Interviews Rappeurs

[Interview] Georgio : « Le rap, je le connais sur le bout des doigts. »

Quelques minutes avant de monter sur scène lors du You-f Festival, Georgio nous a reçu dans son tour-bus. On a parlé environnement, jeunesse mais surtout musique

Tu donnes des concerts gratuits (la semaine dernière aux Campulsations à Bordeaux), là on te retrouve dans un festival dont le thème est l’environnement et qui forcément touche les nouvelles générations… Est-ce que tu as conscience de ta portée en tant qu’artiste et de ce fait te considères-tu comme une voix pour la jeunesse ? On retrouve cette idée dans pas mal de tes sons d’ailleurs comme « Appel à la révolte ». 

Oui, d’un côté, je te dirais que j’ai conscience d’avoir de l’impact et du crédit pour les personnes qui m’écoutent. Et c’est toujours bien si cela peut faire naître des consciences par rapport à certains sujets. Mais d’un autre côté je te dirais non, dans le sens où que ce soit dans ma vie, au quotidien ou quand je créais ma musique, je n’y pense pas forcément.

La question environnementale est un sujet qui te touche ?

Carrément, c’est l’avenir.

Est-ce que tu penses que tu pourrais t’inspirer de ce thème pour écrire des morceaux ?

Je pourrais le faire comme je pourrais ne pas le faire. Ma musique a quelque chose de très instinctif et je parle de sujets qui me touchent à des moments précis par rapport à des états d’esprits, des émotions. Donc je te dirais que c’est possible mais en même temps je n’ai pas envie que ma musique ne soit que politique car pour moi cela reste du divertissement même si elle est très mélancolique et qu’elle brasse plein de sujets humains. Je n’ai pas envie de me forcer en quelque sorte, d’autant plus sur des sujets d’envergure comme celui-ci.

Selon toi, qu’est-ce que ce festival peut apporter à la jeunesse ?  

Je pense qu’un tel événement peut réveiller des consciences, faire naître certaines idées et avoir des points de vue différents.

Quand j’ai écouté XX5 pour la première fois, j’ai eu l’impression d’entendre un autre artiste parce que je l’ai trouvé tellement éloigné de Bleu Noir où on sentait que tu vivais une période difficile. Dans Héra, tu exposais une lueur d’espoir. Et là dans XX5, on te sent davantage épanoui dans ta vie. Est-ce que c’était une manière de prouver que tu pouvais t’exprimer autrement qu’à travers la mélancolie ?

Franchement, mon premier album, Bleu Noir (sorti en 2015), je le voulais très sombre parce que j’ai toujours aimé la musique mélancolique et parce que cet album représentait des phases de ma vie qui étaient très puissantes émotionnellement parlant. Mais ce projet ne me représentait pas entièrement parce que même à cette époque j’étais un bon vivant : j’aime bien faire la fête, m’amuser, etc. Toute cette partie-là, je ne l’avais pas mise en avant sur le disque mais c’était un parti prit. Sur la suite, j’avais envie d’autre chose tout simplement.

Tu as annoncé qu’un album était en cours de préparation. Dans quel état d’esprit es-tu dans l’élaboration de ce nouveau disque ? Qu’est-ce que l’on peut attendre de ce nouvel album ? 

 C’est difficile de répondre car j’ai vraiment la tête dans le guidon et je n’ai pas encore pris assez recul sur ce que j’étais en train de faire. Pour le moment, je ne sais donc pas vraiment dans quel état d’esprit il est, mais ce qui est sûr c’est qu’il sera fidèle à moi-même, il est très vrai. Je sais que cela veut à la fois tout et rien dire (rire). En tout cas, je suis bien avancé dans mon projet, à ce stade je vais davantage entrer dans les détails.

Entre chacun de tes projets, il n’y a que très peu de temps, c’est un rythme assez rapide. Tu n’as pas peur qu’à terme, cette course aux projets joue en ta défaveur dans le sens où cela peut générer moins d’engouement voire lasser ton public ?

