3 ans après avoir sorti son EP Fin d’après minuit, le rappeur membre du collectif L’Entourage sort son premier album. Un Grand Cru où Deen dévoile l’étendue de ses talents, entre featurings explosifs, kickage intensif et sonorités plus posées. Nous sommes allés le rencontrer dans son propre studio pour en discuter.
Salut Deen et merci. On va parler de ton premier album, « Grand Cru », qui sort le 17 Mars. Premièrement, pourquoi un délai de 3 ans entre ton EP « Fin d’après minuit » et ton album ?
Un « Grand Cru » se mature (rires) ! Très honnêtement parce que je n’étais pas particulièrement prêt à sortir un album. On – L’Entourage – s’est fait connaître sans avoir véritablement calculé quoi que ce soit, et je me suis fait connaître plus ou moins par hasard, même si je ne crois pas trop au hasard.
En vérité cela fait 2 ans que j’ai de quoi faire un album, mais je n’étais pas content de l’ensemble. J’aurais pu sortir un truc, mais ça aurait été vraiment bâclé tu vois ? Là, je suis fier à 100% de mon album, et c’est le plus important. Je suis déjà tombé sur des artistes qui me disaient « je ne fais pas de la musique que j’écoute, j’essaye de faire ça pour que ça marche »… Sauf que le jour où ton album sort, s’il marche c’est tant mieux, mais si ça ne marche pas cela veut dire qu’il ne plait pas auditeurs ni à toi, finalement tu l’as fait pour qui ? Tu vois ce que je veux dire ? Tant qu’à faire, je préfère prendre le risque de ne pas marcher avec un album qui me plait, plutôt que d’espérer marcher avec quelque chose qui ne me plait pas.
Tu as quand même une certaine sécurité puisque tu as L’Entourage derrière toi, c’est une sorte de gage de qualité.
Oui, pour ceux qui aiment L’Entourage ! Il y en a d’autres qui ne vont pas du tout aimer et se dire « oh non, encore un ? ». Disons que si je n’ai pas réussi à en convaincre certains avec du rap pur et dur, peut-être que je vais réussir à les convaincre avec cet album. Il y a du rap pur et dur dedans, mais j’ai essayé de faire des morceaux qui se prêtent plus à « vivre avec » : à être écoutés en soirées, entre potes, en voiture… Le Rap a évolué, et je suis de près le courant général en essayant de trouver ma place et ma légitimité. Je n’aurai pas de légitimité, et il n’y aurait aucun intérêt pour le public de me suivre, si je faisais pareil que les autres. Mine de rien, cela peut prendre du temps ! Alors oui, cela a prit le temps que ça devait prendre et je suis le premier à me dire que c’est assez long, mais j’ai eu le temps de monter mon label Maison Grand Cru.
Et tu ne t’es pas aussi un peu « reposé » en te disant que les gens te connaissaient déjà et qu’ils seraient là quoiqu’il arrive ?
Je ne l’ai pas gambergé comme ça, mais il y a une part de vérité. Après attention, il faut se dire que c’est à la fois une bénédiction et une malédiction d’être déjà visible, et de savoir que t’es attendu au tournant. Cela te motive puisque tu sais que ton truc ne va pas passer inaperçu, par contre cela te met une pression lorsque tu n’es pas prêt puisque les gens t’en veulent. Mais encore une fois je préfère me ramasser avec un disque dont je suis fier que de me presser à faire un truc vite pour marcher, pour au final me casser la gueule avec un disque que je n’aime pas.
