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[Interview] Joe Lucazz : « Plus concentré, plus précis »

C’est le mardi 02 aout, sous un ciel gris et beaucoup trop pluvieux pour un mois d’aout, que nous sommes allés à la rencontre de ce vieux baroudeur qu’est Joe Lucazzi, au Planet Sun de Puteaux, 92izzi, pour le mix du volume 2 de son projet No Name. Moi je voulais des réponses, lui des clopes : on s’est entendus… Un grand sourire et une poignée de main plus tard, on était installé à l’étage du studio, où Joe m’explique ce qu’il prépare, se remettant doucement de sa très légère sieste du matin courte nuit de la veille :

On va essayer de jeter un clip début septembre, le projet est prévu pour octobre. On va faire comme les gens normaux, d’abord balancer un clip… parce que l’an dernier, quand j’avais sorti No Name 1, on a pas sorti de clips avant, ni rien. Ça a bien buzzé, mais si on avait préparé le truc, peut être que ça aurait encore plus pris ! Aujourd’hui la vidéo c’est important, nous on avait beaucoup négligé ça, donc là j’essaie de faire les choses. Sur le premier y’a Gatsby, Corner, Kurt Cobain et Double Whopper qui sont clippés, mais on les a pas sortis dans le bon ordre ! Corner, on aurait du le sortir bien avant, Double Whopper qui était le premier extrait du projet sorti en janvier, le clip est sorti en février… on a fait les choses, mais pas dans l’ordre ! Alors que là, je veux avoir déjà deux trois clips en main à la sortie quoi !

Tu savais pour le premier que Corner marcherait autant ? Que ce serait le morceau un peu phare du projet ?

Le truc, c’est que je m’y attendais pas… mais en même temps ce serait mentir de te dire que je m’y attendais pas, parce que je connais Express depuis des années, je connais son talent, et je le voulais spécialement lui, sur ça. Peut-être que j’ai des talents de D.A ? Blague à part, je savais que ça allait fonctionner, je connais Express, je connais son talent, je sais que les morceaux qu’on fait ensemble y’a souvent une bonne alchimie, je le voulais précisément sur ce morceau.

Pour ce qui est des talents de D.A, je vois que tu supervises quand même pas mal ton projet, t’es pas là juste pour poser ton texte.

J’ai fait ça toute ma carrière, carrière entre guillemets, j’ai fait que ça : poser, et me barrer. Alors que là oui, effectivement comme tu peux le constater, je suis au mix, je veux voir les photos, je veux être là au montage des vidéos, je m’implique un peu plus ! Je vois que sans trop forcer, il y a eu un bon retour. Donc si on met un peu plus d’énergie, normalement ça devrait être bon !

Alors justement, tu parles de ta carrière, elle est pas banale : t’es là depuis longtemps, mais d’un côté tu viens d’arriver ! No Name, c’était bien ton premier projet solo véritable ?

Exactement, ouais.

Mais en même temps, t’es là depuis quoi, quinze ans ?

Ouais, même un peu plus. Après, c’est des moments, quand tu commences à rapper, t’es jeune, t’as envie, tu rappes même avec n’importe qui, n’importe où, tout seul, dès qu’il y a des freestyles, machin, y’a une vraie envie ! Après tu grandis, enfin tu vieillis, et tu te dis bon, c’est un hobby ou un taf ? Tu commences à te poser des questions, et puis y’a des moments où c’est pas que t’as plus envie de rapper, mais t’as pas le temps, et puis y’a un manque de motivation.

Parce que pour en faire un taf, il faut se donner à fond, et faire que ça ?

Ouais, c’est comme tout taf en vérité !

Après, il y a aussi des rappeurs à succès qui travaillent à côté, je pense à Swift Guad, il ne se cache pas du fait que son vrai taf, c’est de travailler comme animateur à la mairie de Montreuil, et il est quand même productif et talentueux !

En fait, ça dépend vraiment ta motivation dans la musique. Faire autre chose, ouais, parfois t’as envie de vivre, en vérité ! Le rap quand c’est une passion, c’est tous les jours que t’y penses.

J’ai vu une interview où tu dis que tu écris tous les jours, tu continues toujours ?

Ouais, regarde (il me montre sur la table basse juste à côté de moi une feuille de papier pliée sur laquelle est écrite une dizaine de lignes).

C’est de la pratique pour toi ?

