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[Interview] Monkey Theorem : « Depuis le début, l’idée c’est d’apporter un univers »

On a interviewé Monkey Theorem à l’occasion de la sortie de leur dernier projet, Silence Cosmique. Anciens acolytes de Kespar au sein du collectif Contratakerz, les membres du Monkey Theorem reviennent en « solo » avec un album à mille lieux des tendances actuelles. 

Qui êtes-vous ?

Kasper: On est un groupe de 4 personnes, deux rappeurs, 1 DJ – DJ Akor – et un multi-instrumentiste (le Marquis de Saint-Bruno:  bassiste, clavier, beatbox…). On est les 4 composantes de Monkey Theorem mais on travaille aussi avec des beatmakers, vidéastes, graphistes. Le projet est né il y a eu 8 ans, lorsqu’on était que deux, mais on est réellement apparu sur la scène rap locale en 2011.

LREF : À la base, j’ai entendu parler de vous à Grenoble à travers le tag. Il y avait ce collectif, Fly, qui avait bien déchiré la ville.  

Ekors : Notre porte d’entrée dans le Hip-Hop, c’était via le graff avec nos collègues du Fly (collectif de tagueurs/grapheurs de Grenoble). On écoutait bien sûr du son – rap, reggae…- et on a commencé naturellement à faire des freestyles tout en continuant à faire du graff, puis peu à peu le rap a pris le pas sur le graff, ça a pris tellement de place dans nos vies qu’on a mis un peu de côté le reste, mais c’est notre premier amour « Hip-Hopistique ». De toute façon le rap et le graff étaient déjà liés dans le milieu dans lequel on évoluait, à la base il n’y avait pas de magazines de graff, les premiers magazines où tu pouvais en voir, c’était les magazines de rap, comme Radikal par exemple.

Kasper: Du coup quand on a commencé à faire du rap, on avait déjà aiguisé notre œil sur du visuel, ça se ressent d’ailleurs sur nos pochettes ou nos logos. Au début on faisait tout nous-même, d’ailleurs on a toujours été investi dans la réalisation des clips, il y’avait déjà ce rapport à l’esthétique, d’où le fait que dans notre musique, y’a aussi une dimension visuelle évidente.

LREF : Titre du groupe, univers ?

Ekors: Nous à la base on kiffe la Science Fiction, le cinéma en général, donc forcément on  a cherché des noms en rapport avec ce côté SF. Monkey Theorem, c’est un théorème scientifique avec toute l’imagerie qu’il peut y avoir autour, Planètes des Singes etc…

Kasper : Depuis le début, l’idée c’est d’apporter un univers, on n’a pas juste envie de faire du rap, mais on veut aussi raconter quelque chose, on a développé un univers qui nous parle à nous, en partie inspiré de la Science Fiction, mais pas que, on s’inspire évidemment de pleins d’autres trucs, de nos vies, de ce qu’on vit au quotidien, d’un truc aussi très actuel. Après, c’est vrai qu’on essaye souvent de traiter certains sujets de manière originale. Par exemple, le titre « singe savant », c’est une critique de la condition humaine à travers l’imagerie du singe.

Ekors : on ne s’interdit rien,  notre musique est à notre image, autant on peut faire des morceaux délirants que des morceaux spleens ou conscients, mais on essaye de faire en sorte que la métaphore spatiale/singe fasse office de fil rouge, qu’elle vienne saupoudrer tout l’album pour faire le liant, même si on ne voulait pas faire un album concept qui ne parle que de singes et d’espace, pas du tout. Mais de temps en temps on ajoute ces petites références, ce petit rappel à notre univers, que ce soit à travers une mesure ou un titre.

LREF : Les titres comme Hubble Gum, par exemple, s’éloignent de cet univers et ramènent un côté plus « terre à terre ».

Kasper : Hubble Gum, c’est le dernier morceau qu’on a écrit, c’est le morceau qui est le plus proche de nos vies et de ce qu’on ressent aujourd’hui. On l’a fait sans mettre beaucoup d’artifices pour le coup. C’est aussi un peu la conclusion de l’album, revenir à la source, pour moi en tout cas, c’est un retour à mon kiffe de la musique au départ, j’ai commencé à faire du son pour ça, écrire des grands couplets fleuves sans refrain, revenir à l’essence du rap quoi.

LREF : Influences justement? Y’a un petit côté AKH de temps en temps chez toi, Kasper.

