À l’occasion de la sortie de son album solo, le très attendu Prince De La Vigne, nous retrouvons Gérard lors d’une session mixage dans leur studio du centre de Paris. Le Prince nous accueille autour d’un café pour discuter carrière, vinasse et paternité. Plongé dans l’univers du plus rock des rappeurs français, sous l’œil de Fancy, sa femme et manager.
Salut Gérard et merci de nous recevoir en pleine séance de mixage. Si tu commençais par nous raconter pourquoi on t’appelle Gérard Baste ?
Mon premier tag c’était Bastard, comme Old Dirty Bastard mais avant… Parce que j’ai toujours tout fait avant tout le monde ! Pour simplifier j’ai commencé à taguer Baste, à prononcer Baist, avec l’accent anglais c’est toujours plus cool. Et puis pour l’anniversaire de mes 20 ans, un pote m’a offert un guide des vins qui était écrit par un mec qui s’appelait Gérard Combastier, un truc comme ça. Il avait mis un petit bout de scotch pour que ça fasse Gérard Baste. Et comme j’ai trouvé ça trop marrant, on l’a gardé !
Les racines sont déjà dans la vigne !
J’avais même pas fait le rapprochement ! Pour la petite anecdote, mon premier nom de rappeur, c’était RedNose… Bon à cause de l’alcool, forcément, et aussi parce qu’à l’époque, c’était la mode des pitbulls et il y avait un élevage mortel qui s’appelait RedNose.
Avec Svinkels, vous avez drainé une fanbase très engagée et complètement hétéroclite : métalleux, punk, rappeurs et marginaux en tout genre… Pour toi, c’est qui le fan du Svink’?
Le fan du Svink’, c’est un mec des années 90 qui a un peu gravité autour de ces cultures. À l’époque, à Paris comme ailleurs, t’avais forcément un pote qui était dans le skate, un autre à fond dans le tag, un autre branché métal… Et tout ça se mélangeait ! On écoutait des groupes de black métal comme Living Color, FishBones, Bad Brains, des trucs des années 70 autant que du gros rap west coast ! Ensuite on a vu arriver des groupes comme Beastie Boys ou Rage Against The Machines qui étaient très métal, mais pour nous c’était de vrais rappeurs… Ou alors les premiers rappeurs à faire du métal. On ne faisait pas vraiment la différence. Puis dans la fin des années 90, c’est devenu plus cloisonné, les lycéens ont choisi leur camp entre rap et métal.
Ton public a évolué avec toi ou il se renouvelle ?
Un peu des deux, et c’est ça qui est génial ! Les gens continuent de nous suivre… Bon, certains sont un peu devenus des déchets, c’est normal, ça devait arriver hein. Beaucoup sont devenus des amis… Et d’autres se sont rangés tout en continuant de s’octroyer une petite part de liberté pour venir voir un concert. Sinon, pas mal de jeunes nous découvrent sur Internet, par leurs grands frères ou même par leurs parents… Et oui, après 20 ans de carrière, on commence à voir des gens venir en famille ! J’ai même vu des collégiens tomber sur leur prof de français complètement bourré.
Tu connais des rappeurs qui t’ont connu via leurs parents ?
Biffty, l’équipe de Weedim tout ça !
Quel regard portes-tu sur l’émergence de la scène punk-rap, avec des groupes comme la Droogz Brigade ou justement des mecs comme Biffty ?
J’aime beaucoup la Droogz mais pour moi, c’est plus un crew comme l’Animalerie, un peu plus tourné rap à l’ancienne. Avec Biffty ou Neski par exemple, on est vraiment dans la déconne ! C’est des trucs un peu chelou, c’est dur pour les vieux d’écouter ça… Mais c’est vraiment addictif ! On est sur une nouvelle façon d’aborder les choses, et justement la démarche est vraiment punk. Les mecs en ont rien à foutre. Ça chante, ça rap, ça fait de la trap, de la cloud, de l’autotune… Sans chercher à se mettre dans une case. Ils font n’importe quoi les jeunes, sans complexe !
