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[Interview] Prince Waly : « Je veux que tu sois heureux quand tu écoutes mon son ! »

Junior, le premier EP du Prince Waly, est sorti le 2 Novembre. Une occasion pour nous d’aller rencontrer son concepteur, dans ses studios à Montreuil, le jour de la sortie. En pleine effervescence pour la promotion et les retours de cet EP, Waly nous a accordé une heure d’interview. Une heure qui s’est vite transformée en une discussion fleuve avec un artiste à l’humilité flagrante, conscient de son talent, mais terre-à-terre, ouvert et accessible.

 

J’ai essayé de creuser un peu sur ta place dans toutes les entités autour desquelles tu gravites : Big Budha Cheez, Exepoq, 90 Box, Bon Gamin… Tu peux clarifier un peu ?

Alors, déjà, j’ai vraiment commencé le rap avec Fiasko, au collège. C’est mon gars sûr, c’est lui qui m’a filé tous les ingrédients pour faire ce que je fais aujourd’hui. On va pas se mentir, c’est lui qui m’a appris à rapper, en me donnant des conseils. Il rappait déjà avant moi en fait. Du coup, voilà, Big Budha Cheez (BBC) c’est moi et Fiasko.
BBC fait partie de Exepoq Org., qui est un collectif hip-hop réunissant plusieurs talents. Y’a donc nous, y’a mon gars Issaba (rappeur beatmaker, ndlr), y’a KOM notre ingé son, Clifto Cream qui réalise les clips, 90 Box c’est d’ailleurs son collectif de réa, Opaq qui fait de la photo… On est tous originaires de Montreuil et on a monté ce collectif en se disant qu’on a tous un peu de talent, donc qu’en se sortant les doigts du cul, on devrait arriver à faire quelque chose de bien.
Ensuite il y a Bon Gamin, le collectif de Myth Syzer, dont font partie Ichon et Loveni. Je les avais rencontrés à un concert, lors d’un co-plateau…

C’était en quelle année ?

(il réfléchit) 2014 je crois.

T’es sûr que ce n’était pas un peu avant ? Parce que moi je t’ai découvert sur Zéro de Syzer.

Oui ! Avec Clean Shoes ! Mais c’était en quelle année du coup ?

2013 si je ne dis pas de bêtise. 

Yes voilà, donc en 2013 je rencontre d’abord Syzer, avec lequel je fais Clean Shoes. Ensuite, les connexions se font, tous les sons avec Loveni par exemple, on passait par Syzer et, de fil en aiguille, on est devenus assez proches… Tu parlais de Zéro, ça en est l’exemple parfait.

Du coup, puisque tu abordes le sujet : pourquoi as-tu rappelé ton son avec Ichon Zéro alors que c’était le nom de l’EP de Syzer sur lequel était Clean Shoes, il y a 3 ans…

(rires) Oui, c’est pour le clin d’œil, parce que j’avais adoré ce projet ! Et puis bon, il marque également quelque chose d’important pour moi je pense. C’était l’époque de mon lancement :  je me dis que je ne sais pas trop où je mets les pieds, mais je m’y jette ! Et Ichon est de Montreuil, qui est notre point de chute en fait, notre point « zéro » : on part d’ici et on fait notre truc quoi !

Tu parlais de Clifto Cream, donc le mec qui réalise tes clips…

(il coupe) Pas tous ! Il a fait tous ceux de BBC, ceux pour Junior. Soudoyer le maire – qui n’est pas vraiment un clip mais une sorte de long plan séquence en traveling – a été réalisé par Noswil, qui fait partie du collectif 90 Box. Shout out à eux d’ailleurs, ils sont très forts, ils ont clippé pour Jazzy Bazz, Nekfeu

Du coup, tu parles de Jazzy Bazz là. Il était présent sur ton projet avec MedFleed en 2013.

Oui, sur le projet BBC et DJ MedFleed. Le projet n’avait pas vraiment de titre en fait, c’était juste nous. C’était notre DJ à l’époque. Le mec est surpuissant, il avait tout ce qu’il faut pour être notre DJ. Il s’était occupé de l’intro, et il scratchait sur un sample, ce qui lui permettait de faire une mélodie avec. Incroyable le truc ! Il participait vraiment au projet, on l’a construit ensemble. Du coup, on a eu l’idée d’inviter Jazzy Bazz là dessus.

Comment la connexion s’est-elle faite ? Grâce à GrandeVille ?

