Interviews Rappeurs

[Interview] Alpha Wann – « Ma carrière solo est en parallèle de 1995. Je slalome. »

Tu as fait beaucoup de feat, est-ce que tu en regrettes ? Quel est ton préféré ?
Oui j’en regrette. Parce que tu fais un clip mais tu n’as plus le contrôle. Je n’en fais plus parce que parfois tu te retrouves dans des clips bourbiers. J’estime en avoir trop fait. Je vais en faire mais avec des gens très réduits. Les gens avec qui je suis affilié où je sais qu’il n’y aura pas de galère. Mon préféré, c’est Gagne-Pain avec Areno Jaz et Disiz, personne n’en parle jamais, c’est comme s’il n’était jamais sorti, mais celui-là je le trouve vraiment chaud. C’est le genre de morceaux que j’écouterais.

 Tu es critique envers ce que tu fais ?
Oui, mais pas seulement envers ce que je fais, envers tout.

Et donc comment tu le critiquerais Alph Lauren ?
Pas assez de rap sans thème même si les gens pensent le contraire. J’avais tellement peur de ne faire que des freestyle, que j’ai fait beaucoup de chansons et pas assez de rap comme j’aime, bête par exemple. Mais en même temps comme je suis pris dans une réflexion plus sérieuse, je suis pris entre les deux feux. Pas assez de rap pour le rap.

 Quel est ton couplet préféré ?
Le deuxième couplet de Steaven Segal, parce que c’est du rap pour du rap. Les mots pour les mots.

Quel est ton rapport aux mots, à l’écriture ?
J’ai toujours aimé les mots. J’ai toujours voulu maitriser la langue, sans forcément la parler d’une façon élégante. J’ai toujours été bon en français. Je viens de reprendre la lecture. J’avais arrêté. Je lisais beaucoup au lycée, un livre par semaine, j’avais un bon rythme. Je venais d’arrêter de regarder la télé et je ne fumais pas. Forcément, j’étais un jeune à l’affut.

Tu lis quoi ?
En ce moment, je lis un conte japonais qui s’appelle La pierre et le Sabre. C’est un conte classique. Je pioche un peu dans tout, mais pas n’importe quoi. Je ne suis pas trop fanatique des pavés de la littérature française. Il y a trop de description. Quand j’étais petit, je lisais Harry Potter.

 Tu te verrais, un jour, avec des thèmes plus engagés ?
C’est du spontané. Je n’ai pas envie de calculer ma musique, de me dire « Je vais faire un truc comme ça ». Comme j’ai dit, j’écris tous les jours. Je n’écris pas toute la journée sur « je fume des joints et je rappe mieux que tous les autres ». Et puis, en vrai, c’est les premiers morceaux que je fais en solo. Ce sont mes premières expériences. J’essaie de donner un panel large. Mais en même temps, aujourd’hui je n’écoute pas de rap engagé. Ce n’est pas qu’il n’y en a plus,mais ce qu’on me propose ne m’intéresse pas. Comment je dois me positionner par rapport à ça ? Est-ce que pour le côté moralisateur, je dois faire du rap engagé ou est-ce que c’est de la musique, je fais ça à l’instinct, c’est de l’art ? Je pense qu’à un moment, quand tu es rappeur, tu dois, peut-être pas avoir un discours engagé, mais avoir des positions. Mais, de là à avoir un discours… Je ne regarde pas de reportage sur la politique, je ne regarde jamais les infos. J’écoute juste RFI, je ne vais pas commencer à lire des livres pour rapper des trucs alors que quand je cherche un truc, je vais le lire. Il y a très peu de rappeurs qui ont parlé d’un truc que je ne connaissais pas du tout. Je n’ai pas appris des choses grâce à la musique et je n’ai peut-être pas envie d’enseigner ça. Je ne me sens ni moralisateur, ni grand-frère, ni quoi que ce soit. Et, je ne suis pas tous les jours fier de moi donc je ne vais pas jouer le fanfaron.