Cette génération est en train d’éclater les carcans du rap français.
La nouvelle génération a pris la confiance. Et la liberté aussi d’ailleurs. Avant, c’était compliqué de sortir un projet : tu devais faire tes preuves, sur le terrain, dans les concerts ou dans le milieu du rap de rue qui était quand même un peu relou. C’était studio, maquette… Super cher. Aujourd’hui, ils s’en foutent, ils font du son et ils le sortent gratuit sur Internet. C’est que du fun. C’est ça la vraie leçon.
En tant que papa, tu accompagnes la nouvelle génération ? Par exemple en l’invitant sur ton album.
Moi ou Teki Latex, on a toujours fait un truc très malin : prendre les jeunes sous nos ailes. On s’inspire les uns les autres en écoutant ce qu’ils font. Par exemple, je voulais vraiment que Biffty soit sur Le Prince De La Vigne… Et il a répondu présent sur le morceau Hellfest. Sinon, récemment, j’ai fait un concert avec Vald qui citait les Svinkels dans un texte, ça m’a fait super plaisir car c’est un des gas que je kiffe vraiment dans la nouvelle scène. Puis j’ai rencontré Weedim et son équipe. On s’échange des trucs et tout… Après je ne suis pas fou, je sais très bien l’âge que j’ai hein, faut pas se voiler la face. Parfois, ils nous appellent monsieur et madame ! Mais comme on est toute l’année sur les scènes, on passe notre temps avec des jeunes, et au final on trouve des terrains d’entente… Surtout le soir dans les chambres d’hôtel. On s’amuse bien !
Dans le reportage Un jour peut-être, une autre histoire du rap français tu confies avoir l’impression d’être passé à côté de quelque chose dans ta carrière. On n’est pas du tout d’accord. Beaucoup de gens te considèrent comme l’emblème de toute une génération et d’un style de vie. Tu as conscience de ça ?
Ça me fait plaisir de l’entendre ! C’est vrai que si t’es dans un milieu où les gens aiment bien faire les cons, faire la fête et tout… Y’a une chance pour qu’autour de toi, un mec soit fan des Svinkels. Souvent, les filles disent « mon mec t’adore » ! Mais comme je le dis dans le reportage, c’est vrai qu’à l’époque, on espérait rencontrer le grand public. Les gens n’étaient pas prêts… Car finalement nos thématiques, la fonsdé, l’alcool et les trucs chelou, ça parle pas à tout le monde. Ça reste confiné au microcosme des gens qui s’intéressent à la musique et qui sont prêts à écouter des choses un peu spé, un peu différentes.
Un peu comme Stupéflip à l’époque.
Stupéflip a eu plus de succès car ils ont mieux maitrisé leur image. A l’époque, ils sont passés chez Ardisson, chez Arthur et récemment le nombre de vues a explosé sur Youtube suite à l’utilisation d’un son dans une vidéo de Norman… Ça donne une certaine exposition qu’on a jamais eu avec les Svinkels. Même si la presse spécialisée s’intéressait un peu à nous, on a jamais été mis en avant alors qu’on était le groupe numéro 1 de France sur scène. Aujourd’hui ça semble banal, mais il y a 10 ou 15 ans, le rap n’était pas présent du tout sur les grands festivals.
Ton meilleur souvenir de scène ?
Le point culminant de toute ma carrière, c’est Les Eurockéennes de Belfort !
Quoi ?! C’est pas Les vieilles Charrues ?
