En choisissant le nom de Terminus, on pourrait croire que c’est ton dernier album. Est-ce que cet album est le dernier d’une sorte de trilogie sur les trois éléments eau-air-terre ?
C’était voulu. C’est la fin d’une trilogie mais c’est pas la fin du voyage. C’est un terminus, ça veut dire qu’on s’arrête là, on descend, on s’amuse sous la terre, on voyage dans mon terrier mais j’en ressortirai et j’irai ailleurs.
Pour quelque chose de complètement différent ?
En tout cas qui ne sera plus dans ce cycle là. Maintenant, l’eau de la mer s’est évaporée, on est parti dans le ciel, dans les nuages, il a plu, on retombe sur terre et on s’arrête un moment dans mon terrier le temps d’un album, mais après l’eau repart dans la mer de toute façon. Ceux qui veulent s’écouter les trois albums en boucle, c’est possible. C’est pensé comme ça. Je suis pas George Lucas, je savais pas déjà que j’allais faire ces trois éléments au moment où je faisais le premier album, mais c’est devenu logique dès le deuxième. Je me suis dit, bon le troisième ce sera sur terre, puis après je me suis dit non en fait ce sera sous terre.
Dans le morceau Quarantaine tu disais « avant de finir cloitré je voudrais faire le tour de la Voie lactée » : le « cloîtré » c’était un indice sur le thème ?
Oui bien sûr, Quarantaine est un morceau que j’ai écrit juste après avoir fini Céleste. C’était un peu les prémices du nouvel album, un truc semi-chanson, qui était déjà assez introspectif, le ton était plutôt humoristique, mais on avait déjà ce truc qui peut faire écho à des morceaux comme Lent. Il y avait le côté casanier, et cet album c’est clairement ça. Je suis dans mon terrier et par moment j’observe le monde extérieur. Ou alors je suis dans une démarche introspective en train d’essayer de comprendre qui je suis.
Avec Céleste, tu avais construis un voyage avec une vraie succession d’événements et chaque morceau avait un lien avec le précédent, l’album entier était une histoire. C’est pareil pour Terminus, on doit interpréter l’album comme un voyage ?
Oui, après on part peut-être pas aussi loin que dans Céleste où tu étais transporté à la Renaissance ou dans le Moyen Âge comme dans la chasse aux sorcières, où d’un coup c’était plus Hippocampe Fou mais un inquisiteur qui parlait. Là je me suis dit : il faut que tout parle de moi, même les morceaux un peu story-telling sur Mes voisins ou Dans le fond dans lequel je parle des commerçants que tu pourrais voir depuis ta fenêtre, à chaque fois il n’y a que mon point de vue. C’est vraiment un album plus personnel à la première personne et chaque morceau est comme ça. Histoire juste d’être cohérent du début à la fin. C’est plus une visite de terrier qu’un voyage. On ne part pas dans des sphères complètement incroyables. Au final, le monde sous terrain est aussi mystérieux que l’univers infini qui nous entoure pour les scientifiques. Ils parlent du noyau terrestre, etc, mais on est dans de la théorie, des suppositions.
C’est abstrait dans la tête des gens…
C’est complètement abstrait. Le trou le plus le plus profond qui a été creusé était en Sibérie je crois, faisait environ 20km de profondeur et ça représenterait 30% de la couche la plus lointaine du noyau. Tout ce qui est en dessous, on ne connaît rien. Ça éveille l’imagination.
C’est un album très jazz ou du moins très instrumental.
C’est en grand partie du à ma coloration avec Max Pinto qui a composé les 3/4 de l’album et qui m’accompagne sur scène et Lucas Dorier ainsi que mon père qui a fait un morceau. Ils ont des formations jazz, classique, ils ont fait le conservatoire et sont capables de bosser avec tout. Max Pinto a tourné avec Beat Assaillant et Ben l’Oncle Soul, il fait de la salsa, il sait tout faire. C’est génial quand tu bosses avec quelqu’un d’aussi talentueux, avec un univers musical aussi riche et que t’as des envies diverses car tu peux tout tester. T’es pas limité à une couleur.
Tu avais eu l’idée de cette ambiance par rapport à tes textes ?