Oui, c’est surtout grâce à ça en fait. Ils avaient leur studio juste au-dessus du nôtre, du coup, on s’y croisait souvent. En fait, la connexion se fait surtout humainement. Quand l’un et l’autre vous vous trouvez sympas, bon délire et cool, forcément ça donne envie de travailler. En plus, si y’a le talent, pourquoi se priver de collaborer ?

T’as featé avec un autre membre de l’Entourage, Alpha Wann sur Rov or Benz. Est-ce que ce son a été un des éléments déclencheurs de ta carrière ?

 Avec du recul, je pense que oui. On ne va pas se mentir, ça m’a donné de l’exposition et beaucoup de gens m’ont validé à ce moment là, parce qu’ils m’ont vu avec Alpha

… et parce que t’as craché le feu sur le son aussi !

(rires) Ouais aussi ! Et encore, à l’époque je n’avais pas de Facebook, pas de Twitter, rien… J’avais que dalle. Donc très peu de gens ont pu me suivre quoi. Je me suis mis sur les réseaux il y a seulement un mois. À part Instagram (rires) ! Ça j’adore, vraiment, que des photos de sapes, des trucs à la mode, c’est top…
Par rapport à ta question, disons que le morceau qui m’a réellement permis de m’émanciper en solo, c’est Clean Shoes. Je n’en avais jamais fait avant, jamais de solo. Jamais de feat, ou de collab, j’étais que à fond dans BBC. Du coup Syzer m’a permis de mettre le pied à l’étrier, puis il y a eu Rov or Benz, qui m’a donné de l’exposition…
Mais Clean Shoes avait bien marché aussi ! Parce que je pense que c’était un peu un OVNI pour les gens, ils n’avaient pas vraiment déjà entendu ça. J’ai eu pas mal de retour de gens qui me disaient « mais c’est qui ce mec qui parle de Soupline quoi ! » (rires) ! Et ils trouvaient ça cool, ils me disaient que ça passait bien… Enfin je ne sais pas moi, je réfléchis pas, je lance mes trucs et si je kiffe, c’est le principal.

Tu cultives beaucoup l’image de gangstérisme, dans l’intégralité de ton style, que ce soit au niveau vestimentaire, musical, visuel… C’est un univers que tu fantasmes ?

Oui et non. Ce que je fantasme, c’est leur luxure, biff, meufs, grosses caisses… Mais pas leur vie. Parce qu’une vie comme ça, c’est soit prison, soit mort. Et bon, aucune des deux options ne me dit rien qui vaille. Quand je parle de gangstérisme, je parle à la troisième personne en fait. Ou bien, quand je parle à la première, je décide de me mettre à leur place…

… et ça devient du story telling.

Exactement, voilà. Par exemple, dans Vinewood, c’est complètement du divertissement, c’est tiré de GTA en fait. C’est de l’entertainment. En revanche, sur Junior, c’est la culture du hustler, faire le dur mais à la cool… Les vrais gangsters n’ont pas le temps de faire du rap je pense.

Du coup, toi qui aimes tellement ça, si Junior était un film, ce serait lequel ?

Je dirais un mix entre Les Affranchis et Casino… D’où Ginger d’ailleurs ! Pour moi, Les Affranchis ça reste le meilleur, je le mets avant Le Parrain, avant Scarface, ce que tu veux. En plus, c’est une histoire vraie, romancée, mais vraie quand même à la base ! Ce qui m’a le plus marqué, c’est que le type soit un vrai gangster pur et dur, et qu’à la fin il balance tout, il en a rien à foutre ! C’est fou… Tout le long du film tu le kiffes mais à la fin il snitch sans pression.

Toujours dans cet univers du gangstérisme, tu parles souvent d’oseille, mais jamais de manière outrancière ou exhibitionniste. Ce n’est pas grossier. Pourquoi est-ce que tu en parles autant ?

Je ne dis pas que j’ai pas d’argent, mais disons que j’aimerais en avoir plus, pour faire de meilleures choses, en fait. D’un point de vue tant professionnel que personnel, car pour faire de l’argent il faut de l’argent. Et même si je fais un max de biff, je ne serai jamais le seul à en profiter. J’ai une grande famille et je veux mettre les miens à l’abri. C’est plus dans cette optique.

