Ne connaissant personne pouvant me donner le contact de Mokless, je passe par Koma pour lui demander si son acolyte pouvait se libérer le mardi 29 décembre 2015 pour une interview. Rendez-vous pris, je me pointe à la mythique Scred Boutique, rue Marcadet, un peu en avance pour le rendez-vous. Mokless arrive, quant à lui, avec quelques légères minutes de retard et beaucoup de centimètres de plus que moi. Nous nous dirigeons vers un petit PMU ouvert en ces jours de fêtes pour parler rap, musique, politique et culture. J’ai eu la chance de rencontrer un des artistes qui m’a accompagné dans ma découverte du rap, que j’écoute depuis presque 6 ans maintenant, que je cite toujours comme une influence majeure lorsqu’on me demande mes artistes préférés. Il a donc répondu sans complexe ni tabou à mes questions, me permettant ainsi de confirmer ce que je pensais déjà de lui : plus qu’un rappeur, c’est un monsieur entier, passionné, profondément humain et réfléchi que j’écoute depuis si longtemps.
La Scred est un groupe actif depuis 1995, avec un premier projet collectif en 2000 : la Scred Selexion 99/2000.
Oui c’est ça. Enfin plusieurs membres avaient déjà sorti des projets précédemment, notamment Koma avec Tout est calculé. Mais c’est vrai que la naissance du groupe et son officialisation se situe en 1998 avec le morceau Scred Connexion sur la compilation Opération freestyle de Cut Killer, qui marque le lancement de notre groupe. L’aventure à 5 commence vraiment là.
On est aux fondements de la Scred et le premier projet réellement estampillé Scred Connexion sera la Scred Selexion 99/2000.
Oui, on peut dire que c’est celui-là. Mais il y a eu des maxis précédemment, comme le maxi Bouteille de gaz (1999), produit par la Scred Production, Partis de rien et Tranchant étaient sortis quelques mois plus tard. On avait donc envoyé quelques vinyles pour annoncer la première Scred Selexion quoi.
À tes débuts, tu t’imaginais arriver au stade auquel tu es aujourd’hui, c’est-à-dire devenir une réelle référence pour, à la fois les puristes, et les rappeurs de la new school ? Je pense notamment au S-Crew avec qui vous avez fait un morceau et qui me fait beaucoup penser à la Scred Connexion dans son approche du rap.
Oui c’est vrai qu’on a influencé beaucoup de groupes. C’est clair qu’au début je ne m’y attendais pas du tout. Quand tu commences à faire du son, c’est parce que tu es passionné, tu as des choses à dire, tu aimes revendiquer des idées et que tu te reconnais dans ce style de musique. Nous on vient d’un quartier populaire, donc il y avait une connotation très cosmopolite et mélangée, où les problèmes sociaux étaient en masse, et on avait seulement besoin d’en parler parce qu’on se sentait très concernés. On est sensibles à la précarité dont on était témoins, et on voulait en parler.
Encore aujourd’hui ?
Oui évidemment, encore aujourd’hui ! C’est pour ça qu’on continue à faire des ateliers d’écriture, des rencontres en province. Par exemple j’étais à Nantes là, à Boissière, dans les quartiers Nord, pour faire un atelier avec des jeunes. J’ai aussi été dans un lycée avec d’autres jeunes. Mais c’est vrai que quand tu commences à faire du rap, tu ne te demandes pas où tu vas arriver, ce que tu vas faire dans ta « carrière ». Tu ne sais pas où la vie te mène. Mais en tout cas, ce que je sais, c’est que moi j’étais déterminé, dès le début. J’avais faim, j’avais envie d’apprendre, de connaître. Je n’ai jamais lésiné sur le travail, vraiment.
Tu as dit quelque chose de très intéressant juste avant : que tu as commencé à rapper parce que tu avais quelque chose à revendiquer… (il coupe)
En fait, quand tu écoutes du rap, tu t’imprègnes forcément de ce que tu entends à longueur de journée. Moi j’écoutais des gars comme Timide et sans complexe, Little MC, Fabe et Koma aussi…
Les Little c’est tout de même moins revendicateur que ce que tu me cites. C’est de la musique funk et plus fun.
