement les rappeurs.

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