Je ne vais pas te mentir, je suis fasciné par ça. Fasciné car je n’arrive pas à comprendre… Ce n’est que du papier, mais il a une telle emprise sur nous, il dirige tant le monde, que j’en suis dérouté. Donc oui, c’est quelque chose que je veux, mais pas pour mal l’utiliser. Je ne vois pas l’argent comme une finalité, et ce n’est pas ce que je veux que ce soit qui se ressente dans mes textes. Une phrase que je dis résume cet état d’esprit « Pas besoin de tas de gen-ar ». On n’a pas besoin d’une montagne, mais il en faut pour avancer, c’est le nerf de la guerre. Je pense qu’on l’a, de toute manière, cette conscience de l’argent, je connais sa valeur.

« Ce mec rappe comme les X-Men », « Putain j’ai l’impression d’écouter Time Bomb »…

(il coupe) Depuis une quinzaine de jours j’entends même des gens qui me comparent à Fabe !

Ah j’aurais pas dit ça, plus Time Bomb en effet.

C’est ce qui m’a bercé, que veux-tu.

Ça te dérange pas d’être constamment affilié à des rappeurs, à d’autres gens, plutôt que d’être reconnu seul comme tu es ? Tu préfèrerais qu’on te dise que tu fais du Waly ? (rires)

Au début, je kiffais de fou ! Parce que je me disais que j’étais identifié aux meilleurs, donc c’était vraiment un honneur. Cette comparaison est inévitable de toute manière, ce sont mes plus grandes sources d’inspiration. Après, je n’ai aucune volonté de plagiat, je m’inspire en essayant de faire encore mieux si je peux !

Aujourd’hui ça me gave un peu plus c’est vrai, j’aimerai m’en émanciper.  Je me dis cependant que les jeunes d’aujourd’hui, ils n’ont pas connu tous ces rappeurs à l’ancienne, donc ils seront moins tentés de faire cette comparaison et me découvriront sans penser aux autres.

Et quand ils tomberont sur un morceau de Ill par hasard, ils diront qu’il fait du Waly !

(rires) On ne sait jamais !

Ouais, les jeunes de 15-16 ans m’identifieront moins à cette époque là.  Mes petits frères, mes petites sœurs, quand je leur fait écouter le Booba de Temps Mort, ils ne reconnaissent pas. Même les photos de l’époque, ça leur dit rien, et ils sont choqués et trouvent ça nul. Donc oui, ça permet aussi de faire un pont entre les générations.

C’est par manque d’habitude également.

Oui tout à fait. Donc bon, ça peut me faire chier un peu cette étiquette, mais en fait je m’en fous, je passe outre, je trace mon chemin et voilà. En revanche, qu’on ne s’y méprenne pas : ça reste quand même un honneur, ce sont tous des gens pour lesquels j’ai un profond respect, que j’ai toujours saigné. Tous des gens qui écrivaient super bien. J’emploie l’imparfait car je n’écoute plus du tout ce qu’ils font aujourd’hui. Je préfère rester sur ce qu’ils faisaient avant, pour pas être déçu en fait.

Je suis d’accord, je trouve ça dommage aussi. Tous ces anciens qui essayent de revenir sur le devant de la scène, de venir chercher le feat avec Nekfeu par clientélisme, comme Kohndo, comme les X-Men…

Grave, c’est décevant comme démarche. Surtout quand on te propose un feat comme ça, t’as pas le droit de dire non quand tu aimes le rap français (rires). Enfin bon, ils font leur truc, grand bien leur en fasse !

Bon, tu peux en effet être comparé à ces gens là, mais tu as tout de même un flow  de dingue, très personnel et unique. Cependant, l’un des seuls bémols dans ton rap selon moi, c’est sur son manque de variations. As-tu essayé d’en mettre ou bien, tu prends la prod, tu la kickes comme tu le sens sans te préoccuper d’y intégrer des « effets » ?

C’est plus ça, oui. Je reçois des prods, je les écoute dans ma chambre, en boucle. Et là je ne calcule rien, j’écris et je me laisse prendre au jeu. Il m’est arrivé d’avoir des prods trap, tu vois et…

… ça passe pas ?

Ben… Si (rires) ! J’ai craqué !  Et on est entrain de voir pour le prochain projet…  Parce qu’il y a de la bonne trap, hein !

Ah mais moi gros j’adore la trap !

Il y a deux ans, j’étais bloqué. On voulait me faire écouter des choses comme ça, je les refoulais, qu’ils me laissent avec leurs conneries, ça me perturbait. D’un côté, c’est ce qui m’a permis de bien m’imprégner de ce que je voulais vraiment faire ressortir comme atmosphère. Mais aujourd’hui, je tombe sur ça… Mais merde ! J’ai raté plein de trucs (rires). J’ai raté deux ans de ma vie musicale !

