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[Interview Part: 1/2] Pumpkin & Vin’S Da Cuero: « La clé pour toucher les gens, c’est d’être honnête et sincère »

J’ai l’impression que ce qu’on appelle la scène alternative est en train d’éclater, pour devenir juste du rap tout simplement. Phases Cachées, il y a 7 ou 8 ans, on aurait dit que c’était du rap alternatif !
V: Peut-être, oui. À l’époque, il y avait Sniper par exemple, au niveau alternatif un peu décalé. 3 Mc’s, dont un qui était un peu dans la mouvance reggae (Blacko, ndlr).
P: Oui, difficile de ne pas faire la comparaison.
V: Après c’était très commercial, pas les mêmes sonorités que Phases Cachées.

Je trouve que le terme de rap alternatif est en train de disparaître. 
V: Je pense que 1995 en 2010 a fait beaucoup de bien, en fait. Parce que avant ça, c’était très stéréotypé. De 2000 à 2010, c’était très caillera: le début de Booba qui part en solo, Rohff, 113 et la Mafia K’1 Fry. Toute l’attention était focalisée là-dessus. Puis les média et les réseaux sociaux ont commencé à changer et permis à des artistes comme nous d’avoir plus de visibilité. Et je pense qu’en 2010 avec 1995 qui arrive et cartonne auprès du jeune public, ça a redonné un souffle nouveau et une autre image au rap. On surfe un peu dessus aussi. Cependant, je pense que c’est en train d’évoluer, de plus se structurer qu’à cette époque, avec les Can I Kick It surtout. Après ça s’est écroulé pour diverses raisons, on ne va pas en parler mais ce qui est cool, c’est que le public et surtout les jeunes, commencent à comprendre qu’il y a plusieurs scènes de rap, comme il y a plusieurs scènes de rock.

En vrai, il y a plusieurs scènes de tous les genres musicaux.
V: C’est ça ! Et le rap on a souvent eu tendance à dire… Je me rappelle, quand j’ai commencé à faire des prods vers 2005, à mes 20 piges, les gens me disaient que je faisais du rap old school. Ils n’arrêtaient pas de me dire ça. Non ! Non, je ne fais pas du rap old school, je fais du boom bap tout simplement. À côté, il y avait TTC qui faisait du rap électro à fond, on leur disait pas « ah, vous faites que de l’électro« . Les gens avaient du mal à vraiment séparer les genres, les styles: il y avait soit le rap, soit le rap old school, mais rien entre les deux. Si, à la limite, on pouvait parler de rap chelou (rires). TTC on pouvait le classer là dedans: mix entre rock, électro, c’était un peu n’importe quoi. Cachin appelait ça du rap de blanc. C’est le fameux rap de blanc.
P: Il y a un truc qui est fou, c’est que tout ça est souvent réduit à la recherche de sous genres…

Pour vendre !
P: Ouais, mais putain c’est des artistes quoi ! Ne les classifions pas comme étant du rap comme ci ou du rap comme ça. À un moment donné, il faut devenir un artiste qui soit suffisamment fort et avec une personnalité assumée, qui amène son propre délire pour niquer tout ça. Pour moi, Hippocampe Fou, c’est Hippocampe Fou, point final. Je n’ai pas envie d’essayer de le rentrer dans une case artistique.

C’est pour ça que je vous disais que tous ces termes sont un peu en train de disparaître.
V: C’est en train oui, en ce moment. Je pense qu’il y a encore du chemin, mais ça sera complètement aboli à partir du moment où les grands médias ne feront plus du tout de différences. Dans les gros médias, tu traites pas Marilyn Manson comme tu traites Paul McCartney. Par contre, tu traites encore Booba comme tu traites Hocus Pocus.

Parce qu’il n’y a aucun expert musical en France.
V: Bah, il y a Mouloud Achour un peu. Après, il a fait des  choix assez étranges.

J’aime bien ce qu’il fait Mouloud, mais ça reste quand même très limité. Je veux dire que quand on convoque des experts pour parler de rap en France, que ce soit Cachin ou autre, visiblement, ils ne savent pas de quoi ils parlent.
V: Non, non. Tu as raison.

Loin de moi l’envie de cracher sur lui, il a eu une grosse carrière, mais des fois je l’entends parler, je me dis: mais pourquoi c’est lui qui parle ?
V: Je pense qu’il y a toute une scène qu’il ne connaît pas.

