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[Interview] DJ Poska : « Le hip-hop a été une bouffée d’oxygène »

Tu en as fait longtemps ?
Ouais, j’ai fait ça bien longtemps. De 13/14 ans à aujourd’hui. Ça m’arrive encore de griffonner des conneries sur un papier. Sur un mur autorisé par exemple, je le ferais bien. Il y en a quelques-uns et ça me ferait marrer. Mais aujourd’hui j’ai passé l’âge de me faire courser. Puis je ne peux plus courir comme avant avec cette histoire de jambe. Ceci dit, en Espagne, j’ai été faire un graff sur des voies avec un des plus gros tagueurs de là-bas. J’étais parti avec Busta Flex faire une date fin 2009/ début 2010 et l’organisateur c’était un rappeur, qui rappe avec son frère. Ils s’appellent Les Dos Hermanos. Les deux graffent mais Lama est un tueur. On a pas mal parlé graffiti, et le lendemain du concert, il me dit : « Tu veux pas rester ? Viens on va peindre ». Je lui dis que je ne peux pas courir et il me dit : « t’inquiète pas, c’est tranquille, t’auras pas besoin de courir ». Je regarde les autres, je me tâte. C’était juste après que je me sois casser la jambe, je n’étais pas à l’aise (rires).

Donc t’avais ta canne à gauche, ta bombe à droite ?
Non non, je n’avais plus de canne mais je boitais. On est parti en camion et on a été se faire un petit mur sur les voies en pleine nuit. Ça m’a fait du bien parce que ça me manque.

D’ailleurs, j’ai cru voir dans d’autres interviews que t’es attaché à tout le mouvement hip hop et pas que le rap.
Le hip-hop c’est un tout. Il y a du djing, mais aussi du graff, du beat-box, de la danse. J’ai dansé moi-même, même si j’ai vite arrêté (rires). Je m’en suis tenu au graff et aux platines. D’où le nom de Posca, de la marque des feutres. Et quand il a fallu prendre un nom de dj, je ne pouvais pas prendre Posca parce que c’était mon nom de tagueur et que c’était une marque de marqueur, alors j’ai mis un K à la place du C. Et à ce moment-là, j’ai commencé à taguer aussi avec un K.

Tu n’as jamais eu d’autres blases ?
Je n’ai pas été très loin. Tu sais quand tu es jeune, tu veux juste un nom pour écrire. Il faut que ça s’enchaîne bien quoi. Et à l’époque, c’était le plus simple. C’était original, ça ne faisait pas américain, ça ne faisait pas français. On me l’a dit pas mal de fois : « On ne savait pas si t’étais français, on se demande ». Poska ça fait, je ne sais pas, rital, ou des pays de l’est.

Tu parles beaucoup de Busta Flex, mais justement, gardes-tu contact avec beaucoup de rappeurs que t’as enregistré ?
Bien sûr. Pas tous, parce qu’on n’habite pas tous aux mêmes endroits mais il y a des très bons potes dans le lot, avec qui la conversation reprend comme elle a terminé. Busta par exemple, je l’ai vu encore hier. Je vois beaucoup Sully Sefil aussi. Il y a un jeune rappeur, Rma2n, qui est quelqu’un de très proche. Il a fait la première partie du Ministère Amer à l’Olympia. Il prépare une compile dont Passi est le parrain. Et on prépare un EP ensemble. Après il y en a plein ! Il y a les gens de Time Bomb aussi, que je vois de temps en temps. Et plein d’autres DJs que je vois souvent mais je ne peux pas citer tout le monde. On se connaît un petit peu tous, avec les soirées d’époque et d’aujourd’hui. Ce sont des générations qui se croisent.

Du coup, quelle était l’ambiance à What’s the flavor ? sur Générations ? Comment ça se passait, ça doit t’évoquer des choses ? Il a dû se passer des trucs sur ce plateau, vu les légendes qui y sont passées.
En fait, le plus important, c’était la mise en condition. La plupart des rappeurs, on les connaissait, grâce aux mixtapes et aux soirées. Après, quand tu es dans l’énergie du moment et que tu vois tout ce petit monde évoluer en même temps, tu ne te poses pas vraiment de questions. Tu sais que certains vont ressortir plus que d’autres, mais t’es dans le feu de l’action. Tu n’as pas le recul à ce moment-là. Il y en a peut-être qui calculaient le truc, mais moi j’étais acteur. Dans le studio les mecs venaient, puis c’était simple. « Tu veux boire un coup, tu veux ci, tu veux ça ? Bon allez c’est parti on envoie l’interview ? » Et après freestyle. On faisait écouter les instrus à l’avance. Si ça correspondait moyen au style voulu, on changeait. On essayait de mettre les gens bien. Quand tu mets les artistes à l’aise, ils te font des trucs super. Il en est ressorti pas mal de choses cools. Au début, on était là une fois par semaine puis on est passé à tous les jours. On recevait quotidiennement des gens différents. On a reçu autant des américains que des français.

Tu kiffes bien le rap ricain j’ai l’impression.
Ouais, en même temps ça vient de là-bas ! Au studio, j’essayais de sélectionner au mieux, les morceaux qu’il est pour moi indispensable de connaître. Après, il y a des choses ou des morceaux que tu vas mettre sur un projet, mais tu ne peux pas tout trouver dingue. Sur 15 ou 20 morceaux que tu as, c’est rare d’arriver à faire un album classique. Mais on essayait d’avoir le maximum à chaque fois qu’on enregistrait.

Pour revenir à la radio, la mise en condition, encore une fois, c’est vraiment essentiel. C’est ce qu’on se disait au studio d’ailleurs. Il y a pas longtemps, Busta faisait une interview dans Smells Like Hip-Hop, où il parlait de nos mixtapes, et d’ailleurs merci à lui de me citer, ça fait plaisir. Il avait dit : « Je ne sais pas ce qu’ils faisaient ou quoi pour fabriquer cette ambiance, mais il y avait une espèce de magie dans le studio qui faisait que t’avais envie de passer derrière le mic et de lâcher un keutru. » Mais y avait aussi cette ambiance à la radio et dans les studios à l’époque. C’était aussi l’osmose des trois qu’on était, complémentaires et complices. Donc on arrivait à mettre les artistes dans de bonnes conditions.

À proposLouis Jay

Brolic à la ceinture, paquet de BN dans le cartable

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