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[Interview] Jazzy Bazz « J’ai fait un album que tu peux écouter d’une traite, et qui a une certaine cohérence »

C’est lors de la seconde édition des Rap Contenders que le public a découvert Jazzy Bazz qui, tel le Joker, détruisait ses ennemis tout en arborant un large sourire. Mis en avant via L’Entourage, dont il est un fidèle représentant, c’est surtout son premier EP « Sur La Route Du 3:14 » qui vient confirmer son talent, notamment le désormais classique « 64 Mesures de Spleen ».
Nous sommes allés à sa rencontre afin de parler de son tout premier album solo P-Town, sorti le 26 février dernier.

 

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Tu t’es fait connaître en 2012 via les Rap Contenders. Si tu pouvais revenir en arrière, tu les referais à nouveau ? Et tu n’avais pas peur à ce moment qu’on te catégorise comme étant un « simple clasheur » et pas forcément un artiste à part entière ?

Déjà je pense que l’image que l’on renvoie est l’image que l’on se crée soi-même, tu vois rien n’est le fruit du hasard. J’ai eu longtemps cette image de clasheur parce que je suis allé assez loin dans les clashs. Même si je n’en ai fait que 3, je me suis fait remarquer et j’ai remporté plus ou moins le titre, tandis qu’à côté je n’avais pas fait assez de projets concrets, donc forcément l’image du clasheur ressortait plus. Si c’était à refaire, je le referais dans tous les cas parce que c’est drôle d’écrire des clashs, c’est un exercice de style à part. C’est une sorte de show, comme si tu faisais du stand-up. Cela prend environ 3 semaines à préparer, tu ne penses qu’à ça vu que tu vas rentrer dans l’arène.

 

Les Rap Contenders ont aussi été l’occasion de mettre le collectif L’Entourage, dont tu es membre, à la lumière. Comment est-ce que tu as rencontré les différents membres ? Tu faisais partie de ceux qui allaient s’entraîner à l’Ermitage ?

Oui je fais partie de cette bande-là. Il y avait tout L’Entourage qui y était, et plus même ! On était une bonne bande, une trentaine environ même si on n’était pas tous toujours présent en même temps. Je faisais partie de ceux qui donnaient les rendez-vous donc j’étais bien dedans. C’était une époque de formation, d’entraînement, dans la nature et pas dans une salle de concert. C’était très formateur.

 

Donc c’est comme cela que vous vous êtes tous rencontrés finalement ?

Ouais mais en fait on ne s’est pas rencontré sur le terrain vague par hasard. On se connaissait déjà et on se donnait rendez-vous sur ce terrain. Il y en a qui étaient au lycée ensemble, il y en a qui se sont rencontrés via MySpace à l’époque, il y en a qui habitaient dans le même quartier, d’autres se sont rencontrés en Open Mic…

 

Le 1e Janvier 2014 tu as balancé ton premier EP « Sur La Route du 3 :14 ». Un EP où tu dévoiles une partie assez « triste » et sombre de toi-même. Aux Rap Contenders pourtant tu étais à l’opposé : tu détruisais tes adversaires avec le sourire.

Bah si j’arrive triste aux Rap Contenders, je vais me faire allumer (rires) ! Plus sérieusement ce sont tellement des exercices de style différents !

Depuis que je suis petit ce sont les musiques un peu tristes qui me touchent le plus, du coup pour mon EP j’ai fait des sons dans cette veine parce que cela me parle le plus. En clash, j’ai fait en fonction de ce que je pensais être le plus adapté en fonction de tel ou tel adversaire. Ce qui est cool via les clashs, c’est qu’au moins ça me donne une autre image que celle du mec qui passe sa vie à être déprimé et à se poser des questions existentielles, tu vois ? On traverse toutes les humeurs possibles et ce projet avait vraiment cette « humeur » 80 % du temps.

Si tu arrives à être productif, je pense que c’est une bonne chose de mettre en avant toutes tes humeurs justement, sinon tu te fais vite chier. Tant en tant qu’auditeur qu’en tant qu’artiste.

 

Le succès a été au rendez-vous avec cet EP. Comment as-tu vécu le fait d’être sous les projecteurs d’un coup ?

En fait cela ne s’est pas fait réellement d’un coup. La seule fois où j’ai eu les projecteurs braqués sur moi d’un coup c’était ma battle contre Wojtek. J’allais au Rap Contenders 2, en sachant que le 1 avait bien marché, je savais que des gens allaient regarder sans même me connaître et je n’avais jamais vécu cela.