Même pas ! C’est juste que comme je te disais, quand c’est de la vraie passion, tous les jours tu penses à ça, donc tous les jours t’entends un truc, un mot, une phrase, dans un film, une pub, une série, une discussion, t’entends un truc percutant qui t’accroche, et paf ! C’est même pas toi, c’est la mécanique du cerveau ! Enfin si, c’est toi forcément, mais la mécanique est bien rodée. Quand y’a un truc qui t’interpelle, direct ça va partir en une rime, ou peut être une idée ! L’idéal c’est quand t’es vraiment « allumé », comme ça, t’as l’inspi, après c’est par période, tous les emcees aussi je pense. Mais oui, j’écris tous les jours moi ! J’aime bien écrire.

Si t’écris tous les jours, t’as eu du mal à sélectionner tes textes pour le projet là ?

Nan, ça fait un peu cliché, mais c’est dans l’instinct, faut qu’il y ait une part de spontanéité ! Tu dois l’entendre un milliard de fois, mais c’est vrai !

Peut-être même particulièrement chez toi ?

Chez tout le monde, je pense, il y a toujours ton ossature qui est carrée, et puis après c’est selon la vibe, le mood du truc. Ça peut être une intonation, un changement de ton, de voix, ou de mot…

Justement, chez toi on a l’impression que cette « ossature » dont tu parles est en elle-même irrégulière, t’as pas un schéma de rime classique que tu répètes, ça dépend beaucoup des sons. T’es hyper spontané au micro, on a presque l’impression que t’arrives sans trop savoir ce que tu vas poser !

Ouais je vois… ça doit être lié à toutes mes influences.

Musicales ?

Ouais musicales, de rappeurs français, même américains…

C’est qui justement, ces influences ?

J’en ai beaucoup ! Même dans la variété, après ça aussi tu dois l’entendre tout le temps, mais c’est vrai, c’est réel ! Français, y’avait toute l’époque Time Bomb, même avant time Bomb, La Cliqua, Expression Direkt, Ménage à trois, j’écoutais tout ce que j’estimais bon ! Solaar, les premiers NTM

Ah ouais, pas la suite NTM ?

Jusqu’à Paris sous les bombes, je crois. Parce qu’après c’était différent : au début je les regardais, je me disais putain ça déchire, et puis quand toi tu commences à rapper, t’es jeune donc tu te dis je veux être le plus fort, donc tu regardes ça différemment.

Tu te dis plus « je veux être le plus fort », aujourd’hui ?

(Directement, sans hésiter) Oh non. (Rires)

Tu t’en fous de ouf ?

Ouais, de ouf. Je fais mon truc, j’ai confiance, ceux qui sont réceptifs ils prennent.

Tu fais ça surtout pour kiffer ?

En grande partie ! En grande partie…

C’est aussi un taf, quoi.

Oui, je le prends comme. Forcément. Mais pour ce qui est d’être le meilleur, non… je trouve pas ma place.

Par rapport à la scène actuelle ?

Ouais !

Tu la cherches vraiment ?

Non plus, je fais vraiment mon truc. J’aime bien l’époque nineties, mais j’aime bien aussi bien avant, tout ce qui est soul et rock de ces années-là, j’aime bien la musique africaine… j’aime bien la musique.

Et tu te verrais faire de la musique, mais pas du rap ? Un autre style musical ?

Chanter sur un autre support musical, ouais, je pourrais, je pense. Déjà, j’aimerai bien avoir un band.

Genre un truc acoustique ?

Ouais, j’aimerais bien. J’ai vu ce qu’a fait JP Manova, c’était classe son truc, je me suis dit putain c’est bien ça.

Tu sais quoi, tout à l’heure quand je disais que tu arrives avec ton premier projet mais que tu es là depuis longtemps, ça m’a fait penser à JP Manova justement, qui a sorti 19h07 l’an dernier !

Qui est très bon, d’ailleurs… ouais, JP il est fort ! Mais y’en a, comme ça, dans notre génération. Qui étaient là, qui ont fait, puis qui sont passés à autre chose, un peu en retrait tout en étant un peu dans la passion – je suppose hein !

C’est toujours de la passion, pour toi ?

Ouais, quand même, toujours. J’aime bien quand j’ai enregistré un morceau, j’aime bien le réécouter en sortant du studio, je kiffe, je suis content, comme un gamin ! C’est tout le monde, je pense. Si tu perds ça, c’est mort. C’est plus toi qui gères, c’est plus ce que tu veux faire toi, c’est plus toi qui décide.