Kasper : Akh, c’est sans doute le rappeur que j’ai le plus écouté dans ma vie, donc forcément il a dû m’influencer. Iam, c’est un  groupe très fondateur dans mon kiffe pour la musique, l’école du micro d’argent c’est ce qui m’a mis la tête dans le rap.

Ekors : À la base, moi j’ai plus été influencé par l’époque TTC etc…Mais sinon on est très à l’écoute de ce qui se fait aujourd’hui, que ce soit Sameer Ahmad, qu’on a samplé dans cet album, ou  Taipan, Lino, Orelsan. Un groupe comme les casseurs flowters, avec ce côté humoristique et à la fois grave et désabusé, cette ambivalence, je suis complètement dedans.

LREF : D’ailleurs, même si on ne ressent pas chez vous ce sale côté puriste stérile, on voit quand même que vous êtes un peu à contre-courant de ce qui se fait actuellement, que ce soit au niveau des BPM, du flow ou des lyrics.

Kasper : (Rires). Moi de toute façon j’ai toujours eu le sentiment d’être « démodé », je dis ça c’est de l’humour mais quoi que je fasse ça sera toujours un peu le cas, je prends du temps pour kiffer une musique donc forcément le temps que je l’intègre ce n’est peut-être plus le moment où elle est au goût du jour.

Ekors : Au-delà de ça, on met du temps à faire des morceaux, dans l’écriture, la recherche d’instrus…Pour arriver à faire des morceaux actuels faut être réactif, y’a une tendance qui se fait Bim les mecs qui font ça y chopent une prod et font un morceau dans la semaine. Nous on n’y arrive pas, on met six mois à faire un morceau, on met du temps à digérer tout ça, mais après on peut kiffer aussi les morceaux trap, y’a des sonorités qu’on kiffe à mort. Je ne m’interdirais jamais de faire un morceau trap, on est même complètement opposé à toutes ces notions de puristes à la con comme tu disais, nous on met des étiquettes sur rien du tout. D’ailleurs, ça se ressent dans l’album, on fait aussi des morceaux avec des sonorités électro ou Grime, mais c’est vrai qu’on ne suit pas la tendance rap.

Kasper : Dans tous les cas, si on avait fait un morceau trap, on aurait pris le temps pour le faire à notre sauce, ça nous semble important de ne pas reprendre les codes, les recettes et de tout recracher comme un bon élève. Nous on essaye surtout de s’approprier le truc et d’y mettre notre patte, notre univers.

LREF : Du coup, pas de morceaux trap, drill ou ce genre de délires chelous très actuels dans Silence Cosmique.

Kasper : Sur cet album, c’est vrai qu’il n’y a pas de titres  en dessous de 80 BPM, par contre y’en a à plus de 100, il s’agit des morceaux electro, c’est l’influence qu’on a pu avoir en écoutant de la grime, du dubstep, en gros du son anglais,  avec des gens comme Omar Linx, ou Foreign beggars, qui nous ont surtout inspiré pour la dimension scénique, pour les morceaux qu’on kiffe jouer sur scène, où on s’éclate et où on communique une énergie intéressante. Rapper à 110 sur ce genre de track, quand t’es sur scène, ça te permet de transformer ton rap en quelque chose d’hyper faya, de très dansant.

LREF : Je vous ai d’ailleurs souvent trouvé plus pertinents sur scène que sur CD, même si cette affirmation se dément à l’écoute de Silence Cosmique.

Ekors : À la base, on vient quand même du rap à texte, du rap de « CD », même si c’est réducteur de dire ça, donc même si t’as des sons pour la scène, sur l’album c’est moitié moitié, tu as aussi des morceaux à écouter posé dans ton canapé, à kiffer pour le son et les textes.

LREF : Mot de la fin ?

Monkey Theorem : On est avant tout des passionnés, on fait ça pour le kiffe et pour nous, mais on fait ça bien, de la manière la plus aboutie possible et la plus pro.

BandCamp du groupe: https://monkeytheorem.bandcamp.com/album/silence-cosmique

Tournée: 

07/05/16: Buzzbooster finale nationale – l’Affranchi. Marseille (13)

14/05/16: Popope Party 4 – le Bret. Chazelles sur Lyon (42)

15/05/16: FIMU Festival. Belfort (90)

26-29/05/16: Festival l’Original. Lyon (69)

20/07/16: Festival Rencontres Brel. Saint-Pierre de Chartreuse (38)

 

 

 

 

À proposYugo Veronese

Yugo Veronese pour les réseaux sociaux. Aime le rap, rarement les rappeurs.

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