Peut-être qu’il y aura des causes ou des thèmes qui te tiendront à cœur ?
Il y en a plein. Je risque de les aborder mais au feeling. Je ne veux pas me sentir obligé. C’est la musique qui me guide. J’écris de tout. Même moi je ne sais pas.

 Tu te vois comment plus tard ? Continuer la musique ?
Je vais bientôt avoir 25 ans, donc je me donne bien encore 6-7 ans maximum. Ensuite, je me vois bien faire d’autres choses. Quand tu fais du rap à haut niveau, on va dire, tu sacrifies beaucoup. Je ne sais pas dans quoi je me reconvertirai. Mais si je pouvais être très très riche et faire un truc qui n’a rien à voir avec la musique, ce serait parfait. Mais surtout, c’est ça que j’aime et je n’arrive pas à faire quelque chose que je n’aime pas. Donc, je serai obligé de me rattacher à un truc de musique je pense. Je n’ai pas envie d’avoir encore la tête dedans, les projets, est-ce que mes disques sont dans les bacs ? Si je fais ça aujourd’hui, je n’ai pas envie de le faire encore à 32-33 ans. J’aimerais bien vivre une autre vie.

Tu as des modèles de réussite ?
Je dirais mon père. Mais sinon Jay-Z, parce que c’est un rappeur multimilliardaire. C’est la réussite incarnée. Jay-Z, il voulait faire de la musique, il l’a fait. Il voulait être riche, il l’a été. Il voulait être encore plus riche etc. Il a réalisé ses rêves. Mon rêve ce n’est pas d’être riche. Je parle beaucoup d’argent parce que ça va avec ce que je fais. Si je veux recréer un disque deux fois mieux, il faut que j’aie un minimum de rente pour réinvestir, pour faire un bête de clip, pour payer tout le monde, une pochette qui défonce. Et je ne vais pas rapper pendant dix ans et commencer une autre vie alors que je n’aurais rien gagné. J’aurais enjaillé les gens mais moi j’aurais tout perdu. Plus eu de relations sociales pendant dix ans, la tête dans la musique, plus de la relation avec la famille etc. Il faut de l’argent pour recréer derrière.

Tu as fait beaucoup de sacrifice pour le rap ?
Au final, non. Ma vie a énormément changé. Mais oui, ma famille, les relations sentimentales… Quand tu fais de la musique tout le temps, c’est difficile de concilier tout ça.

Selon toi, quels sont les espoirs du rap américain ?
Drake n’est plus un espoir, c’est confirmé. La plupart font des bonnes mixtapes, mais ils font tous des albums pourris. Young Thug et Young Scooter peut-être.

Un petit portrait chinois. Si tu étais :
Une marque ? Ralph Lauren
Un plat ? Le Yassa Poulet
Un animal ? Un hibou. Parce qu’il est très solitaire. Les loups sont solitaires aussi mais c’est relou d’être un loup. Ce n’est pas une vie. Le hibou, il sait quand il va manger. Le loup, il ne mange pas pendant trois jours et après il dévore une famille entière. Et puis ton frère loup peut te manger. Le hibou est tranquille avec sa chouette et personne ne vient lui casser les couilles.
Une femme célèbre ? Oprah Winfrey. Elle est très riche. Elle peut faire tout ce qu’elle veut, elle est libre.
Un péché capital ? L’orgueil peut-être. Ou la paresse. J’aurais aimé être plus travailleur. Quand il s’agit de travail, psychologiquement je deviens faible dès qu’il y a une contrainte. Le son ce n’est pas pareil. J’écris tous les jours, mais je vais avoir la flemme d’enregistrer, de prendre le métro. Ecrire ce n’est pas du travail.

3 commentaires

  1. Dans la première réponse de la page 2, Alpha n’a-t-il pas voulu parler du titre « Je brille » ? C’est bizarre qu’il sorte « où je brille » tout à coup, je pense pas qu’il ce serait permis ^^

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