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[Interview] Lord Esperanza : « Penser local, agir global »

Projet business, label Paramour, culture japonaise: pour son concert au MaMA Festival en Octobre, nous avons discuté avec Lord Esperanza… 

Coup de coeur du jury des Inouis du Printemps de Bourges et figure du rap parisien depuis déjà quelques années, Lord Esperanza a déjà plusieurs projets à son actif et un label qui tourne bien, Paramour. Ce jeune rappeur parisien né en 1996 continue à expérimenter et mettre à profit son  héritage musical et littéraire pour faire de la musique à sa manière. A l’aise sur scène autant qu’avec un stylo, le rappeur nous a bluffés lors de son concert, déterminé à chauffer une salle constituée en majorité de pros super frileux.

Esperanza

Sur Wikipédia il est écrit que tu découvres le rap « grâce aux œuvres de Fatal Bazooka, la Sexion d’Assaut, Kendrick Lamar, Snoop Dogg, Nekfeu, MC Solaar, ou encore Doc Gynéco. ». Y’a un procès en cours avec Wiki ?

(rires) Et ouais, c’est Wikipédia fréro ! Nan je découvre le rap avec ceux là mais avec plein d’autres également. Notorious Big, avec la Sexion aussi essentiellement. Depuis La Terre du milieu, c’est ma génération totalement. Fatal Bazooka j’avoue que c’était marrant, mais ça fait pas partie de mes grandes références dirons-nous.

Tu as joué dans le cadre du MaMA, qui est un festival qui a un ADN très découverte de jeunes talents. Quand on voit le reste de la programmation, tu fais partie, si ce n’est tu es, l’artiste le plus célèbre parmi tous, et surtout tu as déjà fait de grosses scènes avant. Pourquoi as-tu voulu jouer au MaMA ?

Le festival du MaMA c’est un festival de professionnels de la musique avant tout. Donc c’est vraiment un RDV annuel durant lequel tous les pros se rencontrent pendant plusieurs jours, discutent, sont présents… C’est un festival très « réseau ». Donc avec mon équipe on trouvait ça intéressant de s’y produire car c’est toujours l’occasion de se connecter avec des gens importants, de se montrer, etc. En effet j’ai eu la chance de pas mal tourner mais en vrai il y a énormément de salles qu’on n’a pas encore faites, de festivals dans lesquels on n’a pas tourné, et mon entourage de tourneurs m’ont dit que ça pouvait être avantageux de faire le MaMA pour rentrer en connexion avec tous ces gens, c’est comme ça que ça s’est fait. C’est des gens avec qui je bosse depuis toujours donc j’ai suivi leurs conseils. Et puis quoi qu’il arrive, ça me permet de faire un concert, et ça c’est génial de toute manière.  

Dans cette logique, d’aller à la rencontrer des professionnels, tu avais également participé aux Inouis du Printemps de Bourges. Qu’est ce que ça t’a amené de participer à ce tremplin ?

Ça me permet déjà de me rendre compte qu’on a cette grande chance en France d’avoir de solides accompagnements culturels pour les jeunes artistes, avec des tremplins, des concours, des regroupements de professionnels… Et ça c’est super il faut en profiter parce que c’est rare ! En plus ce sont des festivals, des salles, qui ont vu passer de très grands artistes qui ont marqué leur époque, donc marcher dans leur pas, faire ces scènes-là, c’est un rêve de gosse pour moi. Et ça fait partie des objectifs que tu te donnes quand tu démarres dans la musique !

La Fête de l’Huma, tu y as participé également. Est-ce qu’en plus d’être un gros festival et d’avoir envie d’y jouer pour les raisons que tu as évoquées plus haut, est-ce que ça revêtait aussi une revendication politique à laquelle tu es attachée ?

Ce n’est pas un élément que je prends en compte forcément dans un premier lieu. Après, c’est cool de savoir que tu participes à un festival qui soutient une idéologie dans laquelle de nombreuses personnes se retrouvent et à travers laquelle ils créent du lien. Donc ça c’est bien. Mais ce n’est pas un élément décisif dans mon choix de participation. Je me retrouve plus dans les petites actions du quotidien, dans des actions locales et de proximité. Penser global, agir local.