Je me souviens le jour où il est sorti, je rentre chez moi et je me connecte. Et là en effet j’ai vécu ce que c’est que de voir que des gens que tu ne connais pas parlent de toi, et ça fait très bizarre parce qu’il y a pas mal de commentaires négatifs du style « il vient d’où lui ? » ou «  c’est qui ce bouffon avec son grand sourire ? » parce que Wojtek était déjà connu et apprécié du public tandis que moi j’étais un peu le mec qui débarque comme ça.

Je t’avoue que ça m’a foutu le seum. J’ai pendant longtemps cherché à faire un truc dans le rap, j’ai arrêté la fac pour m’y consacrer entièrement, et quand je voyais les commentaires j’avais juste envie de sauter par mon balcon (rires).

Finalement on s’habitue au réactions, et par la suite elles sont devenues très positives ce qui est bon pour l’égo je ne vais pas mentir !

Quand j’ai sorti « Sur la route du 3 :14 » j’ai été surpris qu’il y ait autant de téléchargement. En gros on avait installé un VRAI compteur unique de téléchargement, c’est à dire que c’était un seul téléchargement qui était comptabilisé par utilisateur.

Quand j’ai réalisé qu’il y avait plus de 50 000 téléchargements je n’en revenais pas.

J’ai des potes qui se sont amusés à m’envoyer par textos tout ce que j’aurais pu acheter avec 50 000€, dans le cas où j’aurai mis en vente l’EP à 1€.

 

Pas mal de rappeurs aiment l’exposition, être reconnus dans la rue, etc… Tu es loin de cette hype. Comment est-ce que tu réagis dans le cas où quelqu’un vient t’aborder ?

Je suis toujours cool au premier contact comme quand je rencontre n’importe qui. Sourire et politesse sont de rigueur. Après je m’adapte à la personne car comme on est dans un pays – et une ville – de gros connards on sait jamais il faut savoir être réactif. Parmi les vices développés chez certains je déteste celui qui consiste à venir te parler en étant très désagréable, pour que ce ne soit pas facile de rester cool, et repartir en mode « il se la pète ». Dans ce genre de cas de figure je n’hésite pas à devenir la pire des ordures pour aller vite. Il m’arrive d’interroger les personnes qui m’abordent pour voir si elles écoutent vraiment ce que je fais, car des fois on me demande une photo et ensuite on dit « continue Deen Burbigo » ou autre (rires). Sinon il y a tous ceux qui te témoignent du soutien de manière très simple et sincère, avec eux je peux discuter le temps d’un trajet en métro par exemple. C’est mon public donc je les respecte et j’apprends à mieux les connaître.Tout est une question de respect mutuel.

 

Rentrons maintenant dans le vif du sujet : tu sors ton premier album solo « P-Town » le 26 février. Toutes étapes comprises (écriture, enregistrement, mix…), combien de temps as-tu passé à son élaboration ?

Tout cela a pris environ 1 an et demi. Avec quelques sons dont les bases datent de plus longtemps, que j’ai sortis des tiroirs, dépoussiérés et surtout achevés.

 

Tout a été réalisé au GrandeVille Studio ?

Non il y a pas mal de trucs qui ont été réalisés à New York avec Lionel ElSound qui réalise avec moi, qui mixe et qui est basé à New York. J’y suis allé 3 mois pour bosser avec lui et on a continué ça à distance. Pas mal d’enregistrements, arrangements et réalisations à GrandeVille cependant.

Cela s’est fait entre Paris et New York.

 

Au niveau des productions ? Beatmakers attitrés ou t’en as reç?

Il y a beaucoup de proches, et la plupart du temps se sont des gars différents. Il y a Sheety qui en a fait 2, Myth Syzer qui en a fait 3, c’est donc le plus présent, il y a Monomite, Jimmy Whoo, Kezo, Everydayz, Ikaz, Dela, Hologram Lo, Azaïa, AAyashis…

 

Quand tu as sorti Sur « La Route du 3 :14 », les gens se sont cassés le crâne à imaginer des théories toutes aussi complexes pour expliquer le sens de la cover/pochette. Celle de ton album est, à mon sens, plus simple visuellement parlant mais tout aussi énigmatique. Que voulais-tu représenter ?

L’énigme justement. C’est vrai que c’est le point commun, et que j’aime bien les pochettes énigmatiques qui donnent envie d’écouter le projet. Surtout, il faut que la pochette colle au projet une fois que tu l’as bien écouté. La première était presque un peu brouillon, une explosion d’idées dans tous les sens. Celle-ci va à l’essentiel, elle est plus centrée. Je pense que les deux correspondent bien à leurs projets respectifs.

J’aime beaucoup les pochettes qui sont à base d’illustrations énigmatiques qui mènent à se poser des questions.

