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[Interview Part: 1/2] Pumpkin & Vin’S Da Cuero: « La clé pour toucher les gens, c’est d’être honnête et sincère »

On vous a déjà beaucoup parlé de Pumpkin. En avril 2013, on l’interviewait déjà pour son précédent projet, Silence Radio. Deux ans après, elle a fait son bonhomme de chemin et c’est en compagnie de Vin’S Da Cuero, son producteur et compagnon, que nous la rencontrons pour parler de Peinture Fraiche.

Pumpkin, deux ans environ depuis Silence Radio, que retiens-tu de ce projet ?
P: C’est un projet qui est sorti chez Mentalow, c’était la première fois que l’on bossait avec un distributeur et des moyens sur la communication, de manière professionnelle en fait, avec trois mois d’attaché de presse. Je ne regrette pas du tout d’avoir mis un petit peu de sous (ça reste un petit peu, à notre niveau), parce que ça a vraiment permis d’installer le nom Pumpkin sur la scène rap française indé, ça a bien circulé. Tout ça couplé au Printemps de Bourges, et à toutes les scènes qu’on a faites en 2013, qui étaient quand même assez intéressantes: la fête de l’Huma, une belle première partie de IAM… On a fait pas mal de concerts qui étaient chouettes.

Il y a eu pas mal de retours presse aussi.
P: Ouais, c’est vrai, même de la part de mes pairs, de la scène rap indé.

En effet, j’ai vu que ton réseau s’était élargi.
P: Carrément ! J’ai rencontré plein de gens, des retours qui font plaisir. Globalement, très contente de l’élan qu’on a pris avec ce projet là, et qu’on n’a pas lâché depuis puisqu’on continue à surfer un peu dessus.

Et en terme de ventes, ça a donné quoi ? Est-ce que tu payes l’ISF ?
P: Bien entendu, tu crois quoi ?! (rires).
Vin’S Da Cuero: Loin de là…
P: On a vendu les 300 vinyles, on a vendu la majorité des CD, on en avait fait 1000. Comme on n’avait pas mis la barre trop haute, ça permet de ne pas avoir de grosses déceptions. On reste prudents. Ce qui permet, quand tu as tout vendu, d’avoir l’impression d’avoir triomphé parce que tu n’en as plus… T’es sold out quoi !
V: Surtout que maintenant c’est tellement difficile dans la musique ne serait-ce que de se rembourser. Donc quand tu arrives à rentrer dans un processus où tu rembourses à chaque fois tes projets quand tu les sors, tout d’un coup c’est la fête parce que ça te permet de continuer ce que tu fais. Parce qu’on réinjecte tout dans notre musique, et puis après, ça permet de faire des concerts et c’est vraiment à ces moments là, avec la SACEM, les droits d’auteur etc. que tu récupères de l’argent pour toi personnellement. Silence Radio, on s’est remboursés depuis le temps, mais c’était pas évident. Sur le papier, tu prends un attaché de presse, tu fais 1000 CDs, 300 vinyls…

Surtout sur un créneau un peu différent.
V: On est sur un créneau assez étrange. En France surtout…

Tu es une rappeuse, pas forcément dans un délire urbain ou racaille.
 P: C’est un créneau qui est un peu le cul entre deux chaises. En France, surtout. Parce que je me reconnais dans plein d’autres artistes étrangers. Je ne dis pas qu’on importe un système, mais en tout cas on s’inspire de choses qui nous ressemblent et on essaye de mettre en œuvre des manières de faire en France.
V: On s’inspire clairement des anglo-saxons qui n’ont pas pour habitude de rester dans une case. Et ça depuis toujours. C’est pour ça qu’ils ont inventé plein de styles musicaux, que ce soit en Angleterre ou aux États-Unis. Ce sont des mélanges. Bon après, il y a d’autres pays qui font ça comme le Brésil ou les Pays-Bas.
P: En plus, on nous demande de choisir de temps en temps. Les gens nous demandent: « Bon alors, vous faites quoi ? De l’électro, du rap, parce que toi, t’es une fille…« .
V: Mais le public s’en fout de ça