C’est un beau credo ça. C’est le nom de ton prochain album ?

(rires) Non. Je ne le connais pas encore. Mais si t’as des idées n’hésite pas !

Ça roule, j’essaierai de réfléchir à un slogan du MEDEF (rires).
Tu développes ton label, Paramour, en parallèle de tes activités. Tu es donc producteur en plus d’être artiste. C’est quoi ton ambition avec cette structure ?

Avant tout j’ai créé Paramour parce que j’en avais besoin pour me signer moi-même en tant qu’artiste avant d’aller voir les maisons de disque. Donc ça comblait déjà un besoin administratif quoi. Et la deuxième chose, c’est que j’avais envie d’aller chercher moi aussi de nouveaux artistes, de découvrir des talents… Ça me permet de rester dans le milieu de la musique mais dans un autre corps de métier quoi. Dans une logique de transmission quoi. J’ai toujours eu envie de créer, mais tout autant de donner aux gens envie d’entendre cette création. Ça a toujours été une réflexion qui s’est imposée au cœur de mes envies. Donc ça s’est fait assez spontanément, et ensuite j’ai découvert de fabuleux artistes sur Instagram, sur des tournages de clips, en concert, et c’est génial.

Je me rappelle qu’à mes tous débuts y’a un mec qui m’a enregistré gratuitement et qui m’a très vite inculqué ces impératifs de transmission et d’aide envers les plus jeunes artistes. Il m’a dit « Ce que je fais pour toi, il faudra que tu le fasses pour d’autres ». Ça m’est toujours resté en tête et c’est ce que j’essaie de développer aujourd’hui avec Paramour.

Est-ce que ça t’a aussi permis de comprendre le fonctionnement du business ?

Oui, avec ses limites. Car l’apprendre en le pratiquant c’est super, mais il y a des gens qui font des années d’études pour faire ce à quoi j’aspire aujourd’hui. Donc j’apprend mais j’ai bien conscience que mes connaissances théoriques sont limitées. C’est aussi ce qui rend l’expérience intéressante parce que du coup je me renseigne beaucoup, je m’entoure de nombreuses personnes, je discute avec des professionnels, c’est très enrichissant. C’est une dimension très stimulante intellectuellement.

Je crois que tu es aussi très cinéphile ?

Pas tant que ça, non. Enfin, je m’y connais, mais pas plus qu’un autre. J’apprécie certains styles de films, des réalisateurs, des époques, mais je n’ai pas non plus une grande culture. En mangas non plus, j’y connais pas grand-chose.

T’es pas très culture japonaise ?

Si, mais pas pop culture (rires). Je me suis beaucoup intéressé aux religions bouddhistes, à l’art contemporain japonais, au design, à tous les grands architectes qui ont rénové Tokyo. Tu vois je me suis plus intéressé à cette partie là de leur culture qu’aux mangas où je connais que DBZ et rien d’autre… Ah si j’ai adoré Death Note pardon, incroyable.
J’adore ce pays, j’ai eu la chance d’y aller et de me rendre compte d’à quel point c’est une culture raffinée, qui a cet avant-gardisme et en même temps des traditions ancestrales très ancrées. Je pense que c’est une passion qui m’a été transmise par mon père, qui adore ce pays. Roland Barthes a écrit L’empire des signes aussi sur ce pays qui est un super livre.

D’où vient l’idée de faire un Planète Rap avec que des filles, et pourquoi avoir voulu mettre ça en place ?

J’ai eu envie de les inviter parce que ce sont des filles super talentueuses, qui font plein de choses intéressantes et j’avais envie de les exposer. J’avais une fenêtre de tir avec cette semaine de Planète Rap donc je me suis dit que je m’en servirai pour une action qui me tenait à cœur.

C’est quoi la suite pour toi Lord ?

Beaucoup de chansons, développer Paramour, lancer ma marque de vêtements, continuer la tournée, préparer le Bataclan du 20 décembre et après on verra. Y’a plein de projets, je peux pas parler de tout mais ça viendra petit à petit.

Merci à toi pour ton temps.

Merci à vous, c’était super.

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