C’est vrai, mais moi j’ai commencé par ce biais là. Parce qu’il ne faut pas oublier que le rap c’est aussi et avant tout de la musique. Moi j’aimais ce mélange des deux. Je suis vraiment de cette école mixte où je t’écoutais du son bien revendicateur, porteur de message, et en même temps du plus fun, ce qu’on pourrait appeler « commercial ». Timide et sans complexe c’est des sons comme Putain d’planète tu vois. C’était du rap dur, du rap à constat. Après c’est vrai que Les Little c’était plus Ressens le son, Laisse faire le tempo… J’aimais bien cet apport musical. Justement : je trouvais que si c’était pour faire seulement du social sans cet apport des sonorités, des mélodies, ça ne servait pas à grand-chose. Le rap, c’est l’histoire de l’alliance entre les paroles revendicatrices et les sonorités. J’ai besoin de l’alchimie des deux : du social et de la mélodie.
Mais tu vois aujourd’hui, j’ai quand même l’impression qu’à de rares exceptions près, le rap est beaucoup moins revendicateur qu’à l’époque.
Ça c’est clair, carrément. Mais je pense qu’il y a tout de même des artistes comme Demi-Portion, Kacem Wapalek, Le Gouffre, le TSR Crew, des gars comme eux en France qui sont en indé, qui revendiquent, qui ont des choses à dire.
Dans un style complètement différent du vôtre mais avec des discours qui se rapprochent…
Ben dans un style pas si différent que ça au final.
Je parlais au niveau musical surtout, au niveau des sonorités, des mélodies, et des instrus. Je trouve que ce n’est tout de même pas le même type de prods, ni même de batterie.
Tu as raison. Mais on se retrouve dans l’état d’esprit. Et dans le combat, surtout.
Tu me donnes une transition parfaite, parce que je voulais te parler d’état d’esprit. Pour moi, la Scred se définit surtout et avant tout par un état d’esprit, très famille, presque paternel, avec un message fort et ancré dans la réalité. Est-ce que vous pensez avoir inventé un état d’esprit dans le rap français ?
Non je ne pense pas. Tu sais nous on fait du hip-hop comme ils en faisaient aux États-Unis, on fait du rap engagé, social. Mais il existait déjà avant, on n’a rien inventé. Les valeurs du hip-hop que sont le respect, l’échange, le partage, l’amour, elles font partie intégrantes de notre musique mais tout ça on l’a pioché aux États-Unis… Après évidemment il y a des rappeurs peut être un peu plus « commerciaux », mais ça a toujours existé également, ce n’est pas nouveau. Ce sont les Américains qui ont donné le ton. Ensuite, on l’a adapté à notre sauce, avec notre patte, à la parisienne, avec notre touche « populaire ». C’est peut-être ce mélange là qui détonne et qui peut faire croire qu’on a crée notre propre univers. La direction dans laquelle on va a toujours existé. On l’a seulement développée à notre sauce. Parce qu’on est un groupe à part entière aussi ! La Scred c’est Haroun, c’est Fabe, c’est Morad, c’est Koma, et c’est moi ! On apporte tous des styles complètement différents mais on se retrouve dans le même combat, le même slogan.
Oui je vois très bien. Tu viens de lister les membres de la Scred, en disant que la Scred, c’était aussi Fabe.
Bien sûr !
Son départ, à l’époque, vous a-t-il fait réfléchir sur le futur du groupe ? Est-ce qu’à ce moment là, vous vous êtes dit que vous alliez arrêter parce que la Scred, sans Fabe, ce n’est pas vraiment la Scred ?
Non, jamais. Fabe a arrêté, il avait ses raisons propres. Quand je regardais du haut de ma très jeune carrière, quand il avait arrêté en 2000, je voyais la sienne comme une très très grosse carrière, avec 5 albums…
… et au moins un classique incontestable !
Oui exactement, Détournement de son ! C’est clair que ça m’a touché, et que j’aurai aimé qu’il continue avec nous. Mais j’ai respecté son choix, et on a décidé de faire avec.
Il restera toujours un de vos proches ?
Oui, il restera toujours un proche. Après non, nous ne sommes pas vraiment en contact. Il fait sa vie de son côté, il est dans d’autres sphères, et je respecte ça. La vie continue. On a continué notre musique, et on a développé le truc sans se dire qu’on ne réussirait pas sans lui. On était extrêmement déterminés, on croyait en nous, à fond. On a réuni nos forces et on en a profité pour dupliquer le travail. On a dû réorganiser le travail parce que les tourneurs ont annulé toute une tournée puisqu’il était parti et que c’était la tête d’affiche.