Au départ, j’avais un mot clé, c’était Disney. On s’est assez éloigné de tout ça. Je me suis rendu compte que les chansons que je chante sous la douche c’est la chanson de Baloo, le génie d’Aladin, Les Aristochats et je chantonne ça avec gaité. J’avais envie d’un truc comme ça, chaud, très gai et très jazz finalement.
Surtout avec la contrebasse qui est omniprésente…
Voilà, exactement, la contrebasse, c’est le liant. Il y en a dans neuf morceaux sur douze. C’était presque un hasard parce qu’il a une contrebasse chez lui, il en joue, et on s’est demandé ce qu’on voulait comme base-line et il a commencé à poser des trucs puis j’lui dit « mais c’est génial, j’adore ». Si j’étais instrumentiste, je ferai vraiment la contrebasse, c’est chaud, c’est rond, ça rebondit. Puis c’est lié à la terre : c’est posé sur le sol une contrebasse. Après c’est bien d’avoir un peu de saxophone et d’instruments à vent qui permettent le côté aérien qui fait du bien pour s’évader du terrier.
Combien de temps a pris sa réalisation ?
Ça a été fait en plusieurs épisodes et surtout en session de travail car Max habite loin de Paris. J’y allais pour deux trois jours, on était dans une espèce de petit cocon, de bulle et on travaillait à la composition. Je travaillais mes textes, les peaufinais chez moi puis revenais la session d’après pour enregistrer et commencer la compo. Il y a eu un premier travail qui était de définir tous les thèmes de l’album que j’avais envie d’aborder. Finalement on est assez proche de cette première idée même si c’est quand même plus sombre que ce que j’avais imaginé au départ : c’est aussi en faisant des morceaux comme Triste qui est un des premiers qu’on a fait. Je me suis dit, j’aime bien sa couleur, me livrer un peu, avec cette voix de crooner presque, collé au micro, c’est pas quelque chose que j’étais habitué à faire. J’avais envie d’aller là dedans et ça a donné des morceaux comme Langue paternelle, comme Mes voisins, ou Underground, où on est moins dans un monde imaginaire et plus dans de la prise de conscience.
Tu as écrit l’album à New York ?
Je l’ai écrit à moitié à Paris à moitié à New York. Je suis parti la bas en juillet et j’avais enregistré la moitié de l’album, il m’en restait six à faire. J’ai écrit Langue paternelle dans l’avion en me rendant à la session studio à Paris, dans l’urgence. Pourtant c’est celui que je trouve le mieux écrit et le plus sincère. Y avait de la pudeur quand j’ai abordé ce truc là, puis je me suis dit qu’il fallait pas que je me prenne trop la tête, que ça sorte, et c’était dans l’urgence aussi.
C’est le dernier que tu as écrit ?
Oui. Mais j’ai des inédits pour le live. Peut être qu’ils sortiront comme des petits single post album.
La symbolique du terrier est assez riche, il peut être occupé par le solitaire, l’artiste fou qui a besoin d’être seul pour créer…
C’est aussi bien le lieu dans lequel tu te trouves que ce qui se trouve en toi. Le terrier c’est ce qui est caché dans ta caboche, là ou tu cogites et où parfois tu as besoin de t’isoler. Ce qui est aussi inavouable. Le but était pas de faire un album impudique : je me met à nu mais sans choquer les gens. Je suis pas du genre à vomir mon mal-être, je le fais par petite touches et d’une manière qui me semble subtile.
Ça peut aussi être le mec qui s’isole sans en avoir conscience, comme dans Du bout des doigts.
Alors là ce morceau est vraiment parti de « si tu aimes les bagues alors je deviendrai orthodontiste ». J’ai trouvé ça rigolo et à partir de là j’ai imaginé un mec qui drague, mais il est dans son terrier, donc il drague sur son ordi ou sur son téléphone, chez lui. Le truc s’est construit sur un jeu de mot. C’est le premier que j’ai fait avec Max. Je l’ai mis au début de l’album parce que après je parle de ma femme et de mes enfants et je me suis dit que ça allait être bizarre si je le mettais après.
Donc il y a quand même une histoire ?
J’ai respecté la chronologie quand même. Il faut que la tracklist s’enchaine musicalement, mais oui faut qu’il y ait une logique, une narration.