Toi, on se doute que ça ne t’arriveras pas ?

Nan nan, mais travailler avec d’autres gens, collaborer avec d’autres gens, ouais, à fond ! Pas forcément des gens du hip hop, même d’autres artistes !

Sur le premier No Name, t’as travaillé avec plusieurs beatmakeurs ? Notamment Butter Bullets ?

Ouais, deux prods. Pharell, et Gatsby je crois. J’aime bien leurs prods ! Elles sont épurées, c’est un sample un truc, après c’est au emcee de faire le taf et faut ça prenne, quoi. Mais j’aime bien leur prod, ouais. Après, les 80% c’est Pandemik Muzik.

Ça va être ça aussi sur No Name 2 ?

Ouais pareil, à peu près 80% de Pandemik Muzik aussi. J’aime bien leur touch, je trouve que  ça colle bien, et puis j’aime bien les personnes humainement.

Ça compte.

Ouais bah oui, ça compte grave ! Surtout s’il fait les trois quarts de ton album, si le mec te revient pas… après ça peut rester que professionnel, genre tu le rencontres même pas, il t’envoie les prods, tu fais ton truc… mais quand t’as l’occasion de côtoyer la personne avec qui tu taffes sur ton projet, et qui est quand même à 80% dessus, on s’entend forcément mieux si on se parle, du coup c’est chanmé !

Et là, t’es content du travail pour No Name 2 ?

Ouais, j’kiffe. Je trouve que c’est un cap au-dessus, par rapport à No Name. Enfin pas un cap au-dessus, mais c’est un No Name en plus concentré, plus précis… ça se rapproche de ce que je veux vraiment faire.

Version évoluée, quoi ?

Ouais, exactement.

No Name, c’était le premier projet, mais tu disais que c’était pas un album, mais un album avant l’album… tu le vois comment toi ? Un album, une mixtape ?

Nan, pas une mixtape… bon allez, restons sur un album, il y avait onze morceaux… moi je le voyais pas comme un album, mais il a été pris comme, et ça me va aussi, parce que je l’aime bien ! Il a été fait dans la spontanéité, sans s’attendre à tout ça tu vois ? Enfin, à tout ça, sans s’attendre à ce qu’il soit assez bien reçu, donc c’est cool. Après, avoir la rétention de dire que c’est un album, je pourrais pas dire ça. Mais je peux le prendre tout comme, les gens l’ont fait en majorité.

On a interviewé Damso la semaine dernière, tu vois ?

Damso… un belge, non ? Qui taffe avec Booba ?

Ouais, voilà. Lui aussi a sorti son premier album récemment, et en interview il nous expliquait que lui ne voyait pas ça comme un album, c’est la maison de disque qui a voulu ça, lui parlait de « projet ». Et là, il prépare son album, qui correspond plus à sa vision.

Ouais, c’est exactement ça.

Et l’album tel que tu le vois, c’est ce qui arrive du coup ?

Non, là c’est No Name 2.0, le même en plus concentré, plus de précision dans le choix des instrus et dans les textes aussi, je pense, une évolution. Forcément, j’étais toujours en train d’enregistrer, continuellement… c’est du boulot ! Tu rodes encore plus le truc ! Moi c’est ça que je kiffe, c’est être en studio ! Quand j’ai toutes mes idées et tout, je suis en studio, je suis bien ! Et plus tu fais de studio, plus t’es rodé. Donc ouais, c’est la continuité.

Dans la même veine, mais niveau 2 quoi. Et du coup, tu travailles sur ton album en même temps ?

Ouais !

Donc là, No Name 2, ce sera toujours pas le véritable premier album, dans ta vision des choses!

Non, là ce sera vraiment l’évolution, je sais pas trop comment l’expliquer… après, c’est con mais on évolue tout le temps, si ça se trouve y’aura un No Name 3 ! (Rires) Et après, l’album ! Mais l’album je travaille dessus, j’ai déjà des morceaux. Ce sera l’évolution encore plus poussée de No Name ! Je les taffe tous comme des albums quand même. Là, le 2.0 je peux le prendre comme un album. J’aurais pu l’appeler autrement, peut-être que ça va changer au dernier moment.

Selon l’humeur ?