On s’est accroché, on a sorti notre album sans Fabe, à part entière, et même si son ombre est toujours là. On est fier de s’en être sorti sans lui. Mais personnellement, j’aurais préféré faire tout ça avec lui. Je ne vais pas faire le mec blasé en disant qu’on est mieux sans lui, loin de là ! J’aurais aimé faire tout ce bout de chemin avec lui, j’en aurais été encore plus heureux. Mais je suis fier qu’on n’ait pas lâché le morceau. Que ce soit avec ou sans lui, il fallait qu’on réussisse. S’il avait été là, ça aurait été encore mieux : Fabe qui ramène sa touche, c’est pas négligeable… Tu ne peux pas te contenter de renier les services d’un bon élément, peut-être même du meilleur élément, ou en tout cas du plus expérimenté, surtout qu’on marche en équipe depuis toujours. Ce serait maladroit et incorrect de dire qu’on n’a pas besoin de lui. J’aurais aimé l’avoir avec nous.
Mais la vie en a voulu autrement, et on a tous respecté ce choix.
Toi tu n’as sorti qu’un seul album solo… Le poids des mots, c’était en 2011, si je ne me trompe pas. Tu envisages d’en sortir un deuxième ?
J’espère. Ce n’est pas ma priorité number one, j’aimerais bien faire un album de groupe. J’aime bien le partage, faire un truc avec du monde. J’ai fait un album solo mais simplement parce que j’ai vu, au fil du temps, que j’avais plein de titres solos que j’avais terminés.
C’est-à-dire que tu n’es pas parti dans l’idée de faire un solo ? Tu t’es rendu compte que des morceaux solos s’accumulaient petit à petit, t’en as rajouté quelques uns et t’en as fait un album ?
Oui voilà, exactement. Mais c’est vrai que l’album solo est quelque chose qui me trotte dans la tête, que je vais sortir un jour. Mais ce n’est pas quelque chose que je vais me hâter à réaliser. Parce que pour l’instant, j’aimerais bien voir un autre album Scred Connexion avant.
Comment la connexion s’est-elle faite avec Olivier Besancenot, présent sur le son On s’habitue à tout ? Un politicien sur un album de rap, ce n’est pas banal…
Justement, je voulais faire cette intro par rapport à mon morceau, qui est un gros coup de gueule. C’est un pavé que je balance, donc je cherchais quelqu’un pour me faire mon intro. J’ai pensé à lui par rapport à ses fréquents coups de gueule.
Tu le connaissais ?
Non. J’ai un pote qui le connaissait, qui l’a contacté pour moi. Comme il habite dans le XVIIIème et qu’il connaît la Scred…
Tu savais déjà que c’était un type qui aimait bien le rap ?
Même pas ! Ah non pas du tout, je ne savais rien à cette époque. Je savais simplement qu’il n’habitait pas loin et qu’un pote à moi avait son contact.
Et tu es d’accord avec ses idées ?
Oui, je trouve qu’il y a certaines choses qui ne sont pas débiles. Je trouve que le NPA c’est tout de même le moins pire des partis. Après bon… La politique, je m’y intéresse, mais j’essaye tout de même de m’en détacher le plus possible.
Faire du son aussi revendicateur que le vôtre, c’est aussi de la politique d’une certaine manière…
Parler de politique, ramener un homme politique sur un album de rap… Tout ça fait partie de la vie. On essaye de tout prendre en considération, tout ce qui fait la vie et ses aléas, font partie de nos discours. Je peux te parler de politique, d’économie, de sport. La politique n’est pas ni ne doit être un tabou. On en parlera. En revanche, je ne vais pas te dicter ta conduite en te disant s’il faut voter ou non, et encore moins en orientant tes choix politiques. Moi-même je n’ai pas voté aux dernières !
Par choix ?
Oui. Je pense que je ne vais plus voter de toute façon. Je me rends compte que ça ne sert vraiment à rien du tout. La majorité est embourbée. Ce sont des coups d’épée dans l’eau, vraiment.
Est-ce qu’en amenant un politicien sur ton album, tu as pensé à ramener de la conscience politique chez tes auditeurs, essentiellement jeunes ?
