Entreprise périlleuse et souvent dénaturante que celle de segmenter le rap en évoquant ses différents courants où l’on oppose souvent à tort technique narrative, registre de langue, sonorité, sens du contenu et portée comme si chaque artiste était affilié à un registre unique et indivisible. En effet, rien n’empêche un morceau egotrip de se vouloir également hardcore, électro et commercial ou un MC conscient d’être à la fois poétique, jazzy et indépendant.
Pour fuir cette approche globalisante à tendance réductrice, beaucoup d’artistes à l’instar d’Oxmo Puccino, dont le travail n’a cessé d’évoluer au fil du temps, se soustraient aux classifications habituelles de la presse et préfèrent simplement parler de musique lorsqu’il s’agit d’appréhender la transversalité de leur œuvre.
Pour aborder l’art du story-telling appliqué au rap hexagonal, technique narrative sur laquelle nous nous sommes déjà penchés par le passé à propos de la discographie de Médine c’est une structuration de récit particulière que nous analyserons sans pour autant nous borner à isoler ce genre au sein d’un courant figé.
Le story-telling qui littéralement signifie raconter une histoire relève d’une tradition de récit ancestrale remontant à la nuit des temps jusqu’aux superproductions hollywoodiennes. Cette communication narrative apporte au texte une touche ludique qui renforce généralement l’adhésion du public. Les histoires mises en scène par les rappeurs peuvent être réduites à des anecdotes dépourvues de sens existentiel ou plus généralement étendues à des discours servant de vecteurs pour faire passer des messages plus complexes parfois politiques. Ces derniers sont dans ce cas transmis avec davantage d’efficacité selon le principe que pour parler à la tête, il faut souvent d’abord toucher le coeur.
On se rapproche ainsi du romantisme littéraire où le sentiment prévaut sur la raison et l’imagination sur l’analyse critique à condition que la thématique développée contienne une touche de fantastique. A l’inverse, lorsque les story-telling sont une représentation fidèle du quotidien, sans artifice et sans idéalisation, où l’artiste dépeint la réalité avec un point de vue objectif, le texte tend à s’apparenter au mouvement réaliste. Apparu dans la seconde moitié du XIXème siècle, le réalisme analyse les comportements sociétaux souvent dans le but de les dénoncer.
Ne pouvant traiter le story-telling de manière exhaustive compte tenu de l’ampleur de son utilisation dans le milieu du rap français, nous positionnerons le focus sur un certain nombre de morceaux, classiques ou confidentiels, mettant en avant la diversité de cette pratique narrative.