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[Interview] Darryl Zeuja & Hologram Lo : « On avait vraiment des ambitions communes. »

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Tu penses que ce travail de fond va être remarqué ?

Darryl : Je l’espère ! Après je ne le fais pas pour qu’il le soit mais j’ose espérer qu’il y a des gens qui ont autant d’amour que moi pour le rap. Qu’ils se rendent compte que je n’arrive pas avec Darryl Zeuja volume 2 mais avec un projet complètement nouveau.

Tu n’as pas peur de perdre tes premiers fans ?

Darryl : Je n’ai rien à perdre, rien à prouver. S’ils veulent l’ancien Areno, allez à la Fnac parce qu’il leur reste plein de Darryl Zeuja.

Lo : C’est la limite entre l’artiste et son public.

Darryl : Exactement, un artiste ne doit pas se poser ce genre de questions.

Et avec l’image 1995, vous ne vous sentez pas prisonnier du public ?

Darryl : Regarde, est-ce que j’ai l’air prisonnier ? Si je veux, je me lève, j’écris un morceau de trap dans lequel je dis « nique ta mère la pute. » Je le sors tout de suite, ils vont faire quoi les gens ? Au pire, ils disent qu’ils n’aiment pas. Et après ?

C’est vrai mais on a connu des gens très attachés à leur image.

Darryl : Tant pis pour eux ! Peut-être qu’ils ne sont pas assez dans le rap et plus dans l’image. Ils devraient faire de la vidéo ou de la photo. Nous, on est dans le rap. On kiffe la musique et tout ce qu’on a envie de faire en termes de musique, on le fait. Voilà. Et si les gens ne sont pas prêts maintenant, ils ne seront jamais prêts.

 Ce projet est très solo. Il n’y a que des prods de Lo et un seul featuring avec Oner, tu l’expliques comment ?

Darryl : On était tous les deux dans le processus, on avait des choses à dire.

Lo : On voulait juste développer la complicité.

Darryl : On voulait faire quelque chose de censé, qui raconte quelque chose. C’était difficile d’aller voir plusieurs gus différents. Oner était là, il me voyait travailler. Ça restait cohérent. Moi, je me suis vraiment pris la tête à avoir un champ lexical particulier dans tout le disque. Parfois, tu peux avoir l’impression qu’il y a des répétitions mais ce n’est jamais dit pareil.

C’est un souci de cohérence.

Darryl : Voilà, c’était difficile d’aller voir un gars et de le faire s’accorder au projet. Ce n’est pas du violon. Je tiens à dire aussi qu’il y a une apparition de Mister Victor aux scratchs, gros big up à lui.

On sent entre les morceaux et les clips une grosse proximité avec les beatmakers, tu l’expliques comment ? C’est rare que le rappeur mette le producteur en avant.

Darryl : Comme je te l’ai dit, j’aime beaucoup la musique et je trouve génial de pouvoir en faire. Il faut donc mettre en avant ces gens-là. Ils ne le sont pas assez en France et c’est le devoir des rappeurs. Mais c’est aussi celui des beatmakers de prendre leurs couilles et de se mettre en avant. Comme l’a dit Lo dans une précédente interview, « les beatmakers se débrouilleraient très bien sans les rappeurs mais les rappeurs auraient beaucoup de mal sans les beatmakers. » Et puis, je sais ce que c’est que faire de la musique puisque j’en fais moi-même entre deux cours de golf le samedi.

Lo : Quand tu n’es pas en train de skier à Aspen.

Darryl : C’est vrai mais c’est 11 mois sur 12 ça. Mais oui, je mets en avant mes gars.

Je vais retourner la question. Lo, tu as une grosse proximité avec les rappeurs. Je pense à Lomepal, Georgio, Caballero. Comment ça se passe ? Est-ce que tu mets des coups de pression pour avoir la même place que les rappeurs ? (rires)

Lo : Si je faisais un projet avec un rappeur mais que je n’avais que trois prods dessus, c’est son projet. Dans les cas que tu cites, je produis l’intégralité et je suis aussi complice de l’assemblage des morceaux. C’est donc normal.

Darryl : Ça parait étrange parce que c’est inhabituel en France. Comme il dit, j’ai écrit huit morceaux et il a fait huit morceaux de musique.

Lo : Si j’ai un message pour les beatmakers, c’est faites des projets solos. Faites des clips. Allez en radio tout seul, vous n’avez pas besoin d’un rappeur.

Darryl : Mais c’est sûr que ça se fait moins qu’aux USA.

Puisque tu parles des États-Unis, Innercity c’est un groupe de Detroit. Tu portes souvent un pull de cette ville dans tes clips. Tu y as un rapport particulier ?

Darryl : J’adore cette ville. Tu vois, quand j’étais plus jeune et que j’habitais les mobile-homes, je faisais beaucoup d’open-mics avec mon gars Future.

T’étais le seul blanc, c’est ça ?

Darryl : Ouais, voilà. Détroit, c’est là où j’ai appris à rapper pendant que je taffais à l’usine. C’était avant que je me décolore les cheveux. Plus sérieusement, comme tu le soulignes c’est le berceau d’un très grand nom de la techno/house et donc big up. Ça fait quelques années avec Lo qu’on écoute beaucoup d’électro alors on a voulu apporter quelques touches, une première saveur électronique.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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