Je l’ai vu ce côté-là. J’ai pensé au fait que ça allait sensibiliser les gens. Mais ça n’était pas le but premier, c’était vraiment de faire entendre mon coup de gueule, qui était qu’on ne devait surtout pas s’habituer à tout. Il y a énormément de choses auxquelles on s’habitue, de plus en plus, et il ne le faut pas. Mais le côté lumineux de tout ça, c’est également qu’il y a des choses auxquelles on ne s’habitue pas ! Tu ne peux pas t’habituer à la mort de tes proches…
Non, mais parce que la mort d’un proche est un épiphénomène qui ne se reproduit pas. En revanche on peut s’habituer à la mort.
Je parle aussi de ça dans la chanson ! J’en parle des épiphénomènes personnels.
Oui, tu abordes des sujets au niveau global, et local.
Exactement, c’est ça. Je fais un mélange des deux. Et c’est ce mélange des deux qui permet à ce morceau de rester humain. Je développe ce rap qui essaye de toucher les gens. Je ne fais pas de rap de bibliothèque. Comme ça, les gens peuvent se reconnaître à travers ce que je leur dis. C’est du rap de constat.
Te rends-tu compte qu’il y a des gens qui viennent d’horizons et de milieux sociaux complètement différents de celui que tu évoques mais qui se reconnaissent tout de même dans ce que tu racontes ?
Certainement, mais je ne sais pas d’où ça vient… Tu sais on a été à l’école de la République, comme tout le monde. Et j’ai eu la chance de sortir de mon quartier, d’aller voir ailleurs, d’aller au lycée dans un autre arrondissement, de prendre le métro, de voir des gens. Tout ça, ça m’a ouvert à des environnements différents et m’a permis de m’émanciper. J’ai connu la musique jeune… Tout ça m’a appris à parler à un maximum de gens. On n’a jamais fait de rap sectaire, on n’a jamais revendiqué de communautarisme.
Nous sommes des français d’origine maghrébine mais on n’a jamais trop tiré sur cette corde. On n’a jamais fait de morceaux de raï ou de R’n’B, on n’a pas fait de sons avec des raïman à longueur de morceaux. Tout ça pour te dire qu’on n’a pas exploité ce filon communautaire… Tout simplement parce qu’on n’était pas comme ça ! Ce n’est pas ce qu’on a envie de dire, on n’est pas communautaire. Dans notre entourage, il y a des Noirs, des Blancs, des Juifs, des Chinois.
Par rapport à Jamais 203. Comment le rapprochement avec Guizmo s’est fait ? Parce que vous n’évoluez pas dans la même époque, vous avez un style très différent, une approche presque opposée quand on voit ce que vous rappez et ce que lui rappe.
Tout simplement avec Y&W. À la base ce sont des amis, des frères. Willy l’Barge, il a posé dans tous les albums de la Scred, on a développé beaucoup de choses ensemble, on a co-produit mon album… On avait vraiment une histoire commune !
Donc à partir de là, Guizmo qui venait de signer sur le label, ça commence à devenir forcément un pote à la longue. Quand je vais au studio, je le croise… Et en plus, j’apprécie d’autant plus son travail : je vois en lui un petit jeune qui a la niaque.
Comme toi à l’époque.
Ce n’est pas la même chose. Lui il est beaucoup plus quartier, cité, plus sombre… Et j’apprécie aussi beaucoup sa fougue de jeune.
Il s’est calmé d’ailleurs dans son dernier album…
Oui c’est vrai. On sent la maturité.
Voilà, donc Guiz c’est mon petit frère, on a fait beaucoup de sons ensemble, on a partagé, on a rigolé, les affinités se sont faites. En plus, Despo venait de signer chez Y&W, donc ça fait que moi, à chaque fois que j’allais là-bas le soir pour aller les voir, je les voyais ensemble. De fil en aiguille, c’est même moi qui ai proposé de faire un truc ensemble. Je leur ai dit qu’on se voyait tous les jours, qu’on passait du temps ensemble, pourquoi ne pas faire quelque chose ensemble ? On a fait quelques morceaux, et au bout du troisième, on s’est dit « allez, maintenant on prend une semaine de charbon, on enregistre plusieurs titres ». Et de là, on a fait le projet.
Une expérience assez unique parce que des univers différents, des personnalités différentes, des âges différents… Tout ça fait que tu te transcendes. Ce sont des challenges. Et y a que dans la musique que tu peux avoir de tels moments.
Alors comment expliquerais-tu l’échec de ce projet ?
Quand les publics se croisent, au final, ça ne marche pas trop je pense. Il a manqué l’alchimie en fait. Mais tous les albums d’artistes mélangés ont eu du mal à fonctionner en général.