Ouais, j’aimais bien le titre  parce que ça correspondait bien, le premier No Name je savais pas comment l’appeler, je me suis dit ohlala…

Ah et c’est pour ça, No Name ?

Ouais !

Je m’étais demandé si tu parlais de toi, parce que toi entre J.O.E, Joe Lucazzi, et même ton vrai nom, Aladji, tu le dis dans l’album, je comprenais pas le No Name. C’est le projet qui a pas de nom en fait ?

Ouais voilà, je savais pas si c’était un EP ou quoi… tous ces formats-là, je connais pas trop, et du coup, je savais pas comment l’appeler puisque je savais pas ce que c’était, un album, un street album… enfin j’aime pas street album, ça dénigre direct le taf, alors qu’ils sont taffés comme des albums, je trouve que c’est dommage de dire street album. Après peut-être que moi, je me cache aussi derrière No name pour dire que c’est pas un album non plus ! (Rires) Mais j’aime bien projet, c’est bien, ça regroupe plein de trucs y’a pas de prises de risques, on est sûr que ça colle ! (Rires)

Pour la pochette, l’idée de toi en gros plan, ça t’es venu direct ?

C’était réfléchi, la photo était belle, avec No Name je trouve que ça correspondait bien au truc.

Alors cette cover elle est sombre, et en commençant à écouter le projet je me suis dit que ça tranchait avec le côté chill de Corner quand j’ai découvert, et finalement le projet est plutôt sombre dans sa globalité, le 2.0 sera dans la même veine ?

Sombre, je dirais pas forcément sombre… ouais, possible…

Genre Drogue et Crime, ou le refrain de Kurt Cobain où tu dis que la vie tu la trouves moche, même si tu feras pas comme lui…

Ouais… ça fait deux morceaux ? (Rires)

C’est une impression globale que j’avais eu, comment tu le vois toi ? Ta propre perception, t’as fait un truc plutôt chill, un truc avec un peu de rancœur quand même, tu te dévoiles pas mal ?

C’est un mélange de tout ça quoi, je pourrais pas te dire la globalité du truc. C’est différents moods en fait.

T’as pas l’impression d’avoir une part dominante ?

Alors, ce serait le côté nocturne peut-être. Sombre, pour nocturne, la nuit… pas sombre en soi, enfin possible, il y a une part, ouais. Quand j’écris, quand je fais le truc, je me dis pas que je veux faire du sombre, tu vois ce que je veux dire ? J’écris comme ça.

Tu préfères écrire sur prods ?

Ça dépend. Quand j’ai la prod j’écris dessus, ça m’arrive, sinon vu que j’écris tout le temps, j’ai des bouts de textes dans les poches, j’entends une prod qui me rend ouf, j’essaye… c’est du feeling, des petites idées qui rentrent et ça se construit au fur et à mesure, comme des molécules. (Rires)

Et t’as pas de préférence ?

Le mieux, en vérité, c’est sur les prods. L’idéal. Je le fais de plus en plus, l’écriture sur prod. Même si t’as pas tout ton texte mais des idées, déjà, un minimum. Mais moi je m’en fous un peu, pour ma part ça change pas grand-chose. La prod me met dans un mood, mais si j’ai déjà des textes et que ça colle, ça le fait… et puis souvent j’ai des idées, je suis pas forcément en train d’écouter du son, donc je note, tac.

T’écris sur papier ou sur téléphone ?

Sur papier. La petite feuille, le petit stylo. Je commence à me mettre au téléphone un peu, mais j’aime bien sur feuilles. J’aime bien les ratures, tu retravailles, tu retravailles… après l’avantage sur téléphone c’est que c’est bien clair, structuré, lisible, quand tu poses c’est pratique je pense. Je peux comprendre, c’est plus facile en studio. Mais j’ai des vieilles habitudes, c’est tout ! J’aime bien écrire quoi.

Alors No Name 2, tu l‘as fait entièrement ici, au Planet Sun.

Ouais, c’est ça. J’aime bien, ça fait un petit bout de temps que je taffe ici donc je commence à prendre mes aises, je suis à la maison. Ça s’était bien passé pour le premier, là c’est la même équipe, Pandemik Muzik, comme on se connait tous mieux, y’a plus d’aise quoi ! Ça va encore plus vite, c’est mieux, c’est plus cool pour tout le monde.

Tu dis que c’est la même équipe, au micro aussi ce sera la même équipe ? Cross et Express reviennent sur le 2 ?