En France, on a un problème de représentation culturelle. Pas qu’au niveau du rap, à tous les niveaux musicaux.
V: Oui c’est compliqué, c’est très compliqué. Nous on galère souvent avec ça, ne serait-ce que pour trouver des concerts. Là encore ça va mieux, mais je me rappelle, il n’y a de ça que trois ou quatre ans, quand tu disais que tu faisais du rap, c’était la guerre. Il fallait dire « on fait du rap comme Hocus Pocus« . Alors ça n’a rien à voir mais bon.
P: On est propres, on fume pas. À la rigueur si on était des grosses racailles méchantes…

C’est quand même une forme de racisme.
P: Moi ça m’emmerde d’être obligée de réfléchir à la manière dont je vais me définir pour mettre toutes les chances de mon côté pour développer ma musique.

Si tu leur dis « Artiste végétal », ça ne passe pas ? (rires)
P: Femme végétale, ouais ! En vrai c’est toujours pareil: est-ce que tu dis rap ? Est-ce que tu dis électro ? Est-ce que tu dis rap alternatif ? Comment présenter ma musique ?
V: Pour cet album là, on a choisit de ne pas dire « rap », par exemple. On a choisi de parler d’électro boom bap, c’est ce qui apparaît dans les notes de presse. T’as le boom bap qui parle aux puristes de hip-hop, parce qu’ils savent profondément ce que c’est, mais il n’y a pas le mot rap. Ce sont des détails par lesquels on est obligés de passer.
P: Tu essayes de mettre des infos dans la tête des gens, de manière détournée. De faire en sorte qu’il y ait des mots-clés qui parlent à certaines personnes mais de manière positive. C’est du marketing. Si j’arrive en disant que je fais du rap, je peux être sûre que si je n’explique pas derrière, ou que je ne fais pas écouter ma musique, ça ne donne pas d’emblée l’envie d’écouter à beaucoup de gens, malheureusement. C’est la réalité des choses. Et ça fout le cafard.
V: Tu veux un exemple probant de ça ? C’est le dernier album de Guts. C’est un des albums les plus rap qu’il ait sorti ces dernières années. L’album s’appelle Hip Hop After All, donc il est bien dans le rap et il est vendu dans les rayons électro.

La magie des disquaires.
V: Ah non, c’est toi qui décides du rayon auquel tu veux être estampillé. Si tu fais du rap et que tu demandes à être classé en heavy metal, tu ne vas pas y être mais normalement c’est toi qui choisis. Je pense que c’était un choix marketing de leur part de placer l’album sous la bannière electro parce qu’il aura plus de ventes, plus de presse. On peut pas les blâmer parce que je pense qu’ils ont bien fait. Pour moi c’est pas cohérent mais bon…
P: À la Fnac des Halles, le rayon electro donne plus envie que le rayon rap.

Pourtant il est déjà pas mal le rayon rap là-bas.
V: Ils l’ont refait là, il n’y a pas longtemps.
P: Attends il est chanmé le rayon électro de la Fnac !

Oui, j’adore regarder les vinyls surtout, ils sont toujours beaux. Ils sont super créatifs les artistes.
V: Je suis d’accord, ce sont de bonnes inspirations.

Bon, parlons de Peinture Fraîche du coup. Racontez-nous un peu le processus de création de ce disque.
V: On a bossé environ un an et demi dessus, de l’été 2013 où on a posé les première pierres du disque en créant l’instru de Bye bye Madeleine, qui est le premier morceau que l’on a crée pour l’album, jusqu’au mastering en fin 2014. Donc ça fait un an et demi de boulot, oui. 12 morceaux, on voulait vraiment faire un format album, sans être trop long non plus pour ne pas se perdre.
P: L’idéal, c’est quarante minutes d’écoute. Passé ça, on n’a plus les capacités de concentration je pense.

À proposLeo Chaix

Grand brun ténébreux et musclé fan de Monkey D. Luffy, Kenneth Graham et Lana Del Rey, je laisse errer mon âme esseulée entre les flammes du Mordor et les tavernes de Folegandros. J'aurai voulu avoir une petite soeur, aimer le parmesan, et écrire le couplet de Flynt dans "Vieux avant l'âge". Au lieu de ça, je rédige des conneries pour un site de rap. Monde de merde.

4 commentaires

  1. J’avais découvert cette artiste avec le morceau « L’ascenseur », et quelques morceaux avec Supafuh je crois. J’aime bien son discours sur sa musique, la façon dont elle conçoit sa création… Après, nous sommes à une époque où le public n’est pas forcément demandeur de ce genre de musiques ou même de femmes qui font du rap (et qui mettent leur musique au premier plan et pas leurs corps). C’est dommage parce qu’il y en a pas mal qui sont intéressantes.

    Pour parler de l’album, je dirais que je la trouve plus « énervée » ou sèche dans sa façon de rapper que sur les précédents projets mais il faut évoluer n’est ce pas. Le morceau « Louder » a ma préférence.

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