Les Vieilles Charrues c’est super fort aussi, je veux pas de problème avec les Bretons ! On a beaucoup de souvenirs en Bretagne… Mais Belfort, c’était notre premier gros truc. On était sur la grosse scène et on la partageait avec les têtes d’affiche : Korn, Slipknot… Impressionnant, mais ça c’est super bien passé. Après en termes de ville, en France on est bien loti. Le sud bouge moins, les mecs sont plus branchés ferias, même si j’adore faire la ride à Bordeaux. Dernièrement on a passé de bon moment à Toulouse. Il y a un vrai truc là-bas, les gens étaient super motivés. Prêts à se faire mal et tout !
La fameuse scène punk-rap toulousaine !
Ouais, mais finalement, c’est la scène mondiale qui change ! Tout devient plus stylé, plus hype… Il y a 5 ou 6 ans, quand t’allais à Lille, il y avait que des Ch’tis. Maintenant limite tu te croirais aux Abbesses. Les mecs ont des tatouages triangles partout, ils roulent en pignon fixe… Ils font exactement ce qu’on faisait il y a 3 ans à la grande ville !
Le Prince De La Vigne se bonifie avec l’âge ou il tourne au vinaigre ?
J’aurais bien aimé te dire qu’il se bonifie avec l’âge mais regarde l’homme… A chaque fois qu’on me prend en photo je rentre le ventre ! Aujourd’hui, j’ai moins l’envie, j’ai moins la niaque de quand j’étais gamin, par contre j’ai l’impression de faire les choses 100 fois mieux. Là j’arrive avec un album dont je suis vraiment fier. Ça me plait. Plus ça va, plus je suis en phase avec moi-même. Je suis une vraie gonzesse en fait…
La dernière fois qu’on s’est croisé avant un concert, tu m’as dit « Je reviens je vais me raser la chatte ».
Tu vois !
Dans le clip de Rap de papa, tu annonces un rap de quadra. Tu nous lâches quelques pistes sur les thématiques de l’album ?
J’ai fait ce que j’ai toujours fait avec les Svinkels : du rap patate et festif. Bon les thèmes, c’est toujours les mêmes hein : sexe, teuf, alcool… Enfin, c’est pas que je parle que d’alcool mais c’est l’univers qui me colle à la peau. Un mec qui écrit des romans policiers, on va pas lui dire qu’il parle trop de keufs ! Mais j’ai essayé de le faire à travers des spectres qui me parlent. Par exemple, j’ai un morceau qui s’appelle Papa au rhum et qui parle de paternité, mais bon, évidemment le spectre de la picole reste en toile de fond. J’ai aussi des morceaux plus sérieux, dont un qui s’appelle Bourir et qui parle d’être tellement bourré que tu vas mourir ! Il y a forcément un moment ou la question se pose, la santé, la folie…
D’ailleurs, c’est une légende urbaine tes problèmes de santé ?
C’est pas une légende, c’est une réalité ! J’ai eu un infarctus à 30 ans. Pas spécialement à cause de mes excès, mais bon, je pense que ça a largement joué. J’ai écrit « on a le public qu’on mérite »… Et bah on a aussi le physique qu’on mérite. J’aimerais bien faire plus attention, j’y pense souvent, mais nos vies sont rock’n’roll ! C’est comme ça. Tu vois Lemmy Kilmister, le mec de Motörhead qui est mort ? C’était une force de la nature le mec. Il a bien tenu, mais y’a un moment, tu peux pas l’imaginer te dire « Ok j’arrête tout, je vais aller tondre la pelouse ». Bah non, il se lève à 14h et il ouvre une bouteille de Jack ! Bon moi je fais pas ça, je me lève le matin et j’amène mon fils à l’école.
Et si t’avais pas eu cette vie la ?
Qui sait ! Je voulais dessiner, à un moment je voulais être prof… Mais finalement, j’aurais pas pu avoir autre chose que cette vie, c’est aussi simple que ça. Cette vie s’est présentée à moi, je me suis embarqué dedans et j’ai très vite compris que de toute façon, c’est ça qui me correspondait… Et puis je sais rien faire d’autre !
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Une vie rock’n’roll pour un album rock’n’roll ?