(Petit sourire) Ouais.

Et il y aura d’autres feats ?

(Grand sourire) Ouais.

Genre des petites surprises ?

Non, bah des petits feats… des potes !

Là le premier clip que tu vas sortir, ce sera un feat ou un solo ?

Non là c’est un solo. Ça arrive pour octobre, du coup, si dieu le veut !

Et un projet avec Kenny en préparation, outre l’album ?

Avec Kenny Kenz, on taffe sur d’autres projets, on se voit souvent… c’est un frère ! On discute de plein de choses, plein de projets à venir, mais peut-être pas dans la musique, peut-être dans d’autres choses ! Mais toujours en contact, ça bouge pas.

Alors imaginons maintenant, si t’avais pu rajouter un feat sur l’album, avec n’importe quel artiste, même décédé ?

(Longue hésitation) Ah, c’est chaud ce que tu me demandes… laisse-moi deux choix au moins, une meuf et un mec ! (Rires) Oh putain… allez, Nina Simone.

Tu te serais vu faire un feat de ouf avec elle ?

Ouais, grave. Petit piano qui va un peu vite là, moi je lâche mon flow derrière, avec une bonne montée…  ouais, avec Nina Simone. Et en mec, wow… (longue hésitation). Je peux même pas regarder dans le rap, je regarde ailleurs ! Dans le rap y’aurait tellement de monde… je pense surtout à des morts, je sais pas pourquoi ! (Hésitation) Si, Big L.

C’est ton rappeur US préféré ?

Nan, mais quand je réécoute ce qu’il faisait là, je me dis, putain, il était fort. C’était pas mon préféré, mais ses placements, ses rimes, c’était fort.

C’était qui ton préféré ?

J’en avais plein, c’est des époques surtout, ça fait longtemps. Des groupes… oh je peux pas te dire, j’aime trop cette merde ! Moi j’ai toujours été plus influencé New York à l’époque, clairement, mais maintenant c’est plus pareil. Aujourd’hui, je vais te dire si j’aime ou si j’aime pas, mais y’a plus d’identité propre à New York, sinon ça fait direct « à l’ancienne » Cheveux blancs… (Rires)

Moi tu me fais penser à un emcee, qui est encore en vie d’ailleurs, pour ce charisme que tu dégages quand tu prends le micro, c’est Rakim.

Ah ouais, Rakim ! C’est chaud ce que tu me dis là (Rires)

Ouais ouais, c’est pour ça que je te dis ça vraiment pour ce qui est de ce charisme, cette spontanéité au micro, quoi. Cette sensation, on revient vers l’album même s’il est loin d’être tout lisse, c’est rugueux, mais on y revient, c’est attractif.

Ça fait plaisir hein ! Tout le monde dirait ça, mais c’est réel : c’est pas calculé. Je choisis une instru, je la kiffe, je la kicke, j’arrange un peu et puis voilà… si les gens le perçoivent bien, ça fait plaisir !

Y’a eu beaucoup de retour positif sur l’album, globalement.

Ouais, y’a eu des bons retours. Il est sorti que en digital, mais la presse a suivi, pas mal de sites webs, des bonnes chroniques, là y’a une certaine attente pour celui qui arrive en octobre.

C’était ton choix de pas le sortir en physique No Name ?

Non, j’aurais bien voulu ! Je suis un mec à l’ancienne, hein… là je suis pressé qu’il sorte, le 2.

Tu vas te sentir plus léger ?

Non, c’est surtout pour voir comment il va être reçu ! Moi j’aime bien, je pense être assez difficile, donc si j’aime bien je pense que ça va le faire.

Difficile genre tu veux toujours refaire quinze fois les prises, et tout ?

Non, plus dans le choix des prods, dans tout en vérité. Je suis pas perfectionniste, mais la facilité, j’aime pas ça. J’ai des potes ils sont vraiment perfectionnistes, pas dans la musique, c’est presque une maladie ! J’en suis pas à ce point-là. Le piège, c’est que tu peux toujours faire mieux !

Tu penses tu peux toujours faire mieux ?

Parfois, ça se joue à rien, une intonation, un petit truc neuf quand tu le refais.

Genre, tu pourrais reprendre No Name et améliorer les sons ?

En soi non, mais des intonations de voix peut-être, plus d’assurance au micro, plus de certitude ! Plus de précision, encore une fois. Que tu fasses un truc plus rapide, ou même un truc lay back, tu peux être précis.