Non, c’est bien, tu étais en construction, c’est une étape nécessaire pour un artiste je pense.

Oui mais bon, c’est dommage. Enfin maintenant je sais où je veux aller et la trap, je vais m’y mettre parce que ça me parle. Le cap de l’autotune en revanche, je ne pense pas le passer. Car c’est un outil que certains utilisent très bien, comme PNL, mais moi je ne pense pas que ça m’irait. J’aime bien ma voix comme ça…

Tu as déjà essayé ?

Non… J’ai peur de kiffer… (rires) ! Non en vrai, j’aime ma voix comme elle est. Si je veux du chant, j’appelle des meufs qui chantent et on fait un truc top, comme avec Ada. Y’a plus de chant dans le rap aujourd’hui.

Non, y’a plus de R’n’B

Mec… Le R’n’B, c’était un truc de dingue !

Les Kayna Samet, les Wallen, les compilations Planète Rap à l’ancienne…

Carrément ! Ça manque ! Du coup, je me dis qu’il y a peut-être quelque chose à relancer de ce côté là aussi. Des sons un peu mixant rap et R’n’B.

Tu as rapidement évoqué ton processus d’écriture tout à l’heure. Tu peux nous en dire un peu plus ?

Des fois, j’ai un coup de cœur direct pour la prod et là, je me jette dessus et j’écris. D’autres fois, ça peut m’arriver de bloquer sur une prod, de la kiffer sans plus et donc je la mettrai de côté. Sinon, classique, je mets une prod que j’aime bien genre un Mobb Deep, et je laisse couler l’inspi sur cette instru.
En revanche, il y a une constante : c’est que j’ai besoin d’être concentré, dans ma chambre, au calme. Pour produire un bon texte, je te dis ! Je peux très bien gratter dans les transports, mais je sais qu’en rentrant chez moi je ne serai pas pleinement satisfait de ce que j’ai produit.
J’ai aussi un peu de mal sur la structure des sons. En général, j’écris 16 mesures, j’écris un refrain, je réécris un 16 et voilà. Du coup ça fait des schémas linéaires et classiques, ce qui est dommage parce qu’on peut modeler comme on veut. Du coup, sur la structure des sons je taff avec mon ingé qui m’aide bien.

Fiasko a produit L’Heure des Loups, Syzer a produit Junior intégralement aussi. Tu es vraiment attaché à la dualité entre le rappeur et le beatmaker ?

Sur ces projets là, oui ! Je trouve ça important que le projet ait une couleur propre et bien à lui, j’ai toujours cherché la cohérence artistique. Ça rajoute une plus-value indéniable. Je recherche cette cohérence car elle permet d’écouter le projet d’une traite, sans interruption, sans que l’auditeur ne se perde. Bon après, pour une mixtape, pour un autre style de projet j’ai pas de soucis de bosser avec plusieurs producteurs ! Du coup, ça m’est apparu naturel de travailler exclusivement avec eux.
Surtout qu’à une époque, je n’arrivais pas à écrire sur d’autres prods que celles de Fiasko, c’était terrible… J’aimais tellement ce qu’il faisait que j’arrivais pas à en décrocher. Jusqu’à Clean Shoes en fait. Ça m’a débloqué.

Fiasko c’était que de l’analogique, Syzer que du numérique, notamment de par son affiliation à Bromance qui est un label assez orienté électro. Ça change quelque chose dans ton approche de l’écriture ?

D’un point de vue strictement écriture, non. Ça change sur l’instru puisque les BPM sont différents.

Pourquoi ? Ceux de Fiasko sont plus lents, non ?

À l’ancienne, oui. Mais là ce qu’il prépare… (rires)

On n’est pas prêts ? 

(il rigole encore plus) Ah vraiment pas non, même moi je ne suis pas prêt ! Quand j’écoute ce qu’il fait en ce moment, j’hallucine. Ça n’a rien à voir avec ce qu’il faisait avant, c’est ni de la trap ni du son à l’ancienne. Je pourrais le comparer à du Three Six Mafia, mais remanié à sa sauce… C’est fou !
Du coup voilà, on est là dessus. J’avais plus de facilité à rapper sur ce qu’il faisait, parce que c’était mon influence directe en tant qu’auditeur. Là, j’ai du mal à m’adapter aux drills, aux roulements de drums… Sur des sons un peu plus actuels comme Vinewood tu vois, j’ai eu des difficultés à trouver l’angle d’écriture qui m’allait. Mais ça va, je bosse dessus, je m’améliore, même sur de la trap.
Je m’imagine même faire des refrains chantés, pas en mode vocalises, mais tu sais, des petites nappes, à la Nate Dogg à ses débuts (rires).

