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[Interview] Caballero x JeanJass : « Si ça ne paye pas, on fera autre chose ».

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Vous allez rendre beaucoup de gens tristes si vous arrêtez le rap.

Caballero : Tu peux être triste et pleurer, ça ne change rien. Si tu achètes nos CD, ça changera quelque chose.

Jean Jass : On aime toujours faire ça. Mais ce qui pose vraiment problème, c’est qu’on aimerait plus de retours. Et pas juste que t’as kiffé cette instru, ce texte ou cette rime. Il faut que ça aille plus loin.

Pour gagner de l’argent, il reste les concerts.

Caballero : Ouais, c’est sûr. Mais il faut que ce soit plus régulier. Et il y aussi un autre problème. C’est qu’il y a beaucoup de gens qui pensent que le hip-hop, ce n’est que le partage, la gratuité. On est d’accord, le hip-hop c’est très beau. Mais si tu me proposes 100 euros, je ne vais pas venir à ton concert. Même si c’est pour l’amour du hip-hop. C’est fini cette histoire. Il faut arrêter de se foutre de la gueule des gens. Je ne peux pas être bénévole toute ma vie.

Jean Jass : Moi je fais des scènes depuis 10 ans. Il s’est passé 5-6 ans avant que je sois payé pour faire un concert.

Peut-être que ce n’était pas essentiel au début mais maintenant vous avez envie de gagner de l’argent grâce au rap.

Caballero : Ce n’est pas qu’on n’a pas envie, c’est qu’on doit en gagner. Si tu dois payer un loyer, c’est essentiel. Il n’y a pas mille solutions. Il faut éduquer le public. Les gens, ils rêvent quand ils nous voient sur les réseaux sociaux.

Dans Pont de la Reine, il y a donc une évolution dans les thèmes dont on vient de parler, mais aussi dans ton écriture. J’ai l’impression qu’avant, comme sur ta mixtape Laisse-Nous Faire, tu cherchais plus à faire des punchlines, à trouver le jeu de mot ultime, alors que maintenant tu te fais plus plaisir en essayant de trouver des flows et des placements de rime inattendus.

Caballero : En fait, ça dépend de l’état d’esprit dans lequel tu es. Quand tu fais une mixtape, tu fais plus de la démonstration, plus de freestyles. Alors que sur Pont de la Reine, j’ai voulu faire un truc plus construit. Tu te concentres donc sur une autre chose.

C’est quelque chose que t’as réfléchi en amont ou c’est spontané ?

Caballero : C’est à la fois réfléchit et spontané. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse un truc plus travaillé. Du coup, c’est automatique. Tu ne te mets pas à chercher un jeu de mot toutes les deux secondes. C’est autre chose, une autre ambiance.

C’est vers ça que ton rap va évoluer ?

Caballero : Comme je te disais, ça dépend vraiment de l’ambiance et de ce que je dois faire. Mais tout évolue. Et rien n’est calculé dans une évolution. Pour ce qui est des placements de rime, ça peut dépendre de l’état d’esprit du moment, de l’instru, de ce que t’écoutes…

Dans une interview pour Le Rap en France, Lomepal disait qu’il écrivait moins de textes freestyles, et que ce qu’il écrit maintenant, il pouvait beaucoup moins les rapper sur d’autres instrumentales que celles prévues à la base.

Caballero : C’est ça. Ça dépend vraiment du son. Si tu veux vraiment faire un son thématique avec une idée bien précise derrière, c’est sûr que ce n’est pas pareil.

Le texte du titre Mérité, tu ne pourrais pas le faire sur une autre instru par exemple.

Caballero : Ça va encore.

Jean Jass : Il pourrait le rapper sur du Kendrick Lamar par exemple.

Caballero : Mais c’est vrai que c’est moins du freestyle pur et dur. Après un texte comme Le Plus Fin, je peux le rapper sur une autre instru.

Jean Jass : On en a d’ailleurs fait un remix.

Caballero : Avec ce remix, on a voulu prouver qu’un texte tu pouvais le faire vivre dans différentes ambiances.

Jean Jass a signé la moitié des instrumentales présentes sur l’EP. Comment est-ce que vous avez travaillé ? Est-ce que tu attendais d’avoir les instrumentales pour écrire tes textes dessus ou t’avais déjà des trucs d’écrit ?

Caballero : Ça dépend des sons. Il y a des fois où j’avais un début de couplet, d’autres où je n’avais rien du tout. Ça dépend. Rien n’est millimétré. Mais j’avais des trucs en tête et j’ai demandé à Jass et au Seize un tas d’instrus avant de trouver celles qui me convenaient.

Jean Jass : On en a écouté peut-être des centaines. Après il y en a certaines qui étaient logiques, comme celle de « le plus fin ». Quand je fais une instru, j’me dis que je vais la kicker moi ou avec mon groupe. Mais avec l’expérience, on sait s’il y a des instrus qui vont mieux à certaines personnes, comme Le Plus Fin. Après s’il ne l’avait pas kické, on l’aurait fait parce qu’on aime bien ce genre de truc. Mais c’était le genre d’instru qui colle à ce qu’il fait. Après il y en a d’autres. Ne m’en voulez pas, dès la première écoute, c’était validé. Relax, il avait enregistré dessus avant que je la finisse. Il y a plein de choses à faire après qu’il ait enregistré. Et c’est la partie chaude du travail qu’on aime bien avec Seize en tant qu’arrangeur.

C’est vraiment un travail d’équipe.

Caballero : Après il y a des trucs sur lesquels je leur fais confiance. Je n’ai absolument pas une oreille d’ingénieur-son. Mais sur d’autres trucs, il fallait que je sois là.

Sinon, toi aussi Jean Jass tu as sorti un EP, Goldman. Sur celui de Caballero, le fil rouge, c’est l’argent. C’est quoi le thème principal du tien ?

Jean Jass : Moi je n’aime pas trop les thèmes. Ça arrive très souvent que le thème arrive au bout de plusieurs mesures. Donc il n’y a pas vraiment de thème, ni aucun rapport avec Jean-Jacques Goldman.

Caballero : À part que la musique est bonne. (Rires)

Jean Jass : Moi je me suis juste présenté. J’ai fait ce que je savais faire, j’ai testé d’autres trucs. En gros, c’est une première carte de visite. Ce n’est pas quelque chose de vraiment conceptuel.

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