En vrai, la seule question, c’est j’aime ou j’aime pas, point final.
V: Exactement ! C’est la question essentielle. C’est un truc de professionnel de se prendre la tête sur la définition du style musical. Ce que je comprends, hein ! On est les premiers à continuer de leur vendre comme ça.
P: Ils ont besoin de nous vendre. Et du coup ils se posent la question de comment ils vont nous positionner.
V: Surtout maintenant que c’est la crise, t’as besoin d’être rassuré et de savoir exactement où tu vas mettre les pieds, et faut que ça soit le plus simple possible. C’est vrai que nous la musique qu’on fait, qui est un peu électronique mais en même temps très boom bap, très rap… En plus nous on n’a pas des images de racailles. C’est l’image qui est véhiculée le plus souvent en France dans les gros médias, parce qu’ils aiment les trucs un peu sensationnels qui font flipper parce que ça fait de l’audimat. Un peu comme Enquête Exclusive sur W9, c’est un peu le « Enquête Exclusive » de la musique et les médias adorent ça. Comme on ne rentre pas dans ces codes là, les professionnels se tâtent un peu. Au pire on s’en fout, on fait notre truc, ça marche de mieux en mieux. On est carrément sur la pente ascendante et on ne va pas s’arrêter.
P: Franchement, si tu commences à te poser toutes ces questions, tu fais rien. Il y a toujours ces personnes qui n’aimeront pas, qui se demanderont ce que c’est ou qui ne comprennent pas. Donc de toute manière, c’est la démarche qu’on a depuis le début: on fait les choses qui nous font plaisir. D’autant qu’il y a une espèce d’honnêteté et une sincérité qui doit sans doute se dégager et toucher certaines personnes. Moi en tant que public, c’est ce qui me touche aussi chez un artiste et je pense que c’est la clé pour toucher les gens: être honnête et sincère. Être droit dans ce qu’on fait, assumer ses choix. On a fait des choix pas évidents au niveau commercial et du coup ça met du temps pour arriver aux gens mais ça permet de fidéliser une fan base solide. Donc on est contents.
V: Ce qui est cool aussi, c’est qu’on parle beaucoup aux artistes. Au début, ça nous faisait pas mal halluciner, parce que quand tu es amené à rencontrer des gens que tu idolâtrais… Par exemple on a rencontré Solaar il n’y a pas longtemps, qui nous a félicité. Quand tu commences à rencontrer des gens que tu admirais quand tu étais adolescent, comme Vicelow,  c’est assez ouf. Les mecs te disent qu’ils aiment beaucoup ton travail et ta démarche. Au début c’est bizarre et ensuite tu te dis « Putain, c’est quand même cool !« , et c’est aussi pour ça que tu fais de la musique. Tu fais de la musique parce que tu as envie de plaire au public, mais quand tu as tes pairs qui viennent te féliciter… Tu vois des gars comme Grems qui spontanément est allé voir Cécile (Pumpkin, ndlr) après Silence Radio en lui envoyant un message pour lui dire que ça déchirait, tu te dis que c’est fou.

À proposLeo Chaix

Grand brun ténébreux et musclé fan de Monkey D. Luffy, Kenneth Graham et Lana Del Rey, je laisse errer mon âme esseulée entre les flammes du Mordor et les tavernes de Folegandros. J'aurai voulu avoir une petite soeur, aimer le parmesan, et écrire le couplet de Flynt dans "Vieux avant l'âge". Au lieu de ça, je rédige des conneries pour un site de rap. Monde de merde.

4 commentaires

  1. J’avais découvert cette artiste avec le morceau « L’ascenseur », et quelques morceaux avec Supafuh je crois. J’aime bien son discours sur sa musique, la façon dont elle conçoit sa création… Après, nous sommes à une époque où le public n’est pas forcément demandeur de ce genre de musiques ou même de femmes qui font du rap (et qui mettent leur musique au premier plan et pas leurs corps). C’est dommage parce qu’il y en a pas mal qui sont intéressantes.

    Pour parler de l’album, je dirais que je la trouve plus « énervée » ou sèche dans sa façon de rapper que sur les précédents projets mais il faut évoluer n’est ce pas. Le morceau « Louder » a ma préférence.

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