Ton album est assez contradictoire, par exemple tu expliques vouloir réussir dans la vie mais mener une vie simple, faire de l’alpinisme, de la pêche, etc.…
Il y en a certains qui, quand ils percent, rêvent d’être invités à toutes les soirées mondaines, d’être dans cette vie de paraître. Moi très honnêtement, autant j’aime me mettre en image dans les clips et faire des concerts – se mettre en spectacle quoi – mais pour autant je ne suis jamais aussi heureux que lorsque je suis avec mes amis ou ma famille, quand je traîne dans mon quartier à Auber, ou dans le Sud… Les choses simples tu vois ? En gros j’ai envie de réussir, mais de garder les pieds sur terre et mener une vie simple. Bon après je te dis ça, mais ma mère se foutrait de ma gueule (rires), elle dirait que ce n’est pas vrai, que j’aime le luxe, les sapes, voyager… C’est très contradictoire avec ce que je viens de te dire mais je suis quelqu’un de très contradictoire, t’as mis le doigt sur quelque chose d’important (rires) ! Je ne m’en rends pas compte dans la musique, mais je le suis dans la vie donc c’est tout à fait possible que cela se ressente. Je ne fais pas de calcul ni de me mettre en scène, je suis tel que je suis dans la vie, et je pense que nous sommes tous un peu contradictoires.
Les thèmes aussi varient énormément. Tu parles par exemple des femmes et des déceptions amoureuses dans le morceau «Tu rêves » (en featuring avec Nekfeu)…
Ce n’est pas vraiment une déception amoureuse à proprement dit, car je décris une meuf dont je suis sous le charme, mais que je ne connais pas.
Tu parles de ton propre entourage, de ta famille, et tu parles aussi pas mal de gosses ! Par exemple sur le morceau « Gosses de Riches » (en featuring avec Jehkyll et Eff Gee).
C’est vrai, je vais avoir 30 ans mine de rien. Il est de 1987 le monsieur (rires), à un moment donné ça commence à te tarauder (rires) ! Je n’y suis pas encore mais c’est un truc auquel je pense. Et c’est surtout car j’ai l’impression d’être un grand enfant, ou un grand ado. Peut être que je me trompe, mais j’ai l’impression qu’à l’époque de nos darons il y avait une vraie étape dans ta vie où tu passais à l’âge adulte, tu avais ta femme, ta maison, ta voiture… On n’a plus ce truc. Maintenant tu fais tes expériences, tu cherches ce que tu veux faire et où aller et puis BIM ! T’as 25 ans, 30 ans… Et tu te retrouves un jour à te demander quand est-ce que tu es devenu un adulte.
Concernant les instrus, qui sont tes beatmakers ?
Une bonne moitié de l’album est d’En’zoo, le beatmaker de Nemir, Gros Mo… C’est un virtuose, il est vraiment très fort. Il y a aussi les Cookin Soul, Just Music Beats, Pink Flamingo, Alex Lusting et Cruz Kvanh, Pops, Richie Beats, Fuentes, Chilea’s, One drop…
Koria a réalisé la cover de ton album, qu’est-ce qu’elle représente ? Et c’est votre première collaboration ?
Pour Koria, c’est lui qui avait fait Fin D’après Minuit. Pour l’idée en elle-même, c’est purement graphique et visuel. Burbigo c’est le téléphone arabe, d’où la présence d’une cabine téléphonique à l’ancienne. Sur le clip « Me réveiller » on a utilisé une machine à neige et un parapluie, on a mélangé le tout et ça a donné la cover ! Quand tu penses Grand Cru, t’as forcément l’image de la boisson en tête et je ne voulais pas de cette connotation. Le Grand Cru symbolise le fait que c’est un album que j’ai réellement travaillé. Dis-toi qu’on m’a carrément proposé des interviews dans des chambres à vin… (Rires). Après libre à toi de te faire ta propre interprétation !
J’ai vu que ton clip « On y va » avait été réalisé par Bunk des Set&Match ?
J’ai fais pas mal de clips avec Valentin Petit, qui a fait pas mal de clips avec Set&Match. Bunk s’est mis à la real’, il avait fait un clip pour lui et Jiddy Vybz –Bruh – bien trop chaud. Du coup je l’ai appelé directement !
Et en ce qui concerne « Me Réveiller » ?