Toi qui es tellement attaché à l’image, tu n’as jamais voulu réalisé tes clips ?

Je n’y ai jamais pensé en fait. Par contre, pourquoi pas me lancer un jour et écrire un court-métrage, tu vois. Écrire le scénario d’un petit film, ça me tente. Mais réaliser mes propres clips, non, ou pas encore du moins. J’aime bien que quelqu’un ait un œil extérieur sur mon boulot, qui amène des idées différentes. Ce n’est pas ce qui me parle le plus pour l’instant.

Tu ne fais pas de rap engagé politiquement. Sauf peut-être Soudoyer le maire, qui est politisé. As-tu voulu prendre position pour une cause qui te tient à cœur, ou bien ce n’est qu’un storytelling faisant partie intégrante de ton univers de hustler ?

Il y a un peu des deux. C’est une histoire, on sait que c’est de la fiction, mais on sait très bien que tout les évènements que je décris dans ce son se sont déjà passés. La corruption, le blanchiment d’argent, l’adultère en politique… Je voulais raconter une histoire qui tient la route, et qui reste un peu divertissante tout de même.

Tu as voulu dénoncer cela, ou simplement en parler sans prendre position ?

Non, juste pour en parler. Je fais du son pour se divertir, je veux partager ma musique, et que les gens kiffent. Je veux pas faire du son chiant pour faire pleurer. Je veux que tu sois heureux quand tu écoutes mon son !
De toute façon, en 25 piges de rap, tout a été dit, tout a été dénoncé… Et même pas qu’en parlant de rap, mais aussi de journalisme d’investigation, des dénonciations, des enquêtes, tout a déjà été dit et prouvé. Alors je vais pas me mettre en porte-parole de rap conscient si c’est pour faire de la musique chiante. Venez, on écoute Waly et on kiff, non ?!

Carrément ! J’avais envie d’aborder avec toi aussi un tout autre sujet. Tu revendiques également un côté super old school, à tous tes niveaux. Tu n’as pas peur de t’enfermer dans une case artistique qui t’empêchera d’évoluer ? T’as pas peur qu’en te mettant à la trap, on vienne te dire « Waly c’était mieux avant » ? 

(rires) Ça mec, c’est sûr que ça va arriver !
Déjà, le son Vinewood tu vois, tu sens que c’est le début de la fin ! En vrai, je vais tout faire pour ne pas qu’on me foute une étiquette dont je ne pourrais pas me séparer, parce que c’est le pire des carcans. Mobb Deep disait dans une récente interview que j’ai lue, que s’ils n’ont jamais explosé internationalement, c’était à cause de leurs fans. Dès qu’ils essayaient d’autres choses, ils se faisaient décrier parce que leurs fans préféraient ce qu’ils faisaient avant.

Le pire ennemi d’un artiste, c’est son public. 

Voilà. Je me dis que j’ai pas envie que ça m’arrive. Du coup, c’est encore le moment pour moi de m’orienter vers d’autres expériences, et si ça me plaît je fonce. Si la prod m’a vraiment giflé, je foncerais dedans, que ce soit boom bap ou trap ou cloud ou quoi que ce soit. Je ne ferai pas de la trap parce que ça fonctionne, mais parce que ça me parle.
Après tu vois, je garderai toujours une patte un peu old school je pense. Ne serait-ce que mes sapes, tu vois ! Je ne trouve pas ce qui me plaît dans la mode actuelle, c’est pas de ma faute. Ce sont des fringues que je voulais quand j’étais gosse, que je ne pouvais pas acheter, et maintenant je peux me le permettre. Je ne vais pas me priver. Même dans les films que je regarde, ce qui me parle le plus c’est avant 2000.

On arrive sur la fin de l’interview, j’ai quelques questions un peu plus chill à te poser. Déjà, tu veux pas nous pondre un projet avec Alpha ? S’il vous plaît les gars !