Et pour autant tu ne regrettes rien ?
Ah loin de là ! Si c’était à refaire, je le referai, et j’espère qu’on en refera un autre ! J’ai adoré cette aventure, et l’expérience m’a enrichi.
On t’a vu récemment dans le clip de Seth Gueko pour le remix de Titi Parisien…
Oui, mais je n’y pose pas. On m’a juste invité par rapport à la dédicace (la dernière phrase du couplet de Seth Gueko est « rendre à ce rap ses lettres de Mokless », ndlr). Le réalisateur m’a contacté samedi pour y aller le lendemain. J’y suis allé parce que Seth m’a fait la kassded, donc j’ai fait ça pour lui seulement. Je ne l’aurais peut-être pas fait pour d’autres.
Parce que là pour le coup, Seth n’a vraiment aucun rapport dans son style, dans ses paroles, dans sa musique, avec toi ou La Scred. Dans ses productions récentes c’est vraiment différent.
On avait tout de même fait un feat à l’époque. Mais bon, c’est la musique. Un artiste que tu apprécies te fait un clin d’œil, tu salues le geste. Mais après c’est tout, ça s’arrête là.
Avec du recul, quel a été l’événement le plus marquant pour la Scred Connexion ?
Pour la carrière du groupe ?
Oui ! Pour la tienne j’imagine que c’est l’album solo.
C’est vrai que pour ma part ça a été une date très importante. En revanche pour le groupe on va dire que toute la période du disque Du mal à se confier reste une grande période. De 2000 à 2005 je dirai. Après, de 2005 à 2010, ça a été une période un peu creuse et bizarre. Il y avait beaucoup plus de trucs saccadés, trap, le rap commençait à prendre un vrai virage. Et après ces années-là arrivent les années post-2010. 2009 on sort Ni vu… ni connu. C’est un renouveau pour nous, une manière de dire qu’on est toujours là, de revenir dans les bacs après 7 ans d’absence. Donc la période 2002 a été très importante. C’est la période où on se jette à l’eau, on fait tous nos bails sans Fabe. Nous on savait ce qu’on valait, mais les gens doutaient, ça a été l’occasion pour nous de leur montrer de quoi on était capables.
Quel regard portes-tu sur la nouvelle vague ? De la bienveillance en tant que Papa de ces jeunes rappeurs ?
Non même pas. Tu sais moi je me trouve très jeune ! Pas du tout le daron des gens. Moi je suis le daron de mon fils, et encore j’ai du mal. Je suis tout ce qui se fait dans le rap. C’est une musique que j’aime profondément, et beaucoup. J’écoute à peu près tout ce qui se fait. Après évidemment je dois passer à côté de certaines choses, mais j’essaye de m’intéresser et d’écouter tout.
J’estime également que la musique ne s’écoute pas à n’importe quel moment, dans n’importe quelle situation. La musique se savoure à une certaine heure, à travers ce que tu vis, dans différentes situations. Donc j’écoute tout le temps avec ce recul-là, en gardant en tête qu’il faut être dans de certaines conditions pour écouter du rap : donc si je n’aime pas ce que j’écoute, ce n’est pas sûr que je ne vais pas aimer, mais peut-être parce que les conditions n’étaient pas propices à ce que j’apprécie. Donc voilà, je me tiens informé. J’aime beaucoup les mecs comme Paco, comme L’Hexaler, Nefaste. J’ai écouté également des mecs comme PNL ou SCH, les mecs qui évoluent dans d’autres divisions.
J’ai apprécié certains morceaux. PNL ça m’a rappelé l’ambiance quartier de Expression Direkt, même si dans la forme c’est très différent. Mais je respecte le fait que ce soit des types qui prennent des risques, qui n’ont pas peur de faire quelque chose un peu différent et à contre-courant. Après c’est vrai que moi je fais du rap où je dis complètement le contraire. Mais on a un vécu différent, pas les mêmes expériences, donc je ne vais pas les boycotter pour autant.
Des types comme SCH, j’aime bien leur façon d’utiliser leur image par exemple. Je trouve que la mise en scène est importante, et qu’il faut savoir bien rapper. Si t’écris pas merveilleusement bien, au moins kick bien. J’estime qu’il y a des types qui ne font pas la même musique que moi mais que j’apprécie quand même.
Par rapport au Scred Festival : quand avez-vous commencé à y réfléchir ?