 

Il y a 15 titres, sur lesquels on peut ressentir ton amour envers Paris. Je pense particulièrement aux titres « Syndrome », « Ultra Parisien »… A propos de Syndrome, je ne comprends pas la fin du son, puisque tu dis être « victime » du syndrome de Stockholm, comme si Paris était ton bourreau ?

 Je ne suis pas d’accord. Pendant tout le son je fais une balance entre tous les aspects positifs et négatifs de la ville. Il y a pas mal d’aspects où on peut croire que la ville t’influence de manière négative. Du coup, à la fin, je dis juste qu’on l’aime quand même notre ville, parce qu’on lui doit tout.

D’ailleurs si tu regardes la tracklist, j’ai fait exprès de mettre en premier son P-Town pour commencer par la ville, en dernier Fluctuat Nec Mergitur pour terminer par la ville, et en plein milieu Le Syndrome. Sauf que Le Syndrome c’est la seule piste où il y a des trucs très positifs, c’est un peu une déclaration d’amour. La ville est personnifiée en femme, et quand tu as une femme c’est que tu en as fait le choix. Tout le monde a des défauts, et il y a sûement des moments où t’as envie de tuer ta femme, mais comme tu l’aimes tu passes outre les défauts. C’est pareil pour ma ville !

C’était un thème vraiment important à tes yeux ton amour envers ta ville, représenter Paris ?

Ce n’est qu’aujourd’hui que je me rends compte que cet album me donne l’image du gars qui représente Paname A MORT (rires) ! Vu que c’est mon premier album j’ai mis un peu de toute ma personne. J’ai un tatouage représentant Paris, c’est ma manière d’être depuis longtemps. Je me rends compte que ça donne un truc cohérent, mais ce n’était pas nécessairement voulu.

Par contre, plus que représenter ma ville, je la remercie dans les crédits. C’est elle ma source d’inspiration principale, le simple fait d’y marcher la nuit par exemple, mais je ne pense pas que l’album soit l’amour envers Paris car je la descends beaucoup. C’est juste le décor.

 

Et donc à propos de tes inspirations ?

La ville justement (rires). La ville et les comportements humains, des films, de la musique, des événements de la vie, tout ! Par moment pour écrire, quand je suis bloqué, je vis à fond pendant 1 semaine. C’est-à-dire que je vais vers tout ! Je sors, je vois des potes, je fais le con, je mate des films, je lis, j’écoute des nouveaux albums.

Admettons que j’essaye d’écrire pendant 3-4 jours de suite et que je bloque, il suffit que je vive à fond pendant 1 semaine pour que tout redevienne fluide.

C’est une sorte de gymnastique, donc plus t’écris plus tu deviens inspiré, ce qui fait que même en restant coffré chez toi tu peux progresser, simplement par moment tu dois t’aérer l’esprit, ça fait aussi partie de l’écriture.

 

Dans des sons comme Trompe de Fallope ou Les Chemins, on ressent une sorte de déception envers les femmes. Sur ton premier EP il y avait le son Seul où tu jouais le rôle d’un connard avec une femme, et dans Trompe de Fallope c’est l’inverse.

Et je reste un peu un connard dans Trompe De Fallope puisque je rends cocu un gars. C’est vrai que ce sont toujours des relations un peu conflictuelles avec la gente féminine, dans la manière dont j’en parle.

Quand je parlais de faire les sons qui me touchent, je suis de plus en plus touché par les sons parlant de relations et de femmes. Je l’étais beaucoup moins avant. En grandissant, je me rends compte que j’aimerais rendre hommage aux femmes et en parler de manière très positive. Je ne leur ai pas encore assez témoigné tout mon amour (rires).

 

Dans Adrénaline, Le Roseau ou encore Layback, on te sent en totale confiance avec un flow plus acerbe, énervé. Sur d’autres sons comme 3h33 tu es bien plus chill. On a déjà plus ou moins abordé la question, mais quel était le concept de l’album, mettre en avant plusieurs facettes ?

Oui c’est ça. En fait je me dis que quand tu fais un album et que t’es seul, c’est souvent la même voix, les instrus de même, etc…

C’est pour ça que j’ai voulu varier. Par exemple même si l’album à pour décor une seule ville, ça parle de tout, chaque chanson a son petit thème, son angle de vue.

Pareil dans le flow, Trompe de Fallope est chantonné, il y a d’autres sons où je suis plus tranquille, d’autres où je suis plus rapide. Au niveau de la structure des rimes aussi, j’essaye de varier un maximum.