J’ai fait ce que j’aimais, et il y aura beaucoup de boom-bap sur Le Prince De La Vigne.
Tu as réussi le défi du financement collaboratif sur Le Prince De La Vigne… Et si tu nous rappelais le petit cadeau prévu pour la barre des 50.000 euros ?
Ah la petite sextape ? De toute façon, quoi qu’il en soit, je vais la faire ! On a trouvé des idées avec de la nourriture, des objets, des animaux…
En parlant d’animaux, qui allons-nous retrouver sur l’album ?
Le seul mec que je voulais avoir et que j’ai pas eu, c’est King Ju de Stupéflip. Ça fait longtemps qu’il faut qu’on fasse un morceau ensemble mais je lui cours après depuis 6 mois et j’arrive pas à l’avoir. Il s’est enfermé dans sa grotte pour son nouvel album. Ou alors on a plus le bon numéro !
Dommage, c’est super logique comme connexion.
C’est clair, c’est dommage, car je sais qu’il y avait une vraie attente. On n’a pas réussi à le faire sur ce coup-là mais j’espère bien qu’on se rattrapera un jour !
Pas de réunification avec Nikus Pocus ?
Avec Nikus on était fâché, genre vraiment fâché. On a pensé à refaire des trucs ensemble. La seule condition qu’on s’est donné, c’est de le faire sur Qhuiit Grang Bang 2 et par la suite on verra. Par contre, Xanax est sur le projet, A2H qui est devenu quelqu’un de proche aussi. Et DJ Pone doit me faire les scratchs !
Seth Gueko ?
J’avais pensé à Seth Geko ou à Don Choa que j’aime beaucoup. Les gens ne voient pas spécialement le rapprochement quand on parle du Svink’ et de la Fonky Family, mais je trouve qu’on écrit pareil. Ecoute les couplets de Don Choa, c’est du Gérard Baste avec l’accent du sud ! Il a un vrai délire. J’ai aussi pensé à Lino que j’aime beaucoup… Mais comme il est revenu en grâce ces derniers temps, je trouvais ça moins marrant… Et j’avais peur qu’il me demande trop de sous !
Seth Geks a eu Dodo la Saumure sur le clip éponyme, tu vises Gérard Depardieu ?
Je t’avoue que mon rêve, c’est d’avoir Ron Jeremy. L’acteur porno des années 70 avec la grosse moustache. Il est dans le clip de LMFAO mais c’est mort je l’aurais jamais… Depardieu non plus. On va trouver des gens plus abordables, peut-être les gas de Groland. J’ai fait une fête avec eux à Toulouse y’a pas longtemps. Et ils se couchent tôt… Si on tourne un clip avec eux c’est le matin !
Pas d’Orelsan ou de Fatal Bazooka ?
Orelsan aussi j’y ai pensé mais j’ai pas eu le morceau taillé pour sur l’album. Fatal, on a fait un morceau mais je ne l’ai pas mis sur l’album.
Prochain crownfunding, la brasserie Baste ou le slip Gérard ?
Bah le slip français nous ont bien coupé l’herbe sous le pied. Ils nous ont piqué tous nos slogans, tous nos designs. Je peux pas le prouver, mais bon… Le slip c’est chic quoi.
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Pour conclure, le petit conseil lifestyle de Gérard Baste à la jeunesse ?
Il faut bien que jeunesse se fasse ! Je ne suis pas contre l’idée de dire aux gens qu’il faut tout essayer pour s’ouvrir l’esprit. Bon, y’a des choses meilleures que d’autres… Mais la vérité concernant la drogue, la bouffe ou l’alcool, c’est que même quand c’est pas bon, on le prend quand même ! Tout le monde préfère bouffer un super burger au resto, mais la vérité, c’est que le dimanche, on finit tous au Domac.
Propos recueillis et retranscris par Wyatt, qui est sur Twitter.
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