C’est Koma l’initiateur (voir la récente interview de Koma ici). Il en a beaucoup parlé, il a senti que c’était le moment de le faire. Il a choisi les artistes, a pris contact avec les gens… Dans la Scred, on a essayé de se répartir les tâches, parce que si chacun fait la même chose on n’avance pas. Koma a beaucoup géré le festival. Toute la partie concert sur trois jours au New Morning, avec la date finale dimanche 17. On arrive à minuit le 18 Janvier. Ceci sera accompagné de l’expo graffiti Paris History Of Graffiti, au centre Fleury Barbara, qui retrace l’histoire du graffiti à Paris de 1982 à 2016.
C’est une expo préparée égalament par Koma, car c’est un ancien graffeur qui a tous les contacts avec ces gens-là. Et pour pouvoir raconter l’histoire, il faut la connaître. Voilà pourquoi c’est lui qui est le plus à même d’organiser cette expo.
Sinon on a également, en troisième point, la Scred Exposition qui sera à l’Échomusée. C’est dans le cadre du festival, une exposition sur l’histoire de la Scred, qui se déroulera les mêmes jours que le festival, et que l’on essayera de prolonger.
Tu ne penses pas que cela risque de faire concurrence au concert ou vice-versa ?
Non, justement, parce que le concert est à 200 mètres de la salle d’exposition. Donc les gens vont à l’expo puis enchaînent juste après avec le concert. Et tout est dans le XVIIIème, les gens peuvent passer à la boutique… Il y a un vrai parcours à faire.
On est très fiers de ce que l’on organise là. C’est une manière de très bien débuter l’année et de donner le ton.
Incroyable… Je n’étais pas au courant pour l’expo sur l’histoire de la Scred.
Ah si ! Avec des photos inédites, la discographie complète, des objets que l’on nous a offerts tout au long de notre parcours, des tableaux, des pièces inédites. C’est un peu une façon de rentrer dans la chambre de la Scred Connexion, tu vois. Tu peux rentrer dans ma chambre avec mon histoire perso, avec mon groupe avant 1998, quand j’ai découvert le rap au collège. Tu peux voir l’histoire de Koma qui avait déjà fait ses propres bails à l’hôpital Éphémère, la période où Haroun bossait ses sons et ses instrus chez lui…
Où te vois-tu dans 10 ans ?
J’aurai 48 ans… Je ne me vois pas si loin de ce que je suis aujourd’hui. Mais avec beaucoup plus de concret. On a semé beaucoup de graines, que ce soit la Scred Radio, notre site, notre carrière, notre label ou autre. Tout ça va se développer et d’ici 10 ans, on sera vraiment en place, et encore plus.
Je pense que ce que l’on a semé aura porté ses fruits. Je pense qu’on est dans la bonne direction. On a toujours été dans la bonne, et ça a toujours payé, même si ça a pris du temps. On ne regrette aucun de nos choix, on est fier de notre parcours, et on aime travailler avec les gens qui nous entourent, les labels avec qui on bosse. C’est de ça dont on est fier.
Donc voilà, dans 10 ans j’aurai sûrement quelques gosses en plus, des albums aussi.
T’auras toujours pas arrêté le son ?
Je sais pas, je suis pas marabout (rires). Mais si tu me demandes si dans 10 ans j’ai encore envie, je te dirais ouais, pourquoi pas. Après, l’écriture, c’est pas quelque chose qu’on arrête comme ça.
Tu te vois écrire un livre un jour ?
Non. Non, pas du tout, je ne me vois pas écrire de livre. J’aime bien écrire des chansons, des blocs de texte, des couplets, des refrains, j’aime la musique. Si j’écris un livre, j’aurais l’impression qu’il manque quelque chose.
Peut-être les rimes ?
Aussi, oui.
Le mot de la fin ? Jamais dans la tendance…
(rires) Non, j’ai changé maintenant ! Dorénavant, mon mot de la fin c’est : j’ai pas dit mon dernier mot !
Merci pour ce commentaire Seb ! Peut-être s’est-on croisés, il n’était pas à la Scred Boutique de la journée, il est seulement venu pour le RDV !
À bientôt !
Dégouté! Jsuis passé à la Sred boutique le même jour que toi mais j’ai pas vu Mokless!
Merci pour cette bonne interview! J’attend vraiment un album de la Scred! Que ce soit du solo ou du collectif.