Ici je bosse avec une boite qui s’appelle Various Artists avec des gens qui font de la photo, de la vidéo, de la réal… J’aime bien bosser avec des gars qui font tout de A à Z sans avoir besoin d’une grande équipe, et on est tombé sur les Original Kids. Coup de cœur. Ils ne travaillent pas pour moi, on travaille ensemble. Ils ont autant envie que moi de faire un beau clip, et mine de rien quand t’as des mecs qui se bousillent pour ton truc ça tire tout le monde vers le haut ! On n’a pas fait réellement ce que j’avais en tête au début, mais c’est vraiment beau et onirique. Si je travaille avec des gars c’est que je trouve qu’ils sont bons, et j’aime bien les laisser faire un premier jet pour voir un peu leur vision et ensuite je mets les mains dedans. Sur une bonne moitié – voir plus – de mes clips, c’est moi qui étais derrière à la réal, je choisissais les lieux, les plans, j’étais là pour le montage. Je ne mets jamais mon blaze parce que je n’avais pas énormément d’argent pour payer les gars, donc c’était bien de leur laisser au moins le crédit du taff ! Mais en vrai, il y a beaucoup de clips sur lesquels j’aurai pu mettre mon blaze.
Concernant ton image en général, c’est toi qui gère tout de A à Z ? Je veux dire par là que j’ai en face de moi Deen Burbigo, mais dans la vie de tous les jours tu es une autre personne.
Pas vraiment justement, je suis tel que je suis en vrai ! Je ne suis pas à l’aise avec le fait de mentir, c’est tellement plus simple d’être vrai.
Pas mal de featurings sur ton album, 6 morceaux sur 15. Comment as-tu choisis lesquels mettre sur ton album ?
En premier j’ai mis la mif : que ce soit Jehkyl, Nekfeu, Eff Gee, Gros Mo. Ensuite il y a les gars en qui je crois à 4000% : Caballero qui est l’un de mes rappeurs francophones préféré, Makala m’a impressionné ces dernières années, l’album de la MZ m’avait mis une gifle et les 3 sont bons mais Jok’Air l’est particulièrement, avec son propre univers chantonné, tu vois ? Pour le morceau « Ma Bande » je cherchais quelqu’un faisant partie d’un collectif ou d’un groupe clairement identifiable… Et au final c’est dingue parce qu’ils ont disband juste après !
On dirait que le son Freedom (en featuring avec Nemir) fait écho au son Ailleurs que vous aviez fait en 2012 ?
C’est exactement ça ! Nemir a fait Ailleurs, puis Wake Up avec Alpha Wann, et ensuite celui-ci. Il avait le refrain depuis très longtemps, et je n’arrêtais pas de lui dire de le sortir. Je ne peux pas dire dans quelles circonstances j’ai réussi à soudoyer le morceau, mais j’ai réussi (rires). Donc oui, cela fait bien suite à Ailleurs, et c’est aussi cela qui est intéressant !
D’autres morceaux sur ton album datent un peu ?
Le plus vieux c’est l’Outro bizarrement ! Ensuite On y va, et pour le reste il y a des morceaux datant d’un an, d’autres comme « Faut pas t’en faire » qui sont récents. Il me semble que « Pas une autre » est le dernier morceau que j’ai fait pour l’album.
Quoi de prévu pour la suite ? Comment comptes-tu défendre ton album ?
Je pars en tournée quasiment tout de suite ! Je fais le Bataclan le 6 avril, encore des clips et certainement quelques freestyles. Après cela dépend surtout de la réussite du truc, plus ça marche plus tu peux te placer à droite à gauche. Et j’ai monté mon label donc j’aimerais bien produire quelques projets, je ne peux pas trop en parler pour l’instant et je pense avoir encore des trucs à pousser en perso, mais j’ai déjà 2 ou 3 projets sur lesquels je taff.
On va devoir attendre encore 3 ans ?
C’est Maison Grand Cru, niveau timing… (rires). Non, pour le premier album cela me semblait important, mais pour le deuxième je ne laisserai pas autant de temps passer. En plus je suis en train de monter mon propre studio, ça devrait accélérer pas mal. Mais j’ai aussi envie de bien défendre mon album.