Jazzy Bazz a sorti un très bon morceau, Lay Back, justement, sur P-Town cet hiver. Tu l’as écouté ?

Non, j’ai pas eu l’occasion… un gars avec Alpha Wann, tout ça ? Ils sont bons, mais j’écoute peu. C’est depuis que No Name est sorti, donc deux ans en gros, que je vois un peu bien ce qu’il se passe, je jette un coup d’œil sur le game ! Parce que avant je m’en foutais, je calculais pas à part les trucs qui me venaient directement, là je redécouvre un peu. Comme j’étais plus dedans, je regardais de loin, là ouais ça va je vois un peu. Je connais pas bien ce qu’ils font Nekfeu, Alpha Wann, mais ils rappent bien, ils dégagent du positif. Jazzy Bazz et les autres j’ai vu qu’ils étaient passés au rap contenders, des trucs comme ça, mais j’ai peu écouté.

T’écoutes quoi en ce moment ?

Des instrus, pas mal d’instrus. J’en ai reçu pas mal, ou ce que je vois un peu, par rapport à mes potes, ou ce que je vois sur les réseaux sociaux quoi.

Et justement, la nouvelle scène d’aujourd’hui, c’est quoi ton regard sur des PNL, Jul ?

Je suis un peu, forcément. C’est tellement lourd comme machine, même dans ton coin si t’en as rien à foutre, ça vient à toi. T’as pas de télé, pas de connexion internet, rien, t’as juste ton pote qui arrive il écoute ça, et ça vient à toi quoi qu’il arrive quoi… qu’ils fassent leur truc ! Moi je suis ma petite route dans mon coin, mais ouais ils sont productifs, ils font leur truc, et ça c’est tout à leur honneur, et puis ils ont ramené leur délire, après y’en a qui aiment ou qui aiment pas Jul, c’est pas le débat, moi j’écoute pas je pourrai pas te dire. A part les morceaux que mes neveux et nièces écoutent, ils chantent, je connais pas. Je sais à peu près ce qu’il fait, quoi. Je m’y intéresse pas plus que ça. Je suis sur ma route… Je jette quand même des coups d’œil, hein ! Je vais pas faire semblant, le mec sur son cheval qui voit rien ! (Rires) Il envoie, il est super productif, moi après c’est pas ma came, mais je respecte grave parce qu’il fait ses bails, et j’aime bien les gens qui font les choses, quoi qu’il arrive. Ça plait à des gens, et lui aussi il a sa ligne, il suit sa route ! Je le connais pas, mais à mon avis il en a rien à foutre, il fait son truc et puis voilà ! Moi je suis pareil mais dans mon délire, voilà. C’est grave respectable ce qu’il fait, et puis voilà y’a des gens qui aiment ! Maintenant PNL, ça me parle plus.

Ça te parle plus que Jul, PNL ? T’en écoutes ?

Nan, c’est que ça me vient… mais pareil, je respecte ! Ça me parle plus que Jul, ouais. Ça n’a rien à voir. Ils font leur truc, ils ont vraiment amené leur patte, c’est ça que j’aime chez certains artistes. Peu importe la musique, ils ramènent de la fraîcheur. Il y aura un temps marqué PNL, c’est cool. Et pus ils font leur truc eux-même, de plus en plus dans la nouvelle génération ! Moi ça m’intéresse pas forcément, si c’est bon ça me vient aux oreilles, je vais dire c’est bon, sinon je m’en fous ! C’est de la musique, c’est les gouts et les couleurs aussi. Si Jul il a fait un bon morceau, je vais dire ouais il a fait un bon morceau ! Enfin j’aime bien ce morceau, un bon morceau ça fait juge (rires). PNL, pareil. D’ailleurs y’a plein de morceaux qu’ils font c’est sur une bonne vibe ! Et puis ça parle aux jeunes, en bien ou en mal, c’est pas le propos, mais ça leur parle, donc c’est qu’il y a un truc.

Toi tu penses que tu parles à qui ? Tu sais qui t’écoutes, ou tu calcules pas trop ?

Je calcule pas du tout, même. Je vis mon truc, on essaie d’être de plus en plus précis, de faire des thèmes, mais globalement je parle surtout de moi, qui perçoit le perçoit quoi ! Forcément, vu que je parle de moi, j’ai des problèmes, des obligations ou des responsabilités qu’un petit jeune de quinze ans, les plus jeunes quoi, n’ont pas.

