A titre personnel, Don’t Laïk n’est pas vraiment le titre que je retiendrais de Médine ! Peut-être pour des raisons artistiques, peut-être par désaccords, peut-être aussi parce « j’me fous autant de la politique que de vos débats religieux », dirait un autre rappeur « animal ». Mais, pour continuer sur la même lancée, les plus lucides à la lecture de ces mots pourront tout aussi bien citer l’Ami Bukowski : « ton avis je m’en branle un peu… »
L’écrivain, journaliste et historien Benoît Rayski, lui, ne semble pas avoir le même ressenti ! Et son avis, il compte bien le partager avec le plus grand nombre...
« Si après avoir vu et écouté Médine et ses boys, vous avez besoin d’un peu d’air frais, faites comme moi et mettez du Brassens. Par exemple, « Gare au gorille ». Pourquoi celle-là plutôt qu’une autre ? Ça, c’est vous qui voyez… p.s : Pour rassurer le CRAN, je tiens à préciser que nous descendons TOUS des singes. Mon allusion simiesque ne portait que sur le QI des rappeurs ».
Les punchlines ci-dessus viennent ainsi conclure son article La haine sans voile : et maintenant voici le rap « islamo-racaille, publié le 28 janvier 2015, sur le site Atlantico. Le rappeur devenant le digne représentant du chimpanzé, voilà certainement une belle consécration pour une « culture d’analphabète » rejetée par les « Grands penseurs » de ce monde depuis la naissance ! A partir de ce constat, prendre sa défense devient une quête perdue d’avance et totalement insignifiante. Et après tout, pourquoi s’offusquer devant quelques lignes humoristiques, teintées de second degré, même si l’auteur flirte ici, indéniablement, avec une tentation raciste facile ?
« Les singes pêchent la lune dans l’étang, mais ne prennent rien » (proverbe chinois)
« Ecoutez Médine. Jusqu’au bout si vous pouvez. Et n’hésitez pas à faire pause pour aller vomir. Vous y verrez Marianne, incarnation d’une République qui ne sera parfaite que lorsqu’elle deviendra islamique… », avertit Benoît Rayski. Un avis nécessaire, important à communiquer. Comme Caroline, Eric, Alain ou Bernard-Henri, Benoît pêche à la ligne pour attraper cette vérité universelle qui échappe à tout le monde depuis des millénaires ! Au bord de leur étang d’art, le rap prend alors des allures lunaires et devient une prise de choix lorsqu’il dévoile un regard odieux devant ces visages de la bonne conscience persuadés de bien penser. Et lorsque les reflets de la Lune occupent de plus en plus de place au beau milieu de la mare, les voix s’élèvent, les passions se déchainent et se jettent à l’eau pour imposer leur morale. Toujours dans la mesure et la profondeur littéraire bien entendu. Dans le texte, ça donne ceci :
« Vous entendrez que le groupe animé par M. Médine se définit comme « islamo-racaille ». Et vous apprendrez, si vous ne le savez déjà, que la laïcité est une machine diabolique qui complote contre l’Islam. Attardez-vous aussi sur les visages (et la gestuelle) de ceux qui chantent. Ils respirent la haine à l’état le plus sauvage. La haine de ce que nous sommes. Ils sont hideux. Et la laideur poussée à ce degré-là doit être considérée comme un délit. »
Nul doute ici que Benoît Rayski, usant de sa fonction de journaliste, a déjà pris le temps de rencontrer le « groupe » en question.
Nul doute que la vérité selon « Saint Benoît » est une parole indispensable pour résister fondamentalement à la propagande du diablotin sauvageon Médine et que les auditeurs seront incapables de se forger leur avis personnel, sans les prophéties d’un philosophe cachant secrètement les clés de la « Vérité » dans son coffre-fort.
Nul doute que l’affiliation du rappeur et du bonobo apaisera les esprits dans un futur proche, au milieu d’un décor bien en place pour une suite que l’on connaît déjà…
A l’instar de Benoît Rayski, du philosophe anonyme au virus médiatique, s’attaquer au rap est devenue une quête saisonnière, pourtant tout aussi perdue d’avance et totalement insignifiante ! Manier la critique autour d’un sujet effleuré en surface pour le mépriser est devenu pour eux routinier, nourrissant la haine de ceux qui les méprisent déjà, et embellissant aux yeux des autres, l’image d’un rap qui n’en a que faire d’être défendu ou crucifié par la chronique de chambre.
Insomniaque qu’elle est pendant que nous méditons sur la façon dont nous le critiquerons demain, cette culture d’homo sapiens poursuivra son chemin pendant que les plus vicieux resteront autour de l’étang, à l’affût de ses moindres mouvements pour pouvoir la récupérer.
Non, sérieusement messieurs les philosophes, si on partait se coucher, il se fait tard à présent…
Arrêtons de vouloir attraper la lune et regardons plutôt les étoiles briller, la plupart d’entre elles demeurent bien plus belles que nos plumes recherchant la lumière à tout prix…
« Définitivement. Le rap français n’est pas défendable et ne doit pas l’être. Une œuvre parle par elle-même. Des autres et d’elle-même. Si, parce que ses codes n’appartiennent pas à l’idée que la classe dominante se fait du beau, le rap ne reçoit pas de louanges officielles, tant mieux. Il aura réussi à s’extirper du consensus ambiant relégué en permanence par la pensée unique. Il n’en sera que plus fort. Que plus art. Et méritera pleinement d’être ce qu’il peut être. Une musique à part. Une musique clandestine. Une musique pour… anonymes » (Yugo Veronese, Le rap français est-il vraiment défendable ?).
Merci pour ta contribution Costa ! Oui l’article ne cherche pas à stigmatiser le domaine philosophique (j’espère qu’il ne sera pas perçu de cette façon), en tout cas « la vraie » comme tu le dis bien. La phrase de fin se veut un tantinet ironique, mais chacun l’interprète comme il veut, tout comme le reste de l’article d’ailleurs…
« Non, sérieusement messieurs les philosophes, si on partait se coucher, il se fait tard à présent… »
Le problème, ce n’est pas la philosophie, c’est la connerie de ces pseudo-intellectuels qui dissertent sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas sans questionner leurs propres préjugés. En fait, le problème est la figure politco-médiatique de l’intellectuel qui se prétend être au-dessus des autres car il aurait tout compris mieux que les autres, et qui a oublié l’humilité nécessaire quand il s’agit de penser. Le problème, c’est le prêt-à-penser, la connerie de ces pseudo-intellectuels, et rien ne s’oppose plus à cela que la philosophie ! Ne la stigmatisons pas, les vrais philosophes ne sont pas dans les médias et restent underground hahaha
Bel article !