T’es un des seuls rappeurs français aujourd’hui à assumer complètement l’auto-dérision, par le story-telling surtout. Est ce que tu doutes un peu des fois de ton personnage ? Est ce que tu penses qu’on peut toujours parler des choses importantes sur le ton du rire ?
Ça a été ma démarche pendant pas mal d’années. Je me considérais comme un troubadour. J’étais là pour divertir les gens et leur amener de la joie, qu’ils repartent de mon concert avec le sourire. J’avais un peu peur de me creuser et d’aller chercher dans l’ordre de l’intime et de mes états d’âme, mes doutes. Je l’ai fait dans deux-trois morceaux mais il y avait des images un peu surréalistes comme dans Las Estrellas. Lors de la sortie de Céleste, les morceaux introspectifs ont été bien accueillis et je me suis rendu compte que mon public n’est pas seulement sensible au clown, au personnage déluré. J’ai beaucoup pratiqué l’auto-dérision mais cet album est moins axé sur ça. Un pote me disais juste après avoir sorti Céleste, « en fait tu t’interdis de dire que tu te sens mal parce que tu penses que ça se fait pas pour ceux qui souffrent vraiment. Tu penses que ce que tu ressens ne vaut pas la peine d’être dit. Alors que plein de gens ressentent la même chose que toi, même ceux qui sont dans la misère ». C’est pas ton background culturel et ton statut social qui fait que tu as le droit ou pas de traiter de certains sujets. Évidemment, si je me documente pas assez, ça sonnera faux. C’est pour ça que l’album est 100% sincère. Par exemple, pour Triste, j’ai mis beaucoup de temps à l’écrire : je listais des choses, et il fallait vraiment qu’à chaque phrase il y ait ce truc né d’un moment qui t’attrape le cœur. Au départ c’était très centré sur moi même, mais en voyant Moi, Daniel Blake de Ken Loach, où la fille est obligée de se prostituer, la situation me touchait. Quand on croise des prostituées dans le 18ème, il y a une forme de pudeur, on va pas chialer à chaque fois qu’on aperçoit quelqu’un dans la souffrance. Au final, cette pudeur s’accumule et le jour où tu vas voir un film, tout ressort. C’est ça le cinéma, cette puissance cathartique. Quand tu pleures, c’est pas juste la situation, c’est tout ce que tu as emmagasiné en tant que passant et humain. C’est pour ça que j’ai fais deux couplets sur la souffrance des gens dans des pays en guerre, etc. A ce propos, il faut voir le spot avec Marina Fois et Mathieu Kassovitz, super fort, qui questionne les frontières (à voir ici). J’ai pas connu la misère, mais j’hésite pas à dire quand il y a des choses qui me rendent triste.
Les textes étaient déjà personnels dans Arbuste Généalogique ou Las Estrellas, comme tu dis, l’album est encore plus introspectif. Cette évolution te paraissait naturelle, de te livrer de plus en plus ?
En fait je me suis rendu compte dans la tournée de Céleste, quand je prononçais certaines phrases de ces morceaux en live, je ressentais quelque chose, un truc du genre « j’ai lâché ça, ça fait du bien », et en même temps « putain j’ai presque envie de pleurer » je ressentais un truc fort que je ressens moins dans des morceaux comme Obélix qui était plutôt un gros délire et un prétexte pour faire du flow et s’amuser. Je me suis prouvé à moi même ce que j’avais à me prouver en terme de technique, de flow, etc. Quand tu commences, t’as envie d’impressionner les autres, de dire que tu sais faire. Je me suis dit, plus d’esbroufe et que du fond. Bien sûr, pour la forme, on varie les flows, mais peut être de façon moins scolaire qu’avant. Même sur le flow je me suis permis des choses. Par exemple, quand tu parles dans la vie de tous les jours, tu saccades pas tes paroles, donc j’ai mis de côté ce truc un peu haché qu’on a dans le hip-hop. C’est aussi en écoutant de la chanson comme Barbara. Des fois, il faut privilégier la prise où il y a le plus d’émotion plutôt que la prise la plus carrée. C’est aussi le fait de bosser avec Max qui me disait quand il y avait de la vie. Même si tu tombes pas pile sur la caisse claire, c’est pas grave. En live j’essaye d’être le plus carré possible, mais on est pas des machines, faut que ça reste humain. Aujourd’hui on est dans un truc un peu aseptisé, on déshumanise la voix avec beaucoup d’auto-tune. On a des expérimentations que je trouve géniales aussi, mais des fois t’as l’impression que le mec a enregistré puis qu’on a tout rentré dans la machine qui a bien tout séquencé, tout est parfait. Les imperfections donnent le relief je pense.