C’est pas accessible aux plus jeunes, peut-être ?

C’est pas que c’est pas accessible, mais c’est pas eux qui sont visés. Je parle de moi, et de ma vision de la vie que je mène, dans mon environnement.

Tu vises personne, en fait?

Non, je m’exprime… après forcément, t’es obligé de viser quelqu’un, quelque part.

Quand tu penses à Désolé M’man, par exemple ?

Bah ouais ! Enfin Désolé M’man, c’est pour tout le monde, c’était pas un message adressé directement à ma mère. Pour tous les mecs dans la même situation. J’aurais du mal à faire un morceau pour ma mère… Je sais pas. Oh quoique si, en vérité je pourrais. Mais bon là c’est pas l’idée, je suis vraiment plongé dans cette dynamique d’être encore et encore, toujours plus précis.

Et c’est productif comme dynamique, puisque t’as plusieurs projets sur le feu du coup.

Ouais, c’est pour ça je suis content, ça bouillone bien. No Name, le 2 là, ça va redonner un coup d’accélérateur, alors que je suis déjà dans un bon mood, c’est cool. Comme quand tu viens de commencer à rapper et que tu vois que ça prends un petit peu, t’es super content de ouf, ben là ça me fait ça de ouf. Je suis sur le bon mood, c’est de plus en plus précis, c’est cool.

Vu que t’as pris ton temps avant de revenir avec ces projets, t’as eu le temps de laisser mijoter le mécanisme longtemps ?

Même pas, enfin y’a aucune stratégie derrière !

Ouais, mais tu penses que tu aurais fait la même chose si tu avais eu cette dynamique, cet élan de motivation, à l’époque où t’as commencé à rapper plus ? Parce que t’as accumulé de l’expérience, et tout…

Bah ouais, forcément, mais dans le choix des instrus, ça aurait été quasi le même… je pense que j’aurais pu sortir un No Name il y a sept huit ans je pense ! Avec les mêmes idées, après oui effectivement y’a de l’expérience, tu sais encore mieux te placer, prendre le souffle ailleurs, plus d’assurance dans la voix, ça s’acquiert avec le temps tout ça. Mais dans l’idée, j’aurais pu sortir un projet comme No Name y’a sept huit ans.

Tu aurais dit la même chose ?

Ouais… avec sept ans de moins, c’est tout ! (Rires) Y’a des moments tu commences à taffer, et puis tu lâches l’affaire un peu, tu perds le truc… ce qu’il faut dans la vie, c’est la régularité.

Et c’est de ça que t’as manqué ?

Ouais, je pense. Si j’avais été régulier pendant un bon moment, dans une bonne passe, c’est là qu’il faut être productif. Moi souvent, le fait d’avoir fait un peu me contentait, alors que j’aurais pu faire beaucoup plus ! C’est vraiment la régularité qui compte.

Là, t’as trouvé un rythme régulier, dans cette dynamique dont tu parles, depuis No Name ?

Ouais, sortir des projets encore plus précis, encore mieux, ou d’autres ! J’ai déjà des idées, travailler avec d’autres beatmakers, je reçois pas mal de sons… Evolution, précision. Mais c’est toujours du Joe, mais de plus en plus pointu, plus en confiance, à la Marvel évolution tu vois ? (Rires) C’est comme au sport ! C’est quand t’es dans un bon mood que c’est à toi qu’on passe la balle. J’ai plein d’idées que je couche sur papier, j’aimerais bien faire un projet comme je t’ai dit avec un band. Mais avec une pêche, pas forcément tomber dans le créneau d’un truc jazzy, faire vraiment du rap, avec pas beaucoup de guys, mais un vrai projet lourd, avec de la patate ! Que ça sonne hip hop quoi, pas trop jazzy blues, piano bar… un peu de ça aussi, parce que je kiffe, mais pas que ce serait trop facile ! Oxmo est dans ce créneau, beaucoup de gars qui font du slam… Plus comme JP Manova ouais, j’ai bien aimé. J’aimerais bien faire un projet comme ça, pas dans l’immédiat mais j’y pense. J’ai deux trois potes, bons dans leur délire, je sais que si je les appelle ils décollent… je garde ça dans un coin dans la tête !

À proposHugo Rivière

Entêté monocellulaire impulsif, sentimental, très humain et complètement dingue

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