(rires) Déjà je vais te dire : actuellement, Alpha, pour moi, il est au dessus de tout le monde. Tout simplement. Il a une façon d’écrire, de trouver des placements incroyables… Je ne comprends pas. Du coup, ça m’intrigue énormément. Sur Alph Lauren II, il y a Barcelone. C’est un son aux sonorités vraiment actuelles, même dans la prod, et lui, il est arrivé à la retourner complètement, à sa sauce, avec sa propre technique, j’arrive même pas à piger. Et ça me challenge énormément, ça me donne envie de me surpasser, d’être meilleur que moi-même.
Donc oui, un projet commun, ça me plairait énormément. Après, faut le travailler, faut que ça concorde au niveau des emplois du temps. Mais si ça se fait un jour, ça peut être vraiment pas mal.

T’aurais un top 3 de tes rappeurs français ? Alpha est dedans j’imagine. 

Ouais, Alpha sûr. Je mettrai des mecs qui m’ont marqué. Joke aussi du coup. Je l’ai connu à l’époque de Prêt pour l’argent, et ça me parlait bien. Après, ça s’est enchaîné, et ça a marché. Et dès le moment où je l’ai connu, j’ai su que ça allait marcher pour lui. Pareil pour Alpha d’ailleurs. C’était à l’époque où 1995 faisait tout plein de petits open mic un peu partout. Une fois avec BBC on avait été invité par Swift Guad pour faire un petit concert dans une cave. On devait être 20 personnes, pas plus. Et ils étaient là. Quand ils sont passés, j’ai kiffé. Je lui avais même envoyé un message à l’époque, pour le féliciter, et lui aussi avait bien aimé ce que je faisais ! Et aujourd’hui, t’as vu où il est ?

Et tu as vu où tu en es toi aussi !

Ouais, ouais. Ça commence, doucement mais surement (rires).
Du coup eux deux oui. Après, au sommet de la pyramide toutes époques confondues, je mettrais Ill. Jamais détrôné. D’un point de vue texte, flow, thèmes abordés, mots utilisés, références… Pour moi c’est juste incompréhensible, tout simplement. Du coup, ce serait mon top 3 perso oui.

Y a-t-il une punchline que t’aurais aimé écrire ?

Une punchline de Ill, sur le son Time Bomb Explose. Un moment il fait « J’compresse plus de disques qu’Elvis Presley n’a d’graisse« . Celle-là était dingue. La façon dont c’est écrit, ça me transcende.

Tu te vois où dans 10 ans ?

Je serai toujours à Montreuil, je pense. C’est là où je me suis construit, là où il y a ma famille, tous mes gars sont de là. Je ne resterai pas planté là, je voyagerai beaucoup je pense. Mais mon point de chute sera toujours ici.

Tu ressens un très fort attachement à ta ville, mais tu ne le revendiques pas trop dans ta musique.

Non, ou alors de manière implicite. Tu vois, je ne vais pas commencer mes sons classiquement en disant « Yo, Waly, Montreuil aight« . En revanche, ma pochette d’album est shootée à Montreuil, j’ai fait M.City Citizen qui est une ode à ma ville, quand je parle de l’heure des loups avec BBC c’est pour évoquer le moment où Montreuil devient M City… Donc je revendique cet attachement d’une autre manière. Je kiffe ma ville, plus je peux la représenter, mieux c’est. C’est elle aussi qui fait Prince Waly.
Après tu vois, à Montreuil, il y a un argot très spécifique à notre ville, comme « narvalow », « nachave »…

Qui vient du vocabulaire gitan, non ?

Oui, oui, complètement, et on se l’est beaucoup approprié. Mais je n’utilise aucun de ces mots dans mes textes car je ne veux pas que l’auditeur bloque sur un mot en écoutant mon son. J’évite cet argot pour que ma musique puisse toucher le plus de monde et qu’elle soit appréciée par tous.

Merci à toi Waly !

Merci à vous d’être venus les amis.

À proposLeo Chaix

Grand brun ténébreux et musclé fan de Monkey D. Luffy, Kenneth Graham et Lana Del Rey, je laisse errer mon âme esseulée entre les flammes du Mordor et les tavernes de Folegandros. J'aurai voulu avoir une petite soeur, aimer le parmesan, et écrire le couplet de Flynt dans "Vieux avant l'âge". Au lieu de ça, je rédige des conneries pour un site de rap. Monde de merde.

3 commentaires

  1. Waly gère dans ce qu’il fait. J’aime beaucoup ses sons.
    Cependant, je serais dégouté qu’il se mette à la trap… Même si j’ai bien aimé Vinewood. Comme vous l’avez dit: l’ennemi de l’artiste c’est son public.

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