C’est un challenge assez marrant de construire un album, puisque si tu te contentes de faire toujours les mêmes sonorités tu pourras faire vite et bien, mais si tu vois le truc en tant qu’album cela sera plus difficile.

Là je suis content parce que j’ai fait, à mon sens, un album que tu peux écouter d’une traite, et qui a une certaine cohérence.

Parlons de tes feats maintenant, au nombre de 3. Premier featuring assez impressionnant, comment as-tu fait pour avoir Freddie Gibbs ?

C’est grâce à Maxime Robin, son tourneur en Europe. Déjà quand j’allais voir les concerts de Freddie Gibbs il me disait de venir en backstage pour le rencontrer, il m’encourageait à faire un feat avec lui, parce que je n’aurais pas osé lui demander. C’est lui qui a tout organisé et le truc s’est fait grâce à cet intermédiaire.

 

Et le son s’est fait entre France/US ou lorsque tu y étais justement ?

C’est encore plus original puisque cela s’est fait entre Lyon et Paris !

Il faisait des concerts en France dont une date à Lyon, et c’est là-bas qu’ils ont décidé d’aller enregistrer après le concert.

Il y a un gars qui s’appelle Lino qui a ouvert son studio à Maxime et Freddie pour qu’il puisse aller poser. C’était le mieux puisque le lendemain ils arrivaient à Paris mais Freddie allait être claqué, du coup Maxime m’a fait la surprise de le faire enregistrer sans que je sois au courant !

Il m’a envoyé le truc et c’était une dinguerie !!

 

Tu as aussi un feat avec Esso, ton ancien binôme de la Cool Connexion. Cela peut laisser envisager un retour du duo ?

Pars du principe que la Cool Connexion ne mourra jamais ! On est un duo, c’est un de mes meilleur soss’, donc le groupe existera toujours. Pour autant est-ce que l’on fera un truc concret, je ne sais pas mais je l’espère. Je trouve que c’est là que je fais mes meilleurs sons, quand je suis avec Esso. Car on est complémentaire, y a un truc qui fonctionne.

 

J’ai regardé « I Speak HipHop » récemment, le son est vraiment lourd !

C’est un peu la honte en vrai (rires), regarde juste nos dégaines dans le clip ! C’était sur le terrain vague de l’Hermitage justement.

Je n’aime pas mon couplet dessus… Je le laisse sur Internet pour la seule raison qu’il marque vraiment les débuts, et il y a quand même une énergie assez sympa qui s’en dégage.

Et dernier featuring avec la chanteuse assez inclassable Bonnie Banne. C’est une amie ?

Oui en fait elle fait pas mal de sons avec Jimmy Whoo, je la connais très bien et elle vient assez souvent au GrandeVille Studio, je vais à ses concerts, je suis assez fan de ce qu’elle fait. Elle a sorti un projet très cool récemment qui s’appelle Sœur Nature.

C’est assez inclassifiable en effet, mais à mon avis c’est ce qui va faire qu’elle va se faire remarquer de ouf ! Surtout qu’elle chante en français, avec des vraies paroles, j’aime énormément ce qu’elle fait.

J’avais envie de l’inviter sur un son pour qu’on fasse un truc, et ça coule bien je trouve, c’est fluide.

 

Fait assez notable, tu n’as aucun feat avec des membres de L’Entourage. Là aussi cela faisait partie de ta volonté de mettre plus en avant ton propre univers ?

Pour le coup il y avait des feats en cours qui ne sont pas finis, tout comme le son P-Town qui devait originellement être sur « Sur La Route du 3 :14 ».

Il y a aussi le fait que sur 15 sons il y a déjà 3 feats, ce qui fait 12 sons sur lesquels je suis vraiment tout seul. Là je voulais vraiment montrer ce que je sais faire en solo, et le seul album que j’ai déjà sorti dans les bacs c’est celui de L’Entourage justement.

Là j’ai pu me développer en solo, et faire des feats assez inattendus.

 

C’est assez tôt pour poser cette question, mais tu m’as dit toi-même que tas d’autres projets sur le feu ?

Il y a la tournée de l’album qu’on est en train de préparer. Ça va être un gros live avec des musiciens, on ne va pas se contenter de rapper tel quel sur les prods. Ce sera l’occasion de redécouvrir l’album d’une autre façon, on va retravailler pas mal de sons.

Je vais aussi clipper un maximum de sons de l’album, et j’ai aussi un projet en tête qui ne se fera surement pas en 3 jours, mais je ne peux pas t’en parler plus pour l’instant.

 

 

 

Interview réalisée avec l’aide d’Alexandre Bourbon.

Raphael Brami

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"MC, toi et moi, trop d'choses qui nous séparent"

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