Non je n’ai pas trop peur car je ne cours pas après les projets mais je les fais en fonction de mon inspiration, de mes envies. Je n’aime pas ne rien faire. J’écris tout le temps. Je n’ai pas l’impression de forcer les projets. Que cela marche ou pas, je pense qu’un projet il est compris si tu restes vrai. Un album ou un morceau peut plus ou moins parler à ton public, mais il acceptera la démarche s’il est fait avec le cœur. Je crois que cela se ressent à travers ta manière de t’exprimer, du fait que public se retrouve dans tes textes, etc. Je sais que je suis dans une période charnière où j’ai envie d’être productif. Peut-être qu’après le nouvel album, je ferais une longue pause, peut-être que j’enchaînerais direct avec un autre. Je me laisse vivre et porter par mes envies, c’est au feeling. Quoi qu’il arrive, je pense que mon public pourra comprendre et l’accepter. Quand on est sincère, les autres sont aussi bienveillants en retour.

Plus on avance dans tes projets et plus on s’oriente vers un rap plus mélodique, électronique voire symphonique (je pense au titre Akira). Est-ce que tu penses que tes influences musicales peuvent dissuader les “puristes rap” de t’écouter et te faire perdre ton authenticité ?

Non plus car je pense que je n’ai rien à prouver à personne. Le rap, je le connais sur le bout des doigts, je fais ce que je veux. Après que l’on me trouve crédible ou non, je m’en moque. Je m’en fiche de plaire à quelqu’un parce que je suis crédible ou de ne pas plaire à un autre parce que je ne suis pas crédible selon lui. Cela ne me dérange absolument pas de dissuader ces puristes. Ma musique change car mes influences sont de plus en plus présentes dans mes projets. Autant je connais très bien le rap, autant j’aime aussi d’autres styles de musique et à côté de cela, plus je grandis, plus ma vie évolue et la musique que j’écoute aussi. Je suis notamment écouté par des gens qui ont à peu près mon âge voire un peu plus jeune donc j’imagine qu’ils évoluent aussi et qu’ils ont envie d’autres choses. Après si ma musique ne leur parle plus, elle parlera à d’autres personnes. Peu importe. J’ai vraiment envie de faire les choses comme moi je les ressens et comme j’ai envie de les faire au moment où je les fais. Je n’ai jamais voulu travailler dans ma vie, et si je vois la musique comme un travail en me disant « je dois faire un morceau comme cela pour plaire à telle personne », autant trouver un métier dans un bureau. Ce que j’aime dans la musique, c’est le partage avec les autres mais c’est avant tout la liberté de création.

On te voit rarement en featuring, sur beaucoup de tes projets il n’y en a même aucun. Pourquoi ce choix ? Tu préfères faire bande à part avec toute ton équipe (Sanka, N’kruma, Diabi, etc.) qui sont souvent cités dans tes sons ?

 Déjà, mes morceaux sont assez personnels, cela ne laisse pas trop de place aux autres. Quand j’écris des chansons, la plupart du temps, je les écris en entier, je ne me dis pas « ah tien, je vais laisser un couplet pour untel ça pourrait être cool ». Et en vrai, on ne me contacte pas si souvent que cela.

En revanche, on t’a revu avec Vald, il y a donc des chances que l’on te revoit à l’ancienne avec Nekfeu ? 

 Pour l’instant, ce n’est pas prévu mais carrément. Avec des personnes comme lui dont je valide la musique et l’humain, cela est tout à fait jouable.

Dans cette nouvelle génération de rappeurs tu serais presque vu comme un ovni car on a l’impression qu’ils laissent de moins en moins de place au texte en lui-même, contrairement à toi. Comment perçois-tu l’évolution du rap depuis ces dernières années ?

Moi j’adore le rap car justement, il se renouvelle constamment et qui évolue avec son temps. C’est pour ces raisons qu’il est encore d’actualité. Il y a maintenant plein de styles différents, c’est même l’un des genres de musique les plus diversifiés. Evidemment, si t’as envie de prendre des gimmicks, tu ne vas pas m’écouter moi parce qu’il y en a qu’ils font beaucoup mieux que moi. Mais si tu recherches des textes plus approfondis ou une autre émotion, tu peux te retrouver dans ma musique. Aujourd’hui, il y a très rarement des personnes qui ne veulent qu’un style de rap. Quand je fais du sport, je n’écoute pas la même musique que quand je suis tranquille chez moi par exemple.

Propos recueillis par Maxime Mullot le vendredi 4 octobre à Dax lors du You-f Festival. http://www.youffestival.com/

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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