En tant que cinéphile, quand tu as l’histoire, est ce que les images te viennent parfois avant les mots ?
C’est pas évident d’analyser ça. Je pense que je pars plutôt des mots. Des fois, j’ai un thème global, mais le thème vient d‘une phrase ou d’un mot que j’ai entendu ou que j’ai sorti en impro, et qui me me faisait tripper. Après, je trouve la rime et je réfléchis comment je pourrai lier les mots de la manière la plus originale possible. C’est après que ça donne une image. Après c’est du montagne, un enchainement d’images. C’est comme du documentaire avec la caméra à l’épaule, tu sais pas ce qu’il va se passer, et c’est au montage que tout prend forme. Tu as la matière brute et tu la façonnes après. Ces bouts de phrases, je les lie et les rend cohérents. Seth Gueko disait dans une interview que la punchline doit arriver au bout de quatre mesure, si tu fais des punchlines à chaque mesure, ça perd de l’impact. C’est vrai, quand t’as un bloc, il faut que la dernière phrase soit la plus percutante. Ensuite tu retravailles le tout. C’est pour ça que je bosse à l’ordi, pour pouvoir faire le montage du texte et que ça reste lisible.
Certains morceaux restent des histoires inventées ou bien toutes sont inspirées du vécu ? Par exemple pour Mes Voisins ?
Ouais, 100% sincère. Il fallait que ça parte de mon terrier, que ça parle d’un vécu et d’un ressenti. Ce qui est fictionnel, c’est les voisins que je n’ai pas suivi avec autant d’attention. En revanche j’ai vu mes parents s’éloigner, avec des envies de chacun : deux capitaines un bâteau. Je n’ai jamais été confronté à ça moi même et donc je l’ai fait de manière extérieure en tant que narrateur qui entend, vois, et raconte. Là dedans, j’ai mis des choses dont j’ai été témoin au travers de mes parents mais aussi de mes amis. C’est un morceau sur les couples qui se terminent.
Est ce que tu comptes toujours réaliser un court ou long métrage par la suite ?
J’aimerais bien. J’avais de jolies idées de long métrage mais j’ai mis ça de côté car j’avais des choses à faire dans la musique. Je m’investis dans chaque clip même si c’est pas moi qui réalise. Je ne suis pas frustré de pas faire de film. Scéniquement, le public se rend compte qu’il y a une envie de mise en scène. L’idée est de raconter une histoire à chaque concert. Ça va plutôt se faire par le biais du spectacle vivant et ça mènera peut être vers le film. Pour l’instant j’ai un projet qui se prépare qui sera le lien avec le live musical et le film. C’est une manière de mettre plus de narration.
Est ce que tu écris plus qu’avant ? Y a-t-il des moments ou tu n’arrives plus du tout à écrire ?
J’écris moins qu’avant car maintenant j’écris avec des thèmes. Le fait d’avoir mis les thèmes de côté, c’est un peu ce que je reproche au rap actuel. On fait de l’auto-fiction, on parle de soi, on fait de l’ego-trip, on parle de ce qui nous fait souffrir en même temps. Par exemple, j’adore le premier album d’Akhenaton (Métèque et Mat, 1995), dans lequel il y avait plein d’histoires séparées. J’ai toujours envie, même quand on est dans l’ordre du personnel, qu’il y ait un univers associé. Dans le trou, ou peut y trouver l’enfer, tout le mystère qui plane autour de ce lieu-là. J’attends d’avoir trouvé le thème et après je trouve les mots, les rimes etc. J’ai aussi écrit des morceaux plus pour le live, énergiques, un peu freestyle ou tu balances des phases qui n’ont rien à voir entre elles. Je me le permet pour le live, mais sur l’album je voulais quelque chose déplus construit. Des freestyles, je pourrais en écrire deux par jour mais je trouve que ça apporte un peu rien. Je préfère trouver un thème et un angle d’attaque original, c’est ce qui me prend le plus de temps.
Il y a des films ou des bouquins qui t’ont inspiré pour cet album ?
Un livre pour enfants, Sous Terre – sous l’eau (Daniel Mizielinski, Aleksandra Mizielinska). Un magnifique livre, bien mis en page avec d’un côté sous l’eau et d’un côté sous terre. Je l’emmenais en tournée, j’allais piocher dedans pour les idées des thèmes. Dans les films, Fantastic Mr.Fox. On voulait une coupe transversale pour la pochette de tracklist et Wes Anderson joue beaucoup sur ça, dans La Vie aquatique ou dans le terrier. Tu passes d’un univers à l’autre en 2D.
Le live du Céleste Tour était vraiment travaillé et assez impressionnant. Est-ce que tu as une idée de mises en scène pour les morceaux que tu vas faire en concert ?
Ouais, bah on joue la semaine prochaine donc on a intérêt ! On a éloigné la date parisienne pour se chauffer un peu partout pour se roder jusqu’au Trianon. Mais ça va arriver très vite. On commence la résidence Lumière où on va répéter les textes et les parties des zicos, j’ai plus de backeur aussi, Céo vole de ses propres ailes.
Ah bon ?
On avait un pacte. A la fin du Céleste Tour, on suivaient chacun nos chemins .
T’auras pas du tout de backeur ?
Non. Enfin si, Max est musicien mais il a backé Beat Assaillant pendant des années. Donc il va backer mais à sa place de musicien. C’est aussi ce qui évite de diviser l’attention en deux. Pour l’énergie c’est génial le truc du backeur, mais quand t’as des morceaux intimistes, ça peut faire un peu bizarre. Il y aura quand même de l’énergie.
Avec les musiciens, c’est sur. Contrebasse et saxophone sur scène du coup ?
Max fait contrebasse saxo flute traversière guitare et il me back. Lucas fait de la MPC, il a un mini-synthé, il a des bongos. Ça va être mortel, la MPC ça reste super vivant, plus qu’un beat enregistré. On peut se suivre aussi mutuellement, si je m’énerve, il va y aller plus fort, etc. C’est la symbiose, l’instru vit sur scène. L’instru n’est quand même pas exactement la même car ya un jeu humain, ca sera encore plus vivant au début de l’interprétation.
Il y aura plus Aociz ?
Non plus. A part quelque scratches, il aurait pas été très utile.
Il a rejoint Vald maintenant…
Et oui en plus, donc c’est tant mieux, il va se faire de super festivals. Et Céo prépare son projet, j’espère que ça va cartonner. Je pense que ça va bien se passer.
Pourquoi avoir annoncé l’album avec le titre Underground ? tu as voulu montrer qu’il s’agissait encore plus de toi dans cet album ? Où a été tourné le clip ?
Oui, il fallait casser le côté gai luron. C’est comme Jim Carrey qui dans sa carrière va faire Truman Show, Man on the moon et qui va se dire qu’il en a marre de faire le pitre, qu’il veut montrer qu’il sait faire autre chose. Je pense que je déroge pas à la règle. À un moment t’as envie de montrer d’autres facettes, que tu n’es pas qu’un clown. J’ai fait écouter l’album un peu avant qu’il sorte à des potes, ce qui est inédit car seule mon équipe et mes proches écoutent les morceaux avant la sortie d’habitude. Je voulais avoir un panel varié d’âge différent, d’horizons différents, et j’ai demandé quels étaient les morceaux phares, Underground a celui a le plus marqué les esprits. Donc on est partis avec celui que les gens préfèrent. Je me suis fié à mes proches: quand tu fais de la musique c’est aussi pour eux. Si eux sont touchés, ça veut surement dire que sur ce morceau, c’était vraiment toi. Comme il est très acoustique, avec un solo de sax, il annonçait l’album. D’autres morceaux sont entre deux eaux, comme Fallait pas rigoler ou Pas le temps, qui sont presque plus actuels au niveau de la couleur. Celui-ci a un côté plus atemporel. Du hip-hop un peu classe j’ai envie de dire. Y a un mec comme Jonwayne qui est toujours sur un truc un peu oldschool mais avec un flow super actuel, qui teste plein de trucs. Récemment il a sorti des trucs avec une prod qui sonne à l’ancienne mais avec des éléments dans le choix des drums qui te font penser que c’est quand même actuel. C’est ce que j’ai essayé de faire pour tout l’album. Underground était l’ambassadeur.
Ou a été tourné le clip ?
Dans des carrières en Normandie. C’était un tournage assez éprouvant car on était dans le noir total. On a été limité par la technique et les moyens.
« J’écris pour me rafistoler » (Underground) « Mes infusions de racines pour digérer le passé » (Trou) Cette guérison, elle fonctionne mieux quand tu écris ou quand tu es sur scène ?
C’est en deux temps. Il y a deux moments sacrés et jouissifs : le moment où t’as fini ton texte et tu l’enregistres pour la première fois. Puis après tu rentres dans des phases techniques du mixage, du master, etc. Tu te détaches de cette première sensation. Mais cette sensation là tu la retrouves quand tu l’interprètes devant des gens qui t‘ont jamais vu le faire. Je vais surement avoir des frissons sur les première dates. C’est la première fois que je dis ces mots dans un micro. Il y a deux moments magiques: la création, et le fait de l’envoyer sur scène.
Il y a un morceau qui sort du lot dans l’album pour toi ?
J’aime bien tous les morceaux mais je suis assez fier du morceau Dormez-vous car il y a tout dedans : du story-telling, une variation de flow que j’avais pas exploré, de la technique. Il y a des rythmes qui sont assez atypiques pour du hip-hop et qui m’ont forcé à chercher des choses nouvelles. C’est peut être celui, avec Langue Paternelle, où il y a le plus de nouveauté en terme de flow. Puis le thème me paraît inédit quand même. Après, à chaque session d’enregistrement, tu sors quelque chose de toi. Tout est une question de ressenti, et c’est pour ça que j’ai pas fait de pré-maquette. Généralement je fais les morceaux une fois à l’arrache puis quand j’arrivais au studio je faisais la version album. Si je refaisais les prises aujourd’hui, ce serait peut être plus carré, mais il y aurait moins cette magie car je maitrise trop le texte maintenant. J’enregistrais souvent avec le texte devant moi. Quand tu le lis, c’est pas encore de la musique, c’est très littéraire. Je suis attaché à l’écriture. Je crois que ce que je préfère c’est les citations, les proverbes et les mantras, ce qui est condensé et qui tient en peu de mots. Finalement, dans la chanson, dans le rap, t’as un peu l’idée de la forme et t’as envie que chaque phrase puisse être isolée et citée pour ne rien laisser au hasard et pas juste trouver des mots qui sonnent bien.
Comment ça se passe à New York ? Est-ce que c’est une ville qui t’inspire ?
Ça m’inspire la solitude, et ça m’a inspiré le morceau Le mal du pays. J’ai été isolé, confronté à l’exil. Ça m’a permis de comprendre certaines choses sur mon père qui est venu de Colombie pour vivre en France, ou encore les gens déracinés qui élèvent leurs enfants dans un pays avec d’autres règles, où il faut se plier aux lois qu’on connait pas bien. Par exemple quand j’ai vu que ma fille prêtait le serment d’allégeance à l’école, je me suis dit que je voulais pas qu’elle perde ses racines, j’ai eu cette prise de conscience là. Sur le plan artistique, le stand-up la bas c’est mortel, je suis allé plusieurs fois au Comedy Cellar. Mais pour l’instant, je suis un ermite dans mon terrier là-bas, puis des fois je m’emmerde un peu. Mais ça te force à réfléchir et produire des textes.
Il y a des clips à venir ?
Ouais. Après, je viens pour des périodes assez courtes en France et j’ai pas envie de bâcler. On est encore dans de la préparation de clip qui sortira avant l’été. Ça fait tellement d’année que je fais des clips que j’ai pas envie de tourner en rond et faire des trucs moins bien. L’idée est de se réinventer quand même.
Hippocampe Fou est en concert au Trianon le 30 novembre et en tournée en France : les dates ici.