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[Interview] DJ Poska : « Le hip-hop a été une bouffée d’oxygène »

Il y a donc eu Funky Maestro, Big Broz Recordz, et après tu as monté un autre label. Tu peux revenir sur tout ça ?
A la fin de Funky Maestro, j’ai créé un nouveau label après avoir fait le premier DvDeejay. Ça s’appelait Big broz. J’y ai signé John Gali qui m’a suivi car il ne se sentait plus de poursuivre a Funky Maestro. On a donc sorti son premier album et plusieurs projets dont Spécial Province vol 1, le 1er street-album de Smoker et quelques mixtapes. Je suis passé derrière en mode producteur tout en essayant de garder mon nom à flot. Mais sans locomotive, c’est dur de faire avancer la machine. C’est le constat que j’ai fait. Puis, pour des raisons diverses et variées, j’ai laissé tout ce que j’avais là-bas, comme à Funky Maestro, y compris mes compilations. Je suis un peu impulsif, donc quand je me sens trahi personnellement ou professionnellement, je me renferme. J’essaie toujours de positiver mais quand c’est trop, je coupe les ponts.

J’ai donc rencontré mon troisième associé qui a su profiter de la situation même si je le voyais venir. Il avait tout ce que je n’avais pas, la tchatche par exemple. Après lui avoir fait écouté du son d’un compositeur ricain que j’avais rencontré via un ami qui vit aux US, il a vite vu ou je voulais en venir et on est allé aux Etats-Unis. J’ai présenté ce nouveau partenaire à mon contact pour écouter des prods et les ramener ici pour les vendre. L’objectif était donc d’attraper des morceaux faits par des compositeurs de là-bas. Parfois un morceau entier, parfois un instru, un refrain.

On a commencé en Avril 2011 et fin 2012 j’arrêtais avec ce partenaire que je découvrais sans scrupule. Je lui ai fait confiance, je lui ai fait gagné de l’argent et présenté des gens. Mais j’ai été naïf de croire que tout le monde est honnête, j’aurais dû écouter ma femme et quelques amis communs qui l’avait bien cerné. Je vois souvent le côté positif des gens même quand ils sont mauvais et ça me joue des tours à chaque fois. Je ne suis pas un businessman mais plutôt un artiste qui fait du business. Aujourd’hui, je suis plus prudent et j’essaie de moins écouter mon instinct. Mais bon, le plus dur est passé et l’accident que j’ai eu en 2009 – je me suis pété la jambe – m’aura finalement permis de me reconstruire et d’avoir un regard extérieur a l’industrie.

Tu t’es cassé la jambe ?
Oui, j’aime bien la moto. Et un dimanche après-midi, les potos veulent t’emmener dans une ambiance et ça se finit à l’hôpital. 2009, ça a été dur de ce point de vue-là. Trois mois en chaise roulante et dix mois de rééducation dans un centre. Pas de soirée pendant un an. J’ai quand même mixé avec mon plâtre, pour un plan qui était prévu et que j’ai tenu à faire. A ce moment-là, j’me suis pas mal concentré sur la prod. C’était une vraie remise en question au moment où je préparais mon 1er album dj/compositeur. Quand tu n’es plus actif les gens passent vite à autre chose mais bien heureusement ma femme, ma famille et des artistes comme Busta Flex, Sully Sefil, Lord Issa, Phaxxx, Jacky Brown pour ne citer qu’eux, m’ont rendu visite et toujours soutenu.

En 2010, je me suis marié. Ça a changé pas mal de choses aussi et comme je te disais, en 2011 quand j’ai présenté mon nouveau partenaire aux States, j’y allais déjà souvent. Je savais où on allait, je savais ce qui allait se passer au niveau du son. Donc on a fait ça et depuis je refais pas mal de soirées. J’ai sorti pas mal de mixtapes dont les Knowledge en septembre 2013. Toutes les semaines, je balançais quelque chose, histoire de dire que je me remettais un peu plus en avant. Pas physiquement, mais dans le son.

Aux USA, tu fais des soirées ?
Oui régulièrement. J’ai fait mon jour de l’an 2015 au Novotel de Times Square aux platines, que demande le peuple ? (rires)

Et tu arrives à te faire un nom comme ici ?
C’est le début ! Après je n’ai pas de prétentions là-bas. Je me fais plaisir déjà. J’emmène du son là-bas, je mise là-dessus. Mais c’est la vie qui m’intéresse, la façon de vivre des gens, et le rapport aux autres.

Ça te change complètement de la France là-dessus ?
Beaucoup. Ici, on nous empoisonne le cerveau. On est souvent négatif, parfois peureux et on suit rarement son instinct. On nous apprend à être un peu des moutons. L’éducation nationale, l’école, tout ce système y contribue. Je n’ai pas été loin pour ma part. J’ai été jusqu’en quatrième techno après j’ai arrêté et j’ai fait du préapprentissage. Puis à 16 ans, j’étais dans la vie active. Je ne trouvais pas d’école qui m’allait, j’avais des profs qui, tu ne sais pas pourquoi, ils ne peuvent pas te piffrer. On ne te met pas en confiance. Au collège, pour moi, ça a été le pire. Ma prof de maths se présentait à la mairie pour le FN. Autant te dire que ça ne te met pas en confiance quand tu vois sa tête partout dans la ville. En tant que métisse, tu te dis qu’elle ne t’a pas à la bonne. Après on ne peut pas savoir ce qui la motivait là-bas, mais ce genre de détail ne te met pas à l’aise. Peut-être qu’elle avait rien contre les immigrés et qu’elle défendait d’autres valeurs mais ce n’est pas un message très accueillant.

Donc, au vu de ce genre de trucs, quand le hip hop est arrivé, ça a été une bouffée d’oxygène. Même si c’était du vandalisme pour les gens, ça nous permettait de nous exprimer. Le fait que ce soit interdit rajoutait forcément un peu d’adrénaline au truc. Mais ce n’est pas pour faire chier les gens que tu tagues. C’est pour… Je ne vais pas dire « marquer ton territoire » parce que ça peut-être connoté « comme les chiens », mais c’est davantage pour avoir de la reconnaissance. De la reconnaissance physique, juste de ton nom. Un tagueur, ce qu’il kiffe, c’est qu’un type regarde son tag et dise « ah t’as vu c’est machin son style de lettrage défonce». Mais il ne va pas forcément se mettre en avant et dire « c’est moi ». Chacun sa vision, mais pour moi les tagueurs et graffeurs ils ne te diront pas ça, sauf s’ils font une toile. A l’époque, quand tu taguais et que tu voyais un tag à toi, tu souriais. Tu étais content. On n’allait pas chercher plus loin. Si, peut-être l’emplacement pour certains…

À proposLouis Jay

Brolic à la ceinture